[Juste en dessous, un petit « coup de gueule » de mon ami Martin.]
La revue PIVOT nous a servi cette semaine la nouvelle version d’un procédé récent qui s’assimile à une censure, soit une campagne de pression pour forcer une dramaturge à réécrire une pièce en réponse aux revendications d’un lobby. On note comme un goût de déjà-vu…
Dans ce cas-ci, ce sont des défenseurs de l’achat de sexe et du proxénétisme qui réclament de l’autrice Véronique Côté qu’elle modifie une pièce qui doit prendre l’affiche au Théâtre La Bordée de Québec dans un mois. La nouvelle pièce « La paix des femmes », un dialogue entre deux personnages aux opinions opposées, est accusée de ne pas soutenir suffisamment la thèse du Comité Autonome du Travail Sexuel (CATS), un groupe de pression qui exige la dépénalisation totale de l’achat de sexe et du proxénétisme au Canada.
L’article publié par PIVOT « cite » deux travailleuses du sexe anonymes qui reprennent le discours classique de la « happy hooker », mais aucun exemple de la pièce attaquée. Leur argument se résume à déplorer que la notion d’agentivité revendiquée à l’appui de l’industrie par une des protagonistes ne fait pas suffisamment le poids face aux dommages avérés du système prostitutionnel, cités par sa vis-à-vis. Un hyperlien du texte de PIVOT conduit à la lettre ouverte d’une troisième personne, elle aussi écrivant sous pseudonyme et sur le site du CATS, qui adresse à Véronique Côté une lettre ouverte ultra-manipulatrice l’associant aux discours de sa mère…
Quant à Madame Côté, elle n’est même pas citée.
Je trouve déplorable qu’un média soi-disant progressiste se livre à une telle attaque contre une travailleuse culturelle qui défend les droits des femmes face à leurs exploiteurs. Je remarque aussi qu’elle a lieu au moment précis où le lobby prostitutionnel intente un recours judiciaire contre la loi canadienne qui a finalement interdit clairement le proxénétisme et l’achat de sexe au pays, suite à de longs débats il y a six ans. PIVOT collabore d’ailleurs avec l’association PressProgress qui défend ouvertement les propriétaires de « body rub parlors (bordels déguisés en salons de massage) » dans l’Ouest canadien.
« La gauche ne peut avoir à la fois ses putains et ses politiques », a écrit Andrea Dworkin dans Pornographie – Les hommes s’approprient les femmes (Éditions LIBRE, 2022) Je me demande comment l’équipe de PIVOT justifie la publication d’un texte aussi contradictoire des valeurs affichées par ce média, alors que se multiplient les initiatives au Québec contre l’exploitation sexuelle commercialisée.
Solidaire de Véronique Côté!
Martin Dufresne
