Précisions concernant les retraites [extraits]

Deux annexes tirées de l’ouvrage de Christiane Marty, Retraites – saison 2022, éd. du Croquant, 2022, 75p., 3€. afin de comprendre les fonctionnement actuels.

Annexe 1

Retraites : répartition et capitalisation

Dans un système de retraites par répartition, ce sont les cotisations des personnes en activité qui sont immédiatement utilisées pour payer les pensions des retraité.es. Dans un système par capitalisation, les cotisations alimentent des ‘ placements financiers dont le rendement futur (incertain) déterminera le montant de la pension. La capitalisation est basée sur une logique d’assurance individuelle, opposée donc à la répartition qui est basée sur la logique de solidarité qui est au I fondement de la protection sociale.

Contrairement à ce que l’on peut penser, la capitalisation ne consiste pas à épargner son propre argent pour sa retraite : c’est un placement dont la valeur, qui déterminera la pension au moment de la retraite, dépendra de toute façon de la richesse économique créée à ce moment-là par le travail des actifs. Les cotisations dans un régime pari capitalisation donnent simplement des « droits à valoir » sur la production future. Ainsi, en répartition comme en capitalisation, les pensions des retraité.es sont prélevées sur la richesse produite en temps réel : la différence tient simplement à la manière de répartir cette production.

Mais dans les deux cas, les difficultés seront les mêmes si l’évolution démographique fait qu’il y a trop peu de personnes en activité pour produire suffisamment de biens et de services pour tout le monde. C’est donc une illusion de croire que l’épargne privée et les fonds de pension seraient mieux à même d’assurer l’avenir des retraites.

De plus, la capitalisation en reposant sur le rendement du capital, est très sensible à l’évolution des marchés financiers. À la suite de la crise financière de 2008, de nombreuses personnes des pays où les fonds de pension sont très développés ont vu fondre leur épargne retraite en quelques mois, et la plupart des pensions ont dramatiquement diminué. Ce sont alors souvent les gouvernements de ces pays – et donc l’ensemble des contribuables – qui sont intervenus pour limiter les dégâts.

Régime par annuités, par points ou en comptes notionnels

En France aujourd’hui, la retraite se compose de régimes de base par annuités et de régimes complémentaires par points. Pour les salarié.es du secteur privé, le régime complémentaire est Agirc-Arrco (avant 2019, les deux régimes étaient séparés : Arrco, pour tous les salarié.es et Agirc qui venait en plus pour les cadres). Les régimes par annuités comme ceux par points sont des régimes par répartition, mais ils fonctionnent différemment.

Dans un régime par annuités, il faut réunir un certain nombre d’années de cotisation, appelée carrière complète, pour obtenir une pension à taux plein. Actuellement la durée de cotisation est de 43 annuités à partir de la génération née en 1973. À l’âge légal de la retraite, le régime par annuités garantit taux de remplacement (rapport entre la pension et le salaire) pour la carrière complète : pour le régime général, le taux plein est de 50 %. Un régime par annuités donne donc une visibilité sur ce que sera la future pension.

Dans un régime par points, les cotisations servent à acheter des points tout au long de sa vie active, Au moment de la retraite, le montant de la pension est calculé en multipliant le nombre de points acquis par leur valeur à ce moment-là, qu’on appelle « valeur de service ». Cette dernière de même que le prix d’achat sont ajustés par les gestionnaires des caisses de retraite de manière à équilibrer au fur et à mesure les finances. Il n’y a ni taux de remplacement garanti, ni notion de carrière complète, et donc pas de visibilité sur la pension future. La logique d’un régime par points, en prenant en compte toute ta carrière, vise à ce que la pension reflète au plus près la somme des cotisations versées pendant la vie active. Elle renforce ainsi ce qu’on nomme la contributivité du système, c’est-à-dire qu’elle resserre le lien entre la pension et les cotisations. Toute période non travaillée signifie donc une réduction de la future pension. Les personnes qui ont eu une carrière incomplète, du fait de périodes de chômage, de maladie ou d’interruptions pour élever des enfants – les femmes en majorité – auront moins de droits et donc de plus faibles pensions.

La logique de contributivité s’oppose à la logique de solidarité

Plus un régime est contributif, plus à l’inverse la part de solidarité – celle qui est attribuée sans contrepartie de cotisations – est faible. Ce qu’on vérifie : dans les régimes de base par annuités, la part de la solidarité dans le montant des pensions versées par ces régimes est de 23 %, contre seulement 6,9 % dans les régimes complémentaires par points, plus contributifs.

Cela se vérifie aussi lorsqu’on compare les inégalités de pension entre les femmes et les hommes : elles sont bien plus importantes dans les régimes contributifs par points.

Écarts de pension entre les femmes et les hommes

Régime complémentaire par points : Agirc-Arrco 54%

Régime général, par annuités : CNAV 29 %

Fonction publique, par annuités : 14%

Comptes notionnels, pure contributivité

Il existe aussi des régimes en « comptes notionnels », comme en Suède par exemple. Les cotisations sont versées sur un compte individuel. Au moment de partir en retraite, le montant accumulé sur ce compte est revalorisé (selon le taux de croissance du revenu d’activité moyen, en principe) puis il est divisé par l’espérance de vie restante en théorie (déterminée par l’année de naissance) pour obtenir le montant de la pension annuelle. Concrètement, pour une personne qui part en retraite à 65 ans, dont l’espérance de vie estimée est de 20 ans, le montant des droits acquis sera divisé par 20 pour obtenir la pension annuelle à verser. Plus l’espérance de vie est élevée, plus la pension annuelle sera faible, La somme des pensions à verser tout au long de la retraite est ainsi calculée de manière à restituer au plus près la somme des cotisations versées, donc une pure contributivité.

Il faut toutefois préciser que cette égalité entre cotisations versées et pensions perçues tout au long de la vie n’est vérifiée qu’en moyenne pour une classe d’âge considérée (ensemble des personnes nées la même année). Car il se trouve que de nombreux individus « ne respectent pas » l’espérance de vie théorique de leur classe d’âge ! Ainsi, les ouvriers meurent en moyenne six ans plus tôt que les cadres : avec ce régime en comptes notionnels, ils bénéficieront bien moins longtemps de leur pension que les cadres, mais leur pension aura été calculé comme s’ils vivaient aussi longtemps…

Annexe 2

Taux plein, décote, âge dit du taux plein

Le taux est plein lorsqu’il est maximum dans le calcul de la pension : 50 % ou 75 % selon les cas (régime général ou fonction publique[1]). On obtient le taux plein de deux manières : soit, à l’âge légal de départ (62 ans), il faut avoir une carrière complète égalé a la durée de cotisation exigée, soit il faut attendre L’âge dit du taux plein (67 ans).

Si à 62 ans, on n’a pas une carrière complète, la pension est calculée au prorata de la durée de carrière réalisée par rapport à la durée exigée. Mais sur ce calcul, s’applique une décote qui correspond a un abattement de 5 % par année manquante, limitée à 5 années, (concrètement abattement de 1,25 % par trimestre manquant).

Il est possible d’attendre l’âge du taux plein pour éviter la décote, mais la pension reste calculée au prorata.

La décote constitue une double pénalisation, comme l’avait d’ailleurs reconnu Jean-Paul Delevoye qui était le haut-commissaire à la « réforme » des retraites en 2019. Elle concerne davantage les femmes que les hommes.

Les personnes qui n’ont pas la durée de cotisation j exigée et qui attendent 67 ans pour éviter la décote sont en majorité des femmes. Pour la génération 1950, cela concernait 19 % des femmes contre 10 % des hommes, soit écart de 9 points.


[1] Ces taux différents s’expliquent car pour le secteur privé, le régime générai ne fournit que la retraite de base à laquelle s’ajoute la retraite complémentaire. Celle-ci n’existe pas dans la fonction publique.

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