Archives du mot-clé Pornographie

« Les Chahuteuses »… pas vraiment.

[Une courte chronique à faire circuler afin de ne pas se faire avoir]

Hier je suis allée voir le spectacle « Histoire de cul » du collectif Les Chahuteuses pour 15 euros à la Bellevilloise.

Je me suis fait chier grave pendant tout le spectacle. Ce n’est même pas distrayant ni comique. Il n’y avait aucun humour.

Un homme nous parle de son expérience sexuelle avec sa partenaire dans un parc. Il raconte comment il a été soudain surpris par une dizaine d’hommes entourant tout à coup ses ébats et qui avaient décidé de l’observer tout en se masturbant. Il n’est alors question que de sa  » performance » par rapport au fait d’être ainsi observé. Va t il ou pas réussir à jouir sous le regard de ces spectateurs imprévus ? Là est la, SA question fondamentale. Tout droit sorti d’un scénario de film porno en fait.

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Andrea Dworkin : À propos de la rédaction de « Pornographie : les hommes s’approprient les femmes ».

[Ce qui suit est une partie d’un article d’abord publié dans la San Francisco Review of Books. Copyright © 1981 par Andrea Dworkin.] (Pornographie : les hommes s’approprient les femmes, éditions Libre)

Au cours de la rédaction de mon plus récent livre, j’ai vécu le plus extrême isolement que j’aie connu en tant qu’écrivaine. Je vivais dans un monde d’images — des corps de femmes exposés, des femmes prostrées, étalées, suspendues, écartelées, ligotées et lacérées — et dans un monde de livres — remplis de viols collectifs, de viols à deux, de viols commis par des hommes sur des femmes, de viols lesbiens, de viols de femmes par des animaux, d’éviscérations, de tortures, de pénétration, d’excréments, d’urine et de mauvaise prose. J’ai travaillé trois ans à ce livre. Après la première année, une amie est entrée dans ma chambre et m’a passé la remarque qu’elle était plus à l’aise dans les magasins de porno du quartier. Six mois plus tard, l’ami avec lequel je vivais m’a demandé calmement et sincèrement d’éviter de lui montrer les documents sur lesquels je pouvais travailler et aussi, si possible, de ne pas les laisser dans une autre pièce que la mienne. J’ai des ami-es bon·nes et prévenant·es. Leurs nerfs ne pouvaient même pas supporter le peu qu’illes apercevaient. Moi, j’y étais immergée.

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« Vous allez devoir débarrasser mon cul de votre fantasme », compte-rendu de Pornographie d’Andrea Dworkin par Didier Epsztajn

Andrea Dworkin : Pornographie
Les hommes s’approprient les femmes

Editions Libre 2022, 340 pages, 20 euros

« J’ai rencontré d’énormes difficultés à écrire et à publier cet ouvrage. La pornographie que j’ai dû étudier pour l’écrire a envahi ma vie et m’a plongée dans une grande détresse personnelle. J’ai beaucoup de difficulté à gagner ma vie pendant cette période, en partie parce que les magazines et les journaux refusaient, presque sans exception, de publier mes écrits. Les maisons d’édition ne voulaient pas publier ce livre. L’achèvement de ce livre est pour moi le triomphe d’une écrivaine se battant pour sa survie. De nombreuses personnes m’ont aidée et je ne les oublierai jamais. Il est à la fois juste et véridique de dire que j’aurais sombré sans leur aide ». Andrea Dworkin dans ses remerciements en fin de livre.

Il aura fallu plus de quarante ans pour que Pornography : Men possessing Woman soit enfin traduit en français. Il faut en remercier Ann Leduc et Martin Dufresne. J’aurais aimé lire un tel livre beaucoup plus jeune, pour moins m’égarer dans certaines lectures, au nom d’une conception bien masculiniste de la liberté sexuelle revendiquée. L’autrice ne joue pas sur les mots, elle utilise ceux du quotidien dans toute leur âpre nudité. Elle ne se laisse pas tromper par des allégations sur l’érotisme et l’encensement d’ouvrages ouvertement pornographiques et violents, elle nomme et analyse des livres, des images, des productions de l’industrie pornographique. Andrea Dworkin discute des violences masculines faites aux femmes, des conséquences sociales de la consommation de pornographie, des rapports de domination, de l’humiliation des femmes parce qu’elles sont des femmes. Elle aborde aussi des productions soi-disant scientifiques naturalisant la domination masculine, discréditant le non des femmes, justifiant la violence et le viol… Quarante après, un livre toujours d’actualité.

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Andrea Dworkin : Introduction de son ouvrage Pornographie

1

Je n’hésitai pas à faire courir le bruit que tout homme blanc qui se proposerait de me fustiger aurait aussi à me tuer.

Vie d’un esclave américain, écrite par lui-­même,
Frederick Douglass (1845)

En 1838, à l’âge de 21 ans, Frederick Douglass devint un esclave en cavale, un fugitif pourchassé. Même si plus tard il devait acquérir sa renommée en tant que puissant orateur politique, il prononça ses premières paroles publiques avec trépidation lors d’une réunion d’abolitionnistes de race blanche au Massachusetts en 1841. Le leader abolitionniste William Lloyd Garrison décrivit ainsi l’évènement :

« Il s’approcha de l’estrade avec une certaine hésitation et gêne, sans aucun doute les pendants d’un esprit sensible dans une situation aussi peu familière. Après s’être excusé de son ignorance, et avoir rappelé à l’auditoire que l’esclavage est une bien pauvre école pour l’intelligence et le cœur humains, il fit le récit de certains épisodes de sa propre histoire en tant qu’esclave […]. Dès qu’il eut regagné sa place, je me levai, empli d’espoir et d’admiration, et rappelai à l’auditoire les risques auxquels s’exposait dans le Nord ce jeune homme émancipé par lui-­même — même au Massachusetts, sur la terre des pèlerins fondateurs, au milieu des descendants des Pères de la révolution ; et je leur demandai s’ils accepteraient jamais de voir celui-­ci ramené de force en esclavage — quoi qu’en dise la loi, quoi qu’en dise la Constitution[1]. »

Constamment en danger dans son état de fugitif, Douglass devint tout à la fois organisateur dans le camp abolitionniste ; éditeur de son propre journal qui plaidait en faveur de l’abolition et des droits des femmes ; chef de gare au sein du « chemin de fer clandestin » ; un proche camarade du célèbre John Brown ; et, lors de la convention de Seneca Falls en 1848, il fut la seule personne à seconder la résolution d’Élizabeth Cady Stanton réclamant le droit de vote pour les femmes. De mon point de vue, il était un héros politique ; une personne dont la passion pour les droits humains était à la fois visionnaire et ancrée dans l’action ; quelqu’un qui a pris des risques réels et non rhétoriques et dont l’endurance dans sa quête pour l’égalité a établi une norme en ce qui concerne l’honneur en politique. Ses écrits, aussi éloquents que ses discours, exprimaient son rejet catégorique de toute subjugation. Son intelligence politique, à la fois analytique et stratégique, était imprégnée d’émotions : l’indignation face à la douleur humaine, l’affliction face à l’avilissement, l’angoisse face aux souffrances, et la fureur face à l’apathie et à la collusion. Il détestait l’oppression. Son empathie pour celles et ceux qui souffraient de l’injustice dépassait les frontières de la race, du genre et de la classe parce qu’elle était animée par son propre vécu — l’expérience de l’humiliation et celle de sa dignité.

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INDISPENSABLE : « Pornographie: Les hommes s’approprient les femmes » d’Andrea Dworkin (Éditions LIBRE)

[L’avant propos par Dora Moutot.]

« S’il y a une féministe que j’aurais vraiment aimé rencontrer, c’est bien Andrea Dworkin.

Elle fait partie des femmes que j’admire, car elle a su parler de sexualité de façon novatrice, critique et incisive.

Mais je n’ai pas eu cette chance. J’avais 18 ans quand elle est décédée et à cette époque, je n’avais pas encore de conscience féministe.

Pourtant à 18 ans, je consommais déjà du porno sur internet, je pensais naïvement que c’était « cool » et même « progressiste ». Pendant de longues années, l’industrie porno a conditionné mes fantasmes et ma vie sexuelle, comme celles de tant de femmes et d’hommes, sans que je sois capable de percevoir les scripts misogynes qui avaient été implantés dans mon imaginaire sexuel par ce biais. 

Pornographie, Les hommes s’approprient les femmes d’Andrea Dworkin, initialement publié en 1979 dans sa version originale, est un pilier du féminisme radical, un livre visionnaire sur l’industrie pornographique et son impact sur les rapports femmes-hommes et sur la société.

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Michel Piron en garde à vue. Derrière Jacquie et Michel : un système organisé de proxénétisme et de viols.

[communiqué de presse d’Osez le féminisme !]

Nous nous réjouissons d’apprendre que Michel Piron, propriétaire de Jacquie et Michel, et quatre complices, sont actuellement en garde à vue pour des faits de proxénétisme, complicité de viols et d’agressions sexuelles. L’impunité des pornocriminels se fissure, et la justice écoute enfin les victimes. C’est toute l’industrie pornographique qui est dorénavant face à la justice : acteurs, rabatteurs, producteurs, réalisateurs, diffuseurs constituent un véritable système proxénète et criminel. Nous exigeons que cesse cette zone de non-droit qu’est la pornographie.

En 2020, Osez le Féminisme, les Effrontées, et le Mouvement du Nid ont fait des signalements contre Jacquie et Michel pour proxénétisme, viols, traite des êtres humains et actes de torture et de barbarie, suite à l’enquête du journaliste Robin d’Angelo, qu’il relate dans “Judy, Lola, Sofia et moi”, et dans la vidéo-enquête sur Konbini de février 2020. Dans cette vidéo, l’un des fondateurs de ARES, la société propriétaire de Jacquie et Michel déclarait à propos de leurs méthodes de rabattage : “En France, (…) c’est interdit. C’est du proxénétisme. De toute façon, si tu trouves une fille, on met un truc qui n’a rien à voir (…) pour ne pas s’attirer les foudres”. La défense de Piron qui consiste à dire qu’il n’était pas au courant des violences commises sur les tournages est intenable alors que ce sont les diffuseurs qui commandent ces contenus violents et dégradants aux producteurs. Le “porno amateur” est un vaste mensonge. Seul existe un système de proxénétisme organisé. Les pénétrations sexuelles obtenues sous contrainte, les violences sexuelles et les actes de torture infligés, les manipulations commises contre des femmes rabattues et piégées, les diffusions incontrôlées des vidéos sont la norme de cette industrie criminelle. 

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Osez le féminisme ! : L’industrie pornocriminelle cible les enfants et la justice abdique ! (Communiqué de presse)

Malgré la loi qui l’interdit, l’industrie pornocriminelle cible les enfants, les conditionne à l’érotisation de la violence sexuelle, à la culture du viol, à la haine des femmes, à la haine raciale, en toute impunité. L’ARCOM a saisi le 8 mars 2022 la justice qui vient ce 24 mai de refuser le blocage de cinq sites pornographiques pourtant mis en demeure de vérifier l’âge des internautes. La Justice a fait primer les intérêts des pornocrates et des “consommateurs” de pornographie sur les droits fondamentaux et l’intégrité psychique et physique des enfants. 

La star Billie Eilish a déclaré avoir visionné du porno dès l’âge de 11 ans, et que cela avait “détruit son cerveau”. Au moment d’entrer dans la sexualité, “dévastée” par la pornographie, elle n’a pas réussi à refuser des pratiques violentes non désirées et reste hantée par des cauchemars, conséquences traumatiques de son exposition précoce à des violences sexuelles pornographiques. 

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Harcèlement sexuel environnemental, honte sur la direction du CHU (de Rennes)

[l’article qui suit est tiré du journal du syndicat Sud Bifisud n°52 (janvier 2022)]

Depuis plusieurs années, le syndicat SUD interpelle la direction au sujet des fresques de l’internat qui s’étalent sur des dizaines de mètres carré. Rien ne bouge. Le sexisme qui s’y dégage et auquel est confronté quotidiennement le personnel ne dérange pas la direction, bien que cette dernière ait une obligation de protection des salarié-es, et malgré l’affichage d’une charte contre le sexisme.
Sur les murs de l’internat de Pontchaillou la misogynie, la culture du viol, les violences sexuelles et le culte du phallus, sont l’environnement quotidien des gens qui y travaillent ou viennent y manger. On y voit Bridget Jones prise par Terminator, on y voit une femme ligotée façon sadomasochisme être le marteau dans un lancer de marteau, on y voit des scènes de zoophilie, de sexe à caractères racistes, et des graffitis obscènes comme « Un cul comme ça je le bourre », ou encore « Tu peux te vider dans la petite et la rousse te nettoie la bite ». Et ainsi de suite, tout cela sur des dizaines et des dizaines de mètres.
Il s’agit à la longue d’un contexte évident et caractérisé, de harcèlement sexuel environnemental, juridiquement injustifiable. Que ces fresques datent de plusieurs années importe peu, car elles participent du présent où les violences masculines sont courantes. Par ailleurs, que soient invoquées les dépenses qu’occasionnerait leur effacement est ridicule. Oui, la protection comme la santé du personnel coute de l’argent. Qualifier ces fresques d’érotique montre combien les imaginaires sexuels sont biberonnés au culte du porno et du phallus. Rien ne bouge.
Ces fresques sont une honte pour les professionnel-les de santé qui portent les valeurs de l’hôpital public. Mais la honte revient aujourd’hui à la direction qui laisse se perpétuer depuis des années le sanctuaire d’une « culture carabine » imbibée de la culture du viol. Son immobilisme avéré est affligeant et choquant. Signer une charte contre le sexisme est une chose, mais agir avec volontarisme en est une autre. Nous n’exigeons pas des mots mais des actes, sur ce sujet comme sur d’autres, en matière de protections des agents dans leur environnement de travail.
Une visibilité publique à grande échelle de ces fresques risque de porter un discrédit de plus sur une direction en flagrant délit de contradiction. Pour plus d’informations sur des pratiques d’un autre temps qui ne devraient plus exister aujourd’hui, « Silence sous la blouse » l’excellent ouvrage de Cécile Andrzejewski (éditions Fayard).

Un autre article ici : https://basta.media/fresques-pornographiques-CHU-Rennes-harcelement-sexuel-salle-de-garde-internes-hopital-public

Osez le féminisme ! (Communiqué de presse)

Osez le féminisme ! fait 200 signalements de vidéos illégales sur des sites pornographiques
Le 21 janvier 2021, Osez le féminisme ! a procédé à 200 signalements sur le site du ministère de l’Intérieur PHAROS. Les vidéos signalées sont des contenus illégaux hébergés par des sites pornographiques : actes de torture et de barbarie, incitations à commettre des crimes et des délits, pédocriminalité, viols, apologie de la haine raciale. Ces images intolérables contreviennent au droit pénal et international mais restent accessibles à toutes et à tous sur Internet.  Engagée depuis plus de 10 ans contre le système pornocriminel, l’association Osez le féminisme ! est partie civile dans ce qui se profile comme un procès historique en matière de violences sexistes et sexuelles avec 50 victimes identifiées, dont une trentaine bénéficient d’un accompagnement juridique, social et psychotraumatique par l’association, et potentiellement 500 hommes mis en cause. L’affaire “French Bukkake” a déjà un impact inédit avec 4 producteurs et 4 “acteurs” mis en examen en octobre 2021. Pour autant, les avancées restent trop timides au regard des dégâts considérables causés par l’industrie pornocriminelle.  La pornographie est une indutrie internationale multimiliardaire qui repose sur des activités illégales et sert d’alibi à des violences et humiliations extrêmes contre les filles et les femmes les plus vulnérables (femmes en situation de précarité économique, victimes de violences sexuelles, filles et femmes en zone de catastrophes humanitaires, etc.). Le consentement de ces femmes est extorqué, les vidéos des violences sexuelles qu’elles ont subies sont postées sur Internet, elles subissent des humiliations à grande échelle qui ont des conséquences physiques et psychologiques catastrophiques (prolapsus anaux et vaginaux, tentatives de suicide, brûlures, hospitalisations, etc.). Alors que ces réalités sont bien connues, les pouvoirs publics refusent de prendre leurs responsabilités. L’hégémonie et l’impunité des grandes entreprises productrices de contenus pornographiques reste immense : les victimes ont beau se tourner vers les autorités compétentes comme la CNIL, les vidéos postées sans leur accord restent en ligne et continuent de détruire leur vie.  Dans le même temps, l’impact sur la société toute entière est frappant. L’exposition des jeunes à ces contenus (l’âge moyen du premier visionnage d’une video  pornographique en France est situé entre 13 et 14 ans d’après l’IFOP) a des répercussions sur leur développement et la construction de leurs modèles sexuels, des comportements violents sont banalisés et reproduits, des crimes sont normalisés et érotisés. Nous dénonçons un deux poids deux mesures scandaleux : les vidéos que nous avons signalées sont de nature à susciter l’indignation dans n’importe quel contexte. Or, lorsqu’il s’agit de pornographie – et donc prétenduement de sexualité – tout semble devenir acceptable. Nous refusons cette hypocrisie coupable. Violence et sexualité ne doivent pas être mélangées, une ligne nette doit être tracée pour la protection de tou.te.s.  Osez le féminisme !, à travers la dénonciation de milliers de vidéos illégales dans 200 signalements sur le portail PHAROS, appelle le ministère de l’Intérieur à se saisir sérieusement du sujet des violences perpétrées et légitimées par le système pornocriminel.   
Osez le féminisme !

Communiqué de presse d’Osez le féminisme ! :  Affaire Jacquie et Michel

 

Affaire Jacquie et Michel : 4 “acteurs” mis en examen pour viol, la fin de l’impunité !

Quatre “acteurs” de vidéos pornographiques sont mis en examen pour viols dans l’affaire French Bukkake : c’est une première historique en France. Après la mise en examen de deux producteurs (dont un, Matthieu Lauret qui est l’un des principal fournisseur français de films pour Dorcel et Jacques et Michel) en octobre 2020 pour viols et proxénétisme aggravés et traite des êtres humains, ces mises en examens constituent une étape fondamentale vers  la fin de l’impunité pour l’industrie pornocriminelle tout entière.  Nous saluons la force des victimes de violences pornocriminelles, dont la prise de parole courageuse contribuera à mettre à mal cette zone de non-droit.

  Ce 28 octobre 2021, nous avons appris la mise en examen pour viols de quatre “acteurs”, dont “Tonio Love” et “Eddy Blackone”. Cela fait suite à la mise en examen de deux producteurs de Jacquie et Michel et de Dorcel en octobre 2020 ainsi que deux de leurs complices. L’un d’entre eux était chargé de chasser et piéger des femmes pour alimenter  en « actrices  » cette industrie de la violence. 
Ce ne sont que les débuts d’une affaire historique pour laquelle plus de 50 victimes ont déjà été recensées. C’est toute l’organisation d’une industrie pornocriminelle qui est mise à nue : un vaste réseau de proxénétisme et de trafic d’êtres humains, soumettant des femmes à la prostitution, aux viols et à des actes de torture. 
Les “acteurs” se défendent en invoquant qu’un contrat a été signé pour preuve de “consentement”. La justice va se charger de leur rappeler la loi : le consentement ne s’achète pas avec un contrat ; tout acte sexuel commis par la contrainte, la violence, la menace ou la surprise est constitutif du crime de viol. 
Cette affaire est révélatrice de la violence structurelle de l’industrie pornocriminelle qui n’est rien d’autre qu’un vaste système de proxénétisme. La proposition de “charte” présentée par plusieurs producteurs de l’industrie pornocriminelle depuis la révélation de cette affaire ne fait pas illusion. Elle est une insulte à l’intelligence au regard des faits criminels commis sur ces “tournages”. Cette charte est la réponse malhonnête d’une industrie qui sait qu’elle est illégale. C’est la justice pour les victimes que nous demandons !
Depuis notre premier signalement à la justice en février 2020, nos associations féministes, Les effronté-es, le Mouvement du Nid, et Osez le Féminisme ! sont au côté des victimes de la pornocriminalité, et se battront pour mettre fin à l’impunité de l’industrie pornocriminelle. 
Le procès en France s’inscrit dans une dynamique mondiale de lutte contre les violences pornographiques. Ainsi, aux États-Unis, PornHub est attaqué pour diffusion de viols, de viols pédocriminels, de tortures, de violences sur des femmes et filles inconscientes… Suite à l’enquête du NY Times, “The children of Pornhub”, en décembre 2020, Pornhub a déjà retiré 75% des vidéos du site, et la lutte féministe s’amplifie aux États-Unis, comme en Inde, au Canada, en Espagne, en Corée… 

La pornographie est le summum de la violence misogyne contre les femmes et les filles. Selon la chercheuse Gail Dines, 88% des vidéos contiennent des scènes de violences sexuelles, alimentant le pire de la culture du viol. Outil de propagande patriarcale, la pornographie nourrit la haine misogyne contre les femmes et les filles, et les pires archétypes sexistes, lesbophobes, racistes et porteurs d’une idéologie pédocriminelle. Il ne peut y avoir de lutte contre les violences masculines sans inclure la lutte au côté des victimes du système pornocriminel. Notre société défend l’égalité et la réciprocité du désir, le système pornocriminel n’y a pas sa place.

Osez le féminisme ! Communiqué de presse : La justice complice du sexisme d’Etat !

La justice complice du sexisme d’Etat ! 

par Osez le féminisme !   (appel à don en fin de communiqué)

Lundi 18 janvier 2021, la justice a rejeté notre appel estimant que la mairie de Béziers n’avait eu, avec ses affiches banalisant les violences contre les femmes, “aucun message à connotation sexiste”… comme dans l’affaire de Dannemarie. Le fait que ces images, qui renforcent les stéréotypes sexistes et les violences contre les femmes, soient promues par des institutions publiques est encore plus révoltant, et contraire au principe constitutionnel d’égalité femmes-hommes qu’elles sont censées défendre. Nous irons en Cour de Cassation pour demander justice !
Les représentations sexistes dans l’espace public portent atteinte à notre dignité, elles créent un environnement hostile, elles ancrent et naturalisent les stéréotypes et participent au continuum des violences ! L’image des femmes revêt un enjeu politique fondamental et conditionne l’égalité réelle.

L’image sexiste des femmes est souvent exploitée à des fins mercantiles. Encore plus inacceptable, les stéréotypes sexistes sont parfois exploités par des maires, agent.es de l’Etat, à des fins de communication publique. On peut parler de sexisme d’Etat. De nombreux exemples peuvent être cités, mais les associations féministes ont décidé de réagir plus particulièrement contre deux campagnes de communication de 2017 :

La Commune de Dannemarie, une institution publique donc, avait planté en 2017 dans toute la ville des silhouettes de femmes, hypersexualisées, dans des postures empruntées à la pornographie. Elles étaient couchées dans des positions lascives, cuisses écartées, toutes extrêmement minces. Elles s’adonnaient à des activités telles que le shopping, le striptease, le retrait de maillot ou le léchage de babines. Ces silhouettes présentaient aussi des femmes par les parties sexualisées de leurs corps ou en les symbolisant par des objets stéréotypés, comme la chaussure à talon.

A Béziers, le maire avait banalisé et instrumentalisé deux féminicides dans les campagnes incriminées. Dans un cas, une femme était étranglée par un homme, dans l’autre elle était maintenue sur les rails d’un train à l’approche.

Nos associations ont donc saisi le juge administratif et invoqué notamment la violation du principe de dignité humaine et le principe à valeur constitutionnelle d’égalité entre les femmes et les hommes. Elles ont argumenté que les maires et l’Etat ne jouissent pas de la liberté d’expression (et a fortiori à la provocation) au même titre que les citoyen.nes ou la presse. Au contraire, les institutions publiques doivent activement œuvrer à l’égalité femmes-hommes et donner l’exemple. Nous refusons qu’une institution publique montre aux femmes et aux petites filles une projection caricaturale de ce qu’une société patriarcale attend d’elles, ou banalise les violences contre elles. À quoi servent toutes les actions menées par les politiques publiques contre le sexisme et les stéréotypes, si une ville peut décider d’aller à contre sens dans ses communications officielles ?

Malheureusement, pour Dannemarie en octobre 2020, et pour Béziers le 18 janvier 2021, les requêtes des associations ont été rejetées, même en appel, par l’unique motif péremptoire que les campagnes ne seraient pas sexistes selon les magistrats ! 

Alors que la société se réveille suite à la vague Meetoo et initie une révolution des consciences, alors que les nouvelles générations reprennent les luttes féministes anciennes et affirment l’importance de dire, de nommer, de dénoncer les violences contre les femmes et les enfants disséminées partout dans la société, la justice quant à elle reste sourde… elle se braque et, ce faisant, rompt avec la société !

Pire, alors que les institutions internationales, l’ONU, le Conseil de l’Europe s’efforcent de faire de la lutte contre le sexsime une priorité absolue, conscientes des incidences et des répercussions majeures qu’elles ont, les juridictions administratives, garantes de l’Etat de droit, résistent !

Le Conseil de l’Europe a pourtant précisé le sens juridique du sexisme au terme d’une recommandation de 2019 qu’il considère comme une discrimination faite aux femmes. Il insiste sur le concept de « continuum des violences », à savoir que la violence symbolique (image de violence contre les femmes diffusée et banalisée par la culture et la communication) facilite et fait le terreau des agissements sexistes : violences notamment. Ainsi la recommandation précise que : “Notant que le sexisme constitue une entrave à l’émancipation des femmes et des filles, qui sont affectées de manière disproportionnée par les comportements sexistes; et notant également que les stéréotypes et préjugés de genre intrinsèques façonnent les normes, le comportement et les attentes des hommes et des garçons, et sont ainsi à l’origine des agissements sexistes”

En dépit de ces affirmations claires, les juges restent dans le déni, assènent des poncifs archaïques, valident le sexisme d’Etat et les privilèges d’un temps révolu.

L’Etat de droit ne doit pas oublier 50% de l’humanité ! Le sexisme est grave et mortel, il est contraire à la constitution, il est contraire à notre socle de valeurs et de droits !

NOUS CONTINUERONS À LUTTER CONTRE LE SEXISME ET CONTRE LES VIOLENCES MASCULINES

Nous réclamons l’instauration d’une loi anti-sexiste qui permettrait d’empêcher l’affichage dans l’espace public d’images faisant l’apologie des violences faites contre les femmes, et constituant un appel à la haine et au meurtre des femmes… En 2019, 152 femmes sont mortes tuées par leur conjoint ou ex-conjoint !

Nous continuerons à nous mobiliser. Dans l’affaire de Dannemarie, comme dans celle de Béziers, nous irons en Cassation devant le Conseil d’Etat, pour que le sexisme d’Etat cesse et que le principe d’Égalité entre les femmes et les hommes, consacré dans le marbre de la constitution, ne restent pas un droit théorique. 

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Osez le féminisme ! : Pornocriminalité – Pornhub, « Jacquie et Michel », Dorcel, la fin de l’impunité

 

Alors qu’aux Etats-Unis et au Canada, PornHub, l’un des géants du système pornocriminel est ébranlé, suite à la publication d’un article fouillé du New-York Times, nous demandons que des mesures soient prises en France, où les deux plus grandes plateformes de contenus pornocriminels “Jacquie et Michel” et “Dorcel” sont visées, directement ou indirectement par des enquêtes judiciaires.
Une enquête sur PornHub parue dans le New-York Times le 4 décembre dernier met en lumière ce que nous dénonçons depuis longtemps : le site diffuse des vidéos de viols, de viols pédocriminels, de torture de femmes inconscientes, étouffées avec des sacs plastique… Comme nous l’avons expliqué dans notre campagne contre la pornocriminalité sur les réseaux sociaux, les contenus pornographiques sont misogynes et le plus souvent racistes, lesbophobes, pédocriminels et incestueux. Lire la suite

Gail Dines : Dans une société juste, il n’y a pas de place pour le porno (chronique de Pornland)

Le libéralisme sexuel est cette idéologie qui exonère les exploiteurs de toute responsabilité à l’égard des personnes qu’ils violentent et exploitent sexuellement. C’est une idéologie qui est particulièrement véhiculée par l’industrie du porno, n’en déplaise à quelques adeptes libertariens qui voient dans ce secteur un apprentissage à la sexualité, un travail, ou un empowerment.

Pour répondre à ces fantasmes ou au mythe d’une pornographie sans impacts sociaux nocifs, le livre de Gail Dines, Pornland – comment le porno a envahi nos vies, est crucial.

L’ouvrage comprend un avant-propos de Cécilia Lépine – blogueuse de Racine Rouge –, une préface de Robert Jensen – universitaire et activiste proféministe – et une postface de Tom Farr – spécialiste des droits humains. Dines pour sa part est une sociologue féministe radicale américaine. Elle a travaillé de nombreuses années sur l’industrie du porno : consultation des films et des sites, échanges avec des producteurs, intégration des études sur le sujet, dialogues avec des consommateurs, des délinquants sexuels ou des étudiant-es. Lire la suite

Osez le féminisme : Mise en examen de 4 pornocriminels (communiqué de presse)

Alors que quatre pornocriminels sont mis en examen pour « viol, proxénétisme aggravé et traite d’être humain aggravé », nous espérons qu’il s’agit là du point de départ de la fin de l’impunité des violences misogynes, pédocriminelles, lesbophobes et racistes du système porno-criminel.

Nous apprenons dans 20 minutes que quatre pornocriminels, dont Mathieu Lauret, alias Mat Hadix, et Pascal Aullitraut, alias Pascal OP, ont été mis en examen pour viols, proxénétisme aggravé et traite d’être humain aggravé. Deux sont aujourd’hui en détention provisoire, deux sont sous contrôle judiciaire. Pascal Aullitraut est également poursuivi pour « blanchiment de proxénétisme aggravé et blanchiment de fraude fiscale » ainsi que pour « travail dissimulé »

Ceci intervient seulement un mois après l’ouverture d’une enquête à l’encontre de « Jacquie et Michel » pour proxénétisme aggravé et viols par le parquet de Paris suite à nos signalements. Nous nous félicitons du fait que la justice commence à écouter, enfin, les très nombreuses victimes de l’industrie pornographique et à condamner les violences inhérentes à celle-ci.

Dans cette deuxième affaire, tous les individus mis en examen travaillent pour l’entreprise « Jacquie et Michel » et/ou l’entreprise Dorcel, qui sont les deux leaders dans l’ “industrie pornographique” française, avec des dizaines -voire des centaines- de millions de vues. En particulier, Mathieu Lauret, dit Mat Hadix, est décrit par le milieu comme “le parrain”, principal producteur de « Jacquie et Michel », qui va même jusqu’à représenter l’entreprise à la place de Michel Piron, le PDG de « Jacquie et Michel », dans les médias. Il produit également trois vidéos par mois pour Dorcel, et multiplie les labels, alimentant toutes les plateformes pornographiques. Lire la suite

Gail Dines : Pornland – comment le porno a envahi nos vies (préface)

[sortie d’un livre important, à commander et lire !!! aux Editions Libre]

Préface de Gail Dines :

Howard Stern propose régulièrement du porno dans son émission, ce qui lui a notamment valu d’être la deuxième célébrité la mieux payée au monde en 2006 ; la vie de Hugh Hefner, avec ses « petites amies » jeunes, blondes et pathétiquement naïves, a été l’objet de la très célèbre série télé Les Girls de Playboy diffusée sur la chaîne E! News ; la célébrissime star du porno Jenna Jameson, autrice d’un best-seller, est régulièrement mentionnée,  interviewée ou citée dans de nombreux magazines people ; l’actrice porno Sasha Grey apparaît dans un article de quatre pages du numéro de mai 2009 du célèbre magazine Rolling Stone, et joue dans un film de Steven Soderbergh ; le film Zack et Miri font un porno, de Kevin Smith, a été bien accueilli par les critiques ; la pole-dance est désormais une forme d’exercice très populaire ; des étudiants de l’université du Maryland ont diffusé un film pornographique sur leur campus ; l’université d’Indiana a proposé à Joanna Angel, actrice, productrice et réalisatrice de porno, d’intervenir lors d’un cours sur la sexualité. Je pourrais continuer, encore et encore. Mais ces quelques exemples devraient suffire à illustrer à quel point le porno s’est immiscé dans notre quotidien, jusqu’à devenir une partie normale de nos vies, comme si de rien n’était. Qu’en résulte-t-il ? Quelles sont les conséquences de cette saturation pornographique sur notre culture, notre sexualité, notre identité et nos relations ? Nous n’y pensons pas vraiment. Nous ne savons pas. Cela dit, nous pouvons être sûrs d’une chose : nous sommes au cœur d’une expérience d’ingénierie sociale à grande échelle dont notre société tout entière est le laboratoire, et dont les effets sont imposés à des participants non volontaires.

Les architectes de cette expérience sont les pornographes, un groupe d’hommes (principalement) qui cherchent à faire du profit, à créer des marchés, à trouver des produits qui se vendent, à investir dans la recherche et le développement, et à déployer des plans commerciaux sur le long terme. En résumé, ainsi que ce livre l’expose, il s’agit seulement d’hommes d’affaires – et certainement pas d’innovateurs au service de notre liberté sexuelle. Lire la suite

Robert Jensen : Les hommes, la pornographie et le féminisme radical

Les hommes, la pornographie et le féminisme radical : la lutte en faveur de l’intimité dans le patriarcat

Par Robert Jensen

Les critiques féministes radicales de la pornographie ont été, depuis leur première formulation, prolongées.

La critique féministe radicale de la pornographie reste à ce jour l’analyse la plus convaincante des contenus sexuellement explicites, mais elle est régulièrement marginalisée dans la culture dominante et dans les groupes féministes. Pourquoi ? Le patriarcat est profondément enraciné dans nos vies, et le déni ou l’évitement du caractère mortifère du patriarcat est courant. Dans la deuxième partie, j’expliquerai en quoi cette critique, et le féminisme radical plus généralement, n’est pas une menace mais un cadeau pour les hommes.

Depuis que je défends la critique féministe radicale de la pornographie, c’est-à-dire depuis plus de 30 ans, la question la plus courante que m’ont posé des femmes est : « Pourquoi les hommes aiment-ils tant la pornographie ? »

Bien sûr, tous les hommes ne consomment pas de la pornographie, et certaines femmes en consomment aussi. Mais l’industrie pornographique sait que l’immense majorité de ses clients sont des hommes, et la majorité de la pornographie reflète donc ce que les pornographes imaginent que les hommes visionneront – et reviendront visionner à nouveau – ce qui contribue à modeler l’imaginaire sexuel contemporain. Beaucoup de femmes considèrent que cette pornographie, et la consommation qui en est faite par les hommes, est affligeante. Elles veulent savoir pourquoi les hommes – y compris les hommes qui leur sont proches, en particulier leurs compagnons et leurs fils – trouvent la pornographie si plaisante, en consomment si régulièrement et ignorent leurs demandes pour qu’ils arrêtent.

La réponse simple est : « Parce que la pornographie fonctionne. » C’est-à-dire que les contenus visuels sexuellement explicites provoquent une excitation sexuelle intense qui facilite la masturbation. En clair : la pornographie produit des orgasmes, de manière fiable et efficace.

« Mais il n’y a pas d’intimité dans ce genre d’expérience sexuelle », soulignent les femmes. Je réponds : « Tout à fait ». « La pornographie offre aux hommes un plaisir sexuel, avec ce qui est ressenti comme un contrôle total sur soi et les femmes. La pornographie offre aux hommes la quintessence de l’expérience sexuelle sous le régime patriarcal – le plaisir sans la vulnérabilité. »

Mais les apparences sont trompeuses : ce sentiment de contrôle, sur soi et les autres, est à la fois illusion et hallucination. Les hommes gagneraient à comprendre cela. J’y ai gagné, et cette compréhension m’est parvenue grâce au féminisme radical. Lire la suite

#Notallporn : pourquoi les « bons côtés » ne comptent pas

Illustration : Ma.

« #Notallporn[1] : pourquoi les « bons côtés » ne comptent pas », par Jonah Mix

Sur la page d’accueil du site pornographique le plus connu au monde, on trouve des vidéos dont les titres me donnent la nausée. Des titres comme « Une salope bien conne adore baiser devant la caméra » ; « Trou du cul des quartiers pilonné par une bite blanche » ; « Elle a besoin de thune, et lui d’une chatte ». Il suffit de quelques mots-clés et d’un clic pour y accéder. Quelques clics de plus suffisent pour en voir 100 000 autres. C’est le porno tel qu’il existe aujourd’hui – et c’est, statistiquement, ce que la plupart des hommes regardent. Il n’est pas exagéré de dire que la majorité des hommes en Amérique, et probablement dans le reste du monde, tirent une satisfaction physique et émotionnelle de matériaux qui seraient considérés comme des propos haineux s’ils étaient destinés à n’importe qui d’autre que des femmes.

En tant qu’hommes, nous savons tous à quel point l’industrie pornographique est violente. Si vous le niez, rendez-moi ce service : allez sur la page d’accueil d’un site porno et lisez juste les titres. Bloquez toutes les images si vous le pouvez. Et posez-vous la question : est-ce ainsi que nous traitons des êtres humains ? Est-ce ainsi que les humains s’adressent les uns aux autres ? Ensuite, rappelez-vous que ce ne sont pas que des mots. Ce sont des actes. Ce sont des choses que des hommes font à des femmes – de vrais hommes blessant de vraies femmes dans le monde réel. Je demande très souvent à des hommes de le faire, d’aller voir ces titres, et ça en a fait pleurer plus d’un. Ça ne devrait pas être surprenant : sans le filtre de l’excitation brouillant la vue, il est difficile de réaliser la façon dont nous, les hommes, traitons les femmes et ne rien faire d’autre que de pleurer.

Malheureusement, tous les hommes ne se prêtent pas au jeu. Quelques-uns sont assez honnêtes pour reconnaître qu’ils s’en moquent, tout simplement. Quelques autres argumenteront contre toute attente sur le fait que « Punition d’une black ado » ne relève pas, en vérité, de propos haineux racistes et misogynes. Mais la majorité diront autre chose. Ils tomberont dans la défense classique : « oui, absolument, ces vidéos sont horribles. Je ne défendrai jamais cela. Mais, tu sais, il n’y a pas que ça dans le porno. Tu ne vois que les mauvais côtés ». Et, bien sûr, techniquement, c’est vrai. On peut trouver de la pornographie qui ne tombe pas dans les tréfonds de brutalité que sont les standards de l’industrie. Il pourrait même bien se trouver des vidéos qui s’affichent respectueuses des femmes, ou même féministes. Mais pour comprendre à quel point cette argumentation est incroyablement faible et a des conséquences terrifiantes, il faut en passer par un petit intermède philosophique. Lire la suite

À propos du genre

[L’article qui suit provient du site féministe Sisyphe, dispo en 2 parties ici et encore ici. Je le republie parce qu’il complète une série, déjà longue, de critiques féministes trop méconnues du queer. Par exemple: Nicole-claude Mathieu et Danielle Charest, Christine Delphy (dans sa préface à Les femmes de droite), Léo Thiers-vidal/Sabine Masson, Louise Turcotte, Catharine MacKinnon (avec « Féminisme marxisme et postmodernisme »). L’intérêt, avec le texte suivant, est toujours de rompre avec le statu-quo, favorisé par le système de genre et ses bénéficiaires (les hommes). Et force est de constater que  sur ces points, le queer présente des lacunes profondes qu’il s’agit d’expliciter. (L’article est reproduit avec l’autorisation des traducteur-es et du site Sisyphe: merci !) ]

Lors d’un « féminaire » organisé à l’intention des membres du London Feminist Network (Réseau féministe de Londres) en mai 2010, Debbie Cameron et Joan Scanlon, éditrices de la revue britannique Trouble & Strife, ont animé un atelier au sujet du concept de genre et de sa signification pour le féminisme radical. On trouvera ci-dessous une transcription révisée de leurs propos informels.

I. Qu’est-ce que le genre ? D’où vient la confusion qui l’entoure ?

Debbie Cameron : Le but de la discussion d’aujourd’hui est de tenter de déblayer une partie de la confusion théorique et politique qui entoure présentement le concept de genre. Il est probablement utile de commencer par se demander d’où vient cette confusion.

De nos jours, les conversations au sujet du « genre » achoppent souvent sur des problèmes parce que les personnes qui en parlent emploient le même mot en lui donnant en gros la même signification, alors qu’en y regardant de plus près, elles ne parlent pas des mêmes questions à partir de la même approche. Par exemple, quand nous avons lancé l’anthologie The Trouble & Strife Reader1 à la Foire du livre radical d’Edimbourg, des étudiantes sont venues nous dire leur satisfaction de voir ce livre publié, mais aussi leur surprise qu’il y soit si peu question du genre. Pourtant, ce livre ne parle que de cela, du genre, au sens féministe radical du mot, soit les relations de pouvoir entre femmes et hommes, de sorte qu’à nos yeux, cette réaction était assez surprenante. Joan ne la comprenait tout simplement pas au départ. Pour ma part, j’ai compris ce qu’elles voulaient sans doute dire car je suis toujours universitaire, et à l’université on entend beaucoup le mot « genre » utilisé de cette manière. Voici la clé de l’énigme : pendant les années 90, les théoricien.ne.s et activistes queer ont élaboré une nouvelle façon de parler du genre. Leur approche présentait bien sûr des points communs avec le vocabulaire féministe plus établi, mais elle présentait un accent différent ; elle était sous-tendue par une théorie différente. Il s’agissait au fond de la théorie postmoderniste de l’identité associée à la philosophe Judith Butler, bien que je doute que Butler elle-même dirait que les féministes n’avaient pas d’analyse critique du genre. Il découla de cette nouvelle approche des choix de politiques très différents. Pour les gens qui ont alors tiré leur formation soit en côtoyant la théorie féministe universitaire, soit en s’impliquant dans le système de pensée et l’activisme queer, c’est le sens que prit le concept de « genre ». Ces personnes crurent ce qu’on leur avait dit, à savoir que les féministes des années 70 et 80 n’avaient pas d’analyse critique du genre, ou qu’elles n’avaient pas la bonne analyse, dans la mesure où leurs idées sur le genre relevaient de « l’essentialisme » plutôt que de « la construction sociale » de l’identité. Lire la suite

Pour en finir avec quelques faussetés au sujet d’Andrea Dworkin

(traduction modifiée et mise à jour le 12-5-2015)

Andrea Dworkin est antisexe.

FAUX. Ses premières œuvres de fiction sont particulièrement riches en relations amoureuses, aussi bien lesbiennes qu’hétérosexuelles – par exemple A simple story of a lesbian girlhood et First Love.

Andrea Dworkin considère que « le coït est une punition ».

FAUX. Cette phrase est simplement dite par un personnage dans son roman Ice and fire. Le personnage paraphrase Franz Kafka.

Andrea Dworkin est anti-lesbienne et vit avec un homme.

A MOITIE VRAI. Elle a vécu dès 1974 avec l’écrivain John Stoltenberg, dont l’article « Living with Andrea » (Vivre avec Andrea) est paru dans Lambda Book Report en 1994. Leur homosexualité était publique dès les années 19701. Dans un discours prononcé en 1975 lors d’un rassemblement pour la Semaine de la fierté lesbienne, Andrea a appelé son amour des femmes « le terreau dans lequel s’enracine ma vie ».

Andrea Dworkin considère que les femmes battues ont le droit de tuer leur agresseur. Lire la suite

Le sexisme de la gauche radicale et les femmes

par Ben Barker

Le critère qui définit une personne radicale est sa volonté d’examiner de façon honnête et critique le pouvoir, et plus particulièrement, les déséquilibres de pouvoir. Nous nous demandons: Pourquoi un groupe dispose-t-il de plus de pouvoir qu’un autre? Pourquoi un groupe peut-il nuire à un autre en toute impunité ? Pourquoi un groupe est-il libre tandis que l’autre ne l’est pas? Ce genre de questions a longtemps été utilisé par des radicaux afin d’identifier des situations d’oppression et de prendre des mesures à leur encontre.
Cette démarche semblait à la fois claire et efficace, jusqu’à ce que soit soulevée l’oppression des femmes. Autant la gauche radicale a su nommer avec persistance les nombreuses manifestations dégueulasses de la culture dominante, autant elle a ignoré, minimisé et nié celle que constitue le patriarcat. Bien qu’il soit généralement admis que le racisme a pour effet de terroriser les personnes de couleur, que l’hétérosexisme a pour effet de terroriser les lesbiennes et les gais, que le colonialisme a pour effet de terroriser les communautés traditionnelles et indigènes, que le capitalisme a pour effet de terroriser les pauvres du monde entier, et que l’industrialisation constitue de fait un terrorisme à l’égard de la terre, les radicaux de gauche ne peuvent, pour une raison ou une autre, concevoir que le patriarcat constitue un terrorisme à l’égard des femmes. S’il arrive parfois que la question de l’oppression des femmes émerge, elle est édulcorée au point de ressembler davantage à un amas de circonstances désagréables, mais temporaires et isolées, plutôt qu’à ce qu’elle est vraiment : une guerre permanente menée contre la liberté, l’égalité et les droits humains de plus de la moitié de la population mondiale.
La façon dont le sexisme, le privilège masculin et le patriarcat sont passés sous silence entre radicaux est à la hauteur de la façon dont ils nous paralysent. Lire la suite