[Je mets plus bas 2 extraits d’un livre plutôt oublié. Ceux-ci figurent parmi les premières pages - à mon sens les meilleures. On trouve dans La Sainte Virilité des analyses qui s'approchent, avec moins de clarté, de celles de Stoltenberg avec son Refuser d'être un homme ; livre que je (re)conseille vivement. Hormis La Sainte Virilité et un article dans la revue Questions Féministes, je n'en sais pas vraiment plus sur Emmanuel Reynaud.]
Au lieu de reconnaître que les différences biologiques fondamentales entre hommes et femmes sont limitées aux fonctions différentes des sexes mâle et femelle dans le processus de la reproduction, certains scientifiques cherchent au contraire à les étendre à divers aspects du comportement et des aptitudes de chaque sexe.
Toute une série de travaux se basent sur la découverte qu’une imprégnation des structures nerveuses du fœtus par les hormones sexuelles détermine, à un moment donné, le fonctionnement définitif de l’hypothalamus, soit sur un mode stable assurant la production constante d’hormones mâles, soit sur un mode cyclique commandant la production alternée des deux types d’hormones femelles. A partir de cette meilleure compréhension du mécanisme de la différenciation sexuelle biologique, se développent de nombreuses expériences — sur les animaux — tendant à lier — chez les humains — hormones et comportement. D’autres travaux s’attachent, dans le même ordre d’idées, à montrer qu’un développement et un fonctionnement différents des hémisphères cérébraux chez hommes et femmes impliqueraient des différences d’aptitude selon le sexe : une capacité verbale meilleure chez les femmes, et une orientation et un traitement des tâches globales meilleurs chez les hommes.
Ce genre de recherches, qui tentent de donner une justification biologique aux sexes sociaux, appellent quelques commentaires. En effet, bien qu’elles ne manquent pas d’associer au « déterminisme comportemental biologique » l’influence de « facteurs psychosociaux » dans la formation de l’individu(e), elles semblent par contre ignorer que la biologie elle-même n’est pas une donnée figée, mais le produit d’une relation à l’environnement ; et cela aussi bien au niveau de l’histoire individuelle (ontogénèse) que de l’histoire de l’espèce (phylogénèse). Les hommes et les femmes tels qu’ils sont aujourd’hui n’ont ainsi rien à voir avec une quelconque « nature humaine », ni avec des « natures masculine et féminine », mais sont le résultat de la division sociale en deux sexes antagonistes.
En ne remettant pas en cause la division en sexes, on ne peut qu’expliquer a posteriori des modes de comportement socialement constatés et historiquement déterminés. Dans le même ordre d’idées, l’étude d’ « enfants sauvages » qui, isolés depuis leur naissance, sont incapables de parler, mettrait sûrement en lumière une inaptitude de ceux-ci au langage… cependant, quelles conclusions pourrait-on en tirer pour des humains élevés dans des conditions différentes ?
Quel intérêt y a-t-il à chercher à définir les aptitudes et potentialités de chaque sexe, alors que justement il est actuellement impossible aux individu(e)s de découvrir et développer leurs propres potentialités du fait de leur enfermement dans des catégories de sexe.
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