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Osez le Féminisme ! contre la loi « Asile et immigration »

Dans un contexte politique et médiatique de banalisation de l’idéologie raciste et xénophobe de l’extrême-droite, la loi “Asile et immigration” votée le 19 décembre 2023 par l’Assemblée nationale, porte gravement atteinte aux droits fondamentaux des personnes étrangères et ainsi aux principes d’égalité et de dignité de la personne humaine tels que consacrés par la République. 

Cette loi est la trentième mesure anti-migratoire votée en 40 ans. Cette fois-ci, la politique de préférence nationale dans l’accès aux droits sociaux portée depuis des années par le Rassemblement National et le Front National de Jean-Marie Le Pen, ainsi que la suppression du droit du sol, constituent un basculement idéologique intolérable et mettent particulièrement en danger les femmes et les mineur·es migrant·es et exilé·es, en situation régulière ou irrégulière.

Nous rappelons que le droit d’asile est reconnu par la Convention de Genève et inscrit dans la Constitution française. Il permet de protéger toute personne victime de persécution. Pourtant le rétablissement du délit de séjour irrégulier, supprimé en 2012, vient indirectement marteler le fait qu’être né·e dans un autre pays caractérise un délit.

Parmi les personnes étrangères, les femmes sont surexposées aux violences sexistes et sexuelles, aussi bien lors de leurs parcours migratoires qu’une fois arrivées sur le sol français. Selon les Nations unies, elles représentent 50 % de la population migrante.

Osez le Féminisme ! dénonce la mise en danger, par cette loi, des femmes et des filles étrangères sur le sol français, ainsi que la précarisation de leurs conditions de vie et d’accueil dans une perspective déshumanisante et de criminalisation des personnes étrangères.

1. Une loi violente économiquement et socialement : 

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« Protéger les mineur·es des crimes et délits sexuels et de l’inceste » par Catherine Le Magueresse & Laure Ignace

[L’article plus bas est une analyse du projet de loi qui sera débattu devant l’assemblée nationale prochainement. Il a été mis en ligne ici. Je remercie Laure Ignace pour son autorisation à le répercuter. L’autre autrice, Catherine Le Magueresse, vient de publier un livre indispensable concernant le traitement judiciaire des agressions sexuelles (viol, harcèlement, inceste,…) : Les pièges du consentement. Elle y explique l’histoire du concept de consentement, et montre en quoi la justice protège les agresseurs – avec de nombreux exemples tirés des tribunaux . Elle y explique les pièges, en particulier à travers la critique de la notion de « contrat », tant vantée dans nos sociétés libérales. Après avoir exposé et mis en discussion différentes refontes possibles du droit – à travers des propositions féministes ou des recours au droit international -, Catherine Le Magueresse ouvre des pistes pour que les victimes soient entendues et reconnues et pour éviter que des failles dans les textes permettent aux agresseurs de fuir leur responsabilité ; ainsi entre autres, elle développe et défend l’idée du consentement positif qui permet d’inverser la charge de la preuve : le mis en cause doit prouver qu’il s’est assuré du consentement. Les propositions que portent l’autrice, juriste et Docteure en droit, prennent aussi racine dans une longue pratique des tribunaux et d’accompagnement des victimes. Pour rappel : « 1% seulement des viols déclarés par les femmes dans les enquêtes de victimation donne lieu à une condamnation en justice ». Dans un dernier chapitre, elle s’attaque au consentement à l’activité sexuelle des mineur-es, et la conclusion magistrale élargit, entre autres, sur la culture porno en pleine croissance et l’intérêt-et-les-limites du droit. Je vous invite à lire cet ouvrage – riche, pointu et très clair ; tout comme celui de Suzanne Zaccour, La fabrique du viol, lui aussi indispensable.]

Le gouvernement avait annoncé un interdit clair : les majeurs ne pourraient plus « avoir » une activité sexuelle avec une personne mineure de moins de 15 ans (ou de moins de 18 ans en cas d’inceste). Nous y avons cru. Et nous sommes trahi·es: le texte en cours de discussion parlementaire maintient le droit des agresseurs. Appel aux sénateurs et sénatrices.

Le 23 mars 2021

Le Sénat est appelé à se prononcer, en seconde lecture, sur la proposition de loi visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste, dite « PPL Billon ». Ce texte (n°447) examiné en commission des lois mardi 23 mars, sera soumis au vote des sénateur·trices jeudi 25 mars.

Ce calendrier, extrêmement serré, laisse peu de temps pour un débat citoyen alors même que le texte comporte un certain nombre de dangers et d’absurdités. Il est donc impératif de le modifier.

Dans ce contexte, et pour parer au plus urgent, nous concentrerons notre analyse critique sur l’article 1er de la PPL.

Tout en faisant nôtre l’analyse pertinente de la PPL par l’association « Face à l’inceste », nous voulons étendre notre critique à la prise en compte des violences sexuelles par le droit car c’est toute la cohérence de la répression des violences sexuelles qui pose aujourd’hui question.

I. L’objectif affiché de la PPL : « protéger les mineur·es des crimes et délits sexuels et de l’inceste »

En 2017, l’affaire de Pontoise fut un électrochoc pour nombre de français·es qui avaient alors découvert que notre Code pénal ne garantit guère les droits des mineur·es en cas de violences sexuelles : les enfants se voient appliquer la même définition du viol (ou de l’agression sexuelle) que celle applicable aux victimes adultes : comme eux, les enfants ont à prouver, en plus de la pénétration sexuelle endurée, que l’agresseur a eu recours à une « violence, contrainte, menace ou surprise » (les VCMS dans la suite de ce texte).

Pour mieux « protéger les mineur·es », il s’agit donc aujourd’hui de poser – à l’instar de nombreux autres pays – un interdit légal prohibant tout contact sexuel entre un·e majeur·e et un·e mineur·e de 15 ans, ou de 18 ans en cas d’inceste. Cette avancée majeure est toutefois fortement compromise par plusieurs amendements déposés par le gouvernement ou par des député·es.

II. Un projet dévoyé par le gouvernement

Par un amendement (n°CL76) déposé en commission des lois par le gouvernement et défendu par le ministre de la justice Eric Dupond-Moretti, il est introduit une exception de taille à l’interdit légal posé : il s’appliquera seulement si la victime et l’agresseur ont au moins cinq ans d’écart d’âge.

Selon l’exposé de cet amendement, « Les définitions de ces nouvelles infractions doivent respecter les exigences constitutionnelles, à savoir les principes de légalité, de nécessité et de proportionnalité, ce qui implique qu’on ne peut pénaliser les amours adolescentes, et donc impose de prévoir un écart d’âge entre l’auteur et sa victime, qui existe du reste dans de nombreuses législations étrangères pour appliquer les nouvelles incriminations. Il est proposé de fixer cet écart à cinq ans. »

Tout au long des débats devant l’Assemblée nationale, le ministre de la justice s’est posé en défenseur des « amours adolescentes » et a invoqué le principe de proportionnalité pour justifier cet écart d’âge.

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