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Gestation pour autrui. Rejetez l’Avis n°86 du Comité consultatif de Bioéthique de Belgique 

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Le 17 avril 2023, et en réaction à la demande du ministre de la Santé Publique Frank Vandenbroucke, le Comité consultatif de Bioéthique de Belgique a rendu l’avis n°86[1], relatif à l’encadrement légal de la gestation pour autrui (GPA). Celui-ci actualise l’avis n°30 du 5 Juillet 2004. En Belgique, la GPA n’est pas réglementée ; elle n’est ni interdite ni légale, mais elle est pratiquée dans 5 cliniques spécialisées.

Nous, organisations féministes et de défense des droits humains et citoyen.ne.s engagé.e.s, sommes en total désaccord avec cet avis sur l’ensemble des points qui sont énoncés, tous – sans exception – en faveur de la légalisation de la GPA. Celui-ci ne prend aucune considération des droits des femmes et des enfants, adopte exclusivement le point de vue des clients commanditaires et se fait ainsi le relais du marché, qui cherche à développer la marchandisation et l’instrumentalisation du corps des femmes et la réification des enfants.

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Susan Hawthorne : est-il acceptable que des hommes gays exploitent des mères porteuses confrontées à la pauvreté, au racisme, aux forces eugénistes et à la misogynie ?

par Susan Hawthorne

Document présenté à Broken Bonds and Big Money : Une conférence internationale sur la grossesse pour autrui[1] . Storey Hall, RMIT, Melbourne, 16 mars 2019.

Je suis lesbienne. Au cours de mes quarante années d’activisme politique, j’ai dénoncé à plusieurs reprises l’homophobie, tout en luttant contre la misogynie, le validisme, le racisme et la discrimination de classe, entre autres oppressions. Aujourd’hui, dans mon intervention, je vais critiquer les hommes gays qui engagent des femmes comme mères porteuses afin de satisfaire leur « désir » d’enfant. Ma critique s’adresse à toute personne – hétéro ou gay – qui se procure des enfants par le biais d’une mère porteuse. Je m’oppose à la violence contre les femmes et je suis intervenue particulièrement au sujet de la violence contre les lesbiennes. Comme il n’est pas recevable que les hommes accusent les femmes de chauvinisme, parce que les hommes sont le groupe dominant, de la même manière, lorsqu’une lesbienne critique la politique de certains gays, nous devons nous rappeler que les gays ont plus de pouvoir dans les structures patriarcales que les lesbiennes.

Mon opinion selon laquelle les gays ne devraient pas avoir recours à la grossesse pour autrui n’est pas une haine des hommes gays, mais plutôt une différence politique : une différence que j’exposerai dans mon intervention. Je ne suis pas la première personne à critiquer les hommes gays, en effet d’autres lesbiennes et gays l’ont également fait (voir Klein, 2017 ‘ Solis, 2017 ‘ Bindel et Powell, 2018).

J’approuve les mots de Julie Bindel et Gary Powell qui écrivent :

Nous sommes un gay et une lesbienne engagées depuis de nombreuses années dans la lutte pour l’égalité des gays et des lesbiennes et sur des questions plus larges de droits humains. Nous nous opposons sans équivoque à toutes formes de grossesse pour autrui, car celle-ci est contraire à l’éthique, dangereuse sur le plan juridique, médical et psychologique, et constitue une marchandisation violente des femmes et des bébés, sans parler des risques sanitaires importants et à peine signalés pour les femmes et les bébés concernés (Bindel et Powell, 2018).

POUVOIR

Le pouvoir est au cœur de la grossesse pour autrui, et ce dont nous parlons ici concerne un abus de pouvoir. Lorsqu’une personne dispose et peut exercer plus de pouvoir qu’une autre, il s’agit d’une relation de pouvoir inégal.

Arrêtons-nous sur les phrases suivantes :

Kim Kardashian West a eu un bébé grâce à une mère porteuse. Kim Kardashian est très riche. Qui a-t-elle « choisi » pour être sa « mère porteuse ». Une femme riche ? Probablement pas.

J’ai détesté être enceinte, … Mais autant j’ai détesté ça, autant j’aurais malgré tout aimé le porter moi-même. Le contrôle est difficile au début. Une fois que vous ne vous occupez plus de ça, c’est la meilleure expérience. Je recommanderais la grossesse pour autrui à n’importe qui (Fisher, 2018).

Mais, comme le montrent clairement les contributrices de Broken Bonds (Lahl, Tankard Reist et Klein, 2019), il est difficile de renoncer au contrôle et le fait de le maintenir est plus fréquent chez les parents commanditaires, avec des conséquences désastreuses pour les mères biologiques.

Bien qu’elle ait souffert de placenta accreta[2] lors de sa propre grossesse, Kim Kardashian a néanmoins considéré qu’il serait normal qu’une autre femme mette sa santé en danger afin qu’elle, Kardashian, puisse avoir un troisième enfant.

Une autre citation :

Elton John paie 20 000 £ à une mère porteuse pour avoir un deuxième fils (Daily Mail Reporter, 2013).

La femme reste sans nom, non seulement pour le public mais même sur le certificat de naissance. Et à la place, David Furnish (le mari d’Elton John) est identifié comme étant la mère.

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Berta O. García : Casting d’esclaves – hier et aujourd’hui

[Je reproduis ici un chapitre d’un ouvrage tout récent, publié aux éditions L’échappée : Ventres à louer, une critique féministe de la GPA, coordonné par Ana-Luana Stoicea-Deram et Marie-Josèphe Devillers.

Grand merci aux autrices et aux éditions L’échappée pour l’autorisation de reproduire ce chapitre]

L’exploitation reproductive, faussement appelée maternité de substitution, consiste à fragmenter et à briser le lien materno-filial, lien primordial de l’espèce humaine. Fracture qui est à l’origine de toutes les violations des droits humains à l’encontre des femmes et des nouveau-nés.

Bien que de plus en plus de personnes soient conscientes de la violation des droits des femmes dites « porteuses » et des nouveau-nés, il existe un aspect de cette pratique violente dont on parle peu et qui reste à l’arrière-plan : les conditions requises pour devenir mère porteuse, qui constituent une attaque contre les droits des femmes, en particulier leurs droits sexuels et reproductifs.

IMPOSER DES CRITÈRES STRICTS
L’industrie de l’exploitation reproductive se targue de sélectionner les candidates mères porteuses sur des critères très stricts, avec un examen complet et une évaluation scrupuleuse qui éliminent la majeure partie des candidates.

Les exigences en question varient sensiblement en fonction de la législation des pays où la pratique est légale ou autorisée : se situer dans une certaine tranche d’âge, bénéficier d’une condition physique satisfaisante, d’un rapport poids-taille adéquat, être exempte d’antécédents psychiatriques et pénaux, ne pas avoir de liens familiaux avec les parents commanditaires, disposer d’un certain niveau de revenus – même minime –, de préférence ne pas être mariée, ne pas avoir subi plus de X césariennes, ne pas consommer de tabac, de drogues et d’alcool[1]… Mais l’exigence universelle est que la candidate recrutée pour porter un enfant pour le compte de tiers ait eu au moins un enfant vivant et en bonne santé.

Ces critères de sélection tant vantés fluctuent en fonction de l’offre et de la demande. Aujourd’hui, en raison de la catastrophe économique provoquée par le covid et de l’aggravation de la féminisation de la pauvreté qui en découle, de plus en plus de femmes sont prêtes à s’y engager pour assurer leur subsistance et celle de leur famille. Leur imposer le respect des conditions requises en devient d’autant plus facile.

Ce premier filtre passé, les cliniques, les agences et les commanditaires eux-mêmes imposent à leur tour leurs propres exigences, qu’il s’agisse, par exemple, d’examens médico-légaux surprises pour vérifier que la femme enceinte s’est effectivement abstenue de fumer, de boire ou de consommer des drogues, qu’elle est une femme honorable, qu’elle est croyante et craint Dieu, qu’elle acceptera d’allaiter l’enfant jusqu’à 24 mois… Nous avons même rencontré récemment un cas pour le moins inquiétant : des parents commanditaires exigent de « leurs » porteuses qu’elles ne soient pas vaccinées contre le covid et qu’elles s’engagent à ne pas l’être pendant leur grossesse ; dans le cas contraire, elles risqueraient d’être contraintes à avorter.

DEUX POIDS, DEUX MESURES
En revanche, les conditions imposées aux clients sont minimes et sont même, quand elles existent, considérées comme discriminatoires. Par exemple, si la législation définit que seuls auront accès à la pratique les ressortissants ou les résidents, les couples hétérosexuels mariés ou les personnes appartenant à une tranche d’âge spécifique, on fait valoir que cela stigmatise les étrangers, les couples de même sexe, les célibataires, les personnes âgées. Mais ces exigences sont rapidement et facilement caduques, car la seule condition à laquelle les clients doivent réellement répondre est celle de disposer d’une capacité financière suffisante.

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