[Je republie ici un article paru dans le dernier n° de la revue belge Chronique Féministe : Féminisme et pandémie. L’autrice est chargée de recherche à l’Université des femmes. Merci à cette université pour l’aimable mise à disposition du texte. La version pdf est ici :

Parce qu’il ne faut jamais ni penser ni croire que « les femmes n’ont rien fait de cela avant », il est utile de se pencher sur l’histoire, et ici, de croiser celle des pandémies avec celle des femmes. Alice Primi, historienne, retrace le rôle qu’ont joué les infirmières pendant l’épidémie de grippe espagnole, aux États-Unis. Alors, comme maintenant, elles furent sur le front du soin et de la préservation du vivant. Une façon de leur rendre « femmage » est au moins de les avoir en mémoire.
De nombreuses recherches en santé publique et développement, mais aussi en sociologie et en histoire du temps présent ont développé une approche genrée de certaines pandémies récentes, telles que celles du VIH, de la tuberculose ou d’Ebola, depuis les risques inégaux d’infection jusqu’aux répercussions différenciées dans la vie sociale des hommes et des femmes[1]. En revanche, l’histoire des grandes épidémies du passé — de la peste au choléra, en passant par la variole ou la grippe asiatique de 1968-69 — n’a été que peu abordée par le prisme des rapports sociaux de sexe et l’histoire des femmes ne s’est guère penchée sur ces épisodes. Bien des questions demeurent donc ouvertes, quelles que soient les pandémies concernées : femmes et hommes réagissent-ils et elles de la même manière en période de crise sanitaire, la maladie perturbe-t-elle leur existence de façon différente ? Les bouleversements socio-économiques, voire politiques, engendrés par l’épidémie permettent-ils une recomposition des rapports sociaux de sexe, ouvrent-ils de nouveaux horizons pour les femmes, ou bien renforcent-ils les rôles genrés et la domination masculine ? La multiplication des analyses genrées depuis le confinement dû au coronavirus suggère bien des pistes et des hypothèses pour explorer le passé sous cet angle, mais seules des recherches historiques approfondies permettront de relever points communs et différences d’une époque à une autre, d’un lieu à un autre, et d’en tirer des comparaisons instructives.
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