Archives du mot-clé Masculinistes

Sur les messages colériques d’hommes qui me sont adressés, par Lundy Bancroft

Bientôt disponible en français aux éditions Libre

Cela fait vingt ans que je reçois des messages d’hommes furieux ou que je lis en ligne leurs diatribes constellées de postillons. J’ai choisi de ne pas y répondre (enfin, j’ai peut-être cédé à cette tentation quelques fois), parce que je ne crois pas que cela soit le moindrement utile. Ce genre d’hommes n’examine jamais ce qu’il dit et n’entre pas dans une interaction pour explorer des idées. Il veut plutôt s’imposer au centre de l’attention et fustiger les personnes qui ne sont pas d’accord avec lui. Et surtout, il veut rabaisser les femmes et les rendre responsables de tout.

Cela fait longtemps que j’ai l’intention d’écrire un article sur la nature de ces messages et sur ce qu’ils révèlent de la façon dont pensent les hommes violents; parce que, franchement, c’est exactement ce qu’ils sont.

(Tout de suite, en écrivant cela, je lis déjà le prochain message enragé, qui dira quelque chose comme : « Tu qualifies d’agresseur tout homme qui n’est pas d’accord avec toi ». Je reviendrai sur cet argument.)

La tirade la plus courante que me lancent ces hommes ressemble à ceci : « Vu la façon dont Lundy décrit la violence dans Pourquoi fait-il cela?, n’importe quel homme peut être qualifié d’homme violent. Il prend des réactions normales de frustration et de colère et les amalgame à de la violence et des menaces, comme tout cela était la même chose. Si les hommes disent autre chose que « s’il vous plaît » et « merci » aux femmes, il les qualifie de méchants. À cause d’idées comme celles de Lundy, les femmes sont nombreuses à qualifier leur partenaire d »agresseur’ et à mettre fin à la relation, au lieu de régler les problèmes de manière responsable et de demeurer fidèles à leur vœux de mariage. Et c’est pour cette raison que des enfants grandissent dans des foyers brisés  (etc., etc.). »

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Edouard Leport : Les dégâts du « syndrome d’aliénation parentale » (SAP) 

[Dans l'attente d'un compte-rendu du livre d'Edouard Leport, voici déjà un extrait reproduit avec son aimable autorisation]

L’un des outils les plus dangereux et les plus efficaces pour neutraliser l’opposition des enfants et des mères aux demandes des pères est le « syndrome d’aliéna­tion parentale », abrégé en SAP et parfois euphémisé en « aliénation parentale », « exclusion parentale » ou « emprise et manipulation mentale d’un parent sur l’enfant ».

Le « syndrome d’aliénation parentale » est décrit pour la première fois en 1985 par son inventeur, le psy­chiatre et psychanalyste étasunien Richard Gardner, comme « un trouble propre aux enfants, survenant quasi exclusivement dans les conflits de droit de garde, où un parent (habituellement la mère) conditionne l’enfant à haïr l’autre parent (habituellement le père). Les enfants se rangent habituellement du côté du parent qui se livre à ce conditionnement, en créant leur propre cabale contre le père[1]». Gardner a forgé cette définition à partir de pseudo-constats dont il ne donne jamais de preuves empiriques. Il affirme ainsi que 90 % des enfants dont les parents se disputent la résidence souffrent du syndrome d’aliénation parentale ; que la majorité des allégations de violences sexuelles sur enfant faites dans le cadre de conflits sur la garde des enfants sont fausses ; que 90 % des fausses allégations sont le fait des mères.

Il se propose alors de créer des outils pour déterminer si les accusations de violences sexuelles formulées par les enfants sont vraies ou fausses, tout en partant du principe qu’elles sont fausses à 90 % dans le contexte des séparations conjugales. Le fondement circulaire et autojustificatif du raisonnement est donc éclatant dès le départ.

Un autre aspect particulièrement problématique dans le raisonnement de Gardner est qu’il considère que les « paraphilies » (les comportements sexuels préda­teurs[2]) des êtres humains sont des mécanismes naturels d’adaptation qui favorisent la procréation et assurent donc la survie de l’espèce humaine[3]. Il avance également que les femmes seraient disposées à être traitées violem­ment, voire violées par des hommes, car ce serait le prix à payer pour « recevoir du sperme » et donc participer à la procréation. En plus de la misogynie qui transpire dans ces propos, la dimension tautologique du raisonne­ment est encore une fois évidente : si l’inceste, le viol et les violences sexuelles en général ne sont pas considérés comme des sévices intolérables, alors leur dénonciation n’est ni indispensable ni légitime. Ces actes, supposés être dans la nature humaine, ne justifient pas, selon Gardner, le rejet de leur père par les enfants qui en sont victimes.

Contrairement à ce qu’affirment les partisans du syndrome d’aliénation parentale, et comme le montrent de nombreuses sources répertoriées par la juriste états-unienne Jennifer Hoult[4], il n’y a jamais de vagues de fausses accusations contre des pères, ni pendant les procédures de divorce ou de séparation ni en dehors. À cet égard, il est intéressant de noter que Gardner formule sa théorie du syndrome d’aliénation parentale dans les années 1980 aux États-Unis – une période où de très nombreuses accusations de violences sexuelles sur les enfants ont été médiatisées et se sont révélées vraies pour leur immense majorité. Les dénonciations d’incestes et de violences intrafamiliales avaient alors commencées à être prises au sérieux et les auteurs de ces actes avaient dû en assumer les conséquences devant la justice. La théorie de Gardner permettait de préser­ver l’impunité des hommes auteurs de ces violences sexuelles sur leurs enfants en accusant les mères d’avoir manipulé ces derniers pour les faire mentir[5].

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Chers hommes : alors vous pensez vraiment avoir envie d’une « femme forte et indépendante ».

Écrit par le Dr Jessica Taylor, le 4 janvier 2020

 

Ce blog est écrit pour les hommes, s’adressant directement aux hommes. Aux hommes qui s’intéressent aux femmes (hétérosexuelles ou bisexuelles).

Plus précisément encore, les hommes qui disent avoir envie d’une femme forte et indépendante. Les hommes qui trouvent sexy les femmes puissantes et déterminées.

Les hommes qui écrivent sur les forums qu’ils recherchent des femmes qui s’assument financièrement, qui ne « les dépouilleront » pas et qui ont leur propre carrière et leur propre pensée.

Les hommes qui disent aimer une femme intelligente et éduquée parce qu’elles sont « fougueuses ». Wouah.

Ça vous ressemble ? Ça vous rappelle un homme que vous connaissez ?

Il y a certaines choses que vous devez savoir avant de partir à la recherche de femmes qui se démerdent toutes seules. Si vous consultez tout ce blog et que vous pensez toujours pouvoir être un bon partenaire pour la « femme forte et indépendante » que vous recherchez, alors c’est bon, allez-y.

Cependant, si ce blog vous met mal à l’aise ou vous met en colère, vous devriez peut-être réévaluer vos choix et considérer que vous ne ferez pas un bon partenaire pour une femme déterminée. Vous devriez même vous demander si vous n’idéalisez pas les femmes ou si vous n’espérez pas les contrôler.

J’aimerais croire que c’est une évidence, mais internet me prouve sans cesse que j’ai tort, alors voilà :

Nombre des points que je soulève dans ce blog concernent toutes les femmes. Respectez toutes les femmes. Je ne saurais trop insister sur ce point. Ces « femmes fortes et indépendantes » qui vous intéressent ne sont pas du tout supérieures aux autres femmes et leur valeur n’est pas plus grande.

 

Les femmes indépendantes n’ont pas besoin de vous

Le point le plus important avec lequel vous devez être rapidement super à l’aise est que la « femme forte et indépendante » dont vous avez envie n’a en fait pas besoin de vous pour quoi que ce soit. Elle n’a pas besoin de vous pour mener sa vie. Elle n’a pas besoin que vous la sauviez. Elle n’a pas besoin d’être ensevelie sous les cadeaux ou les compliments. Elle n’a pas besoin de vous pour se protéger. Elle n’a pas besoin de vous pour subvenir à ses besoins.

Non, elle n’a pas besoin de vous. Par contre, elle s’intéresse à vous.

Chercher un-e partenaire est différent d’avoir besoin d’un-e partenaire. Les femmes qui vous intéressent n’ont pas besoin de vous parce qu’elles sont déjà autonomes. Si vous cherchez une femme à réparer, à sauver, à entretenir et à contrôler, vous devez vous regarder en face et chercher à comprendre pourquoi vous voulez être un dominant dans vos relations au lieu d’être un égal. Lire la suite

Comment les mères sont détruites quand elles essaient de protéger leurs enfants

Par Phyllis Chesler, The Huffington Post, 19/05/2016

Assommée de coups, étranglée jusqu’à perdre connaissance, encore et encore, les os brisés plusieurs fois consécutives, Holly Collins, une mère états-unienne, n’a trouvé ni justice ni protection au Minnesota. Elle a perdu la garde des deux enfants qu’elle essayait de protéger si difficilement de la rage et des coups de leur père. Quand elle a compris que ses enfants ne survivraient pas une semaine de plus – ou même un jour de plus – elle s’est enfuie avec eux et a obtenu l’asile politique en Hollande. Un documentaire émouvant raconte son histoire.

Collins fut la première maman états-unienne, et la seule pour l’instant, à avoir fait cela.

D’autres mères « protectrices » passent à l’action, par exemple la Dre Elizabeth Morgan qui a réussi à faire s’échapper ses parents et sa fille vers la Nouvelle-Zélande, pays avec lequel les États-Unis n’ont pas d’accords d’extradition. La Dre Morgan est restée emprisonnée à Washington pendant plus d’un an parce qu’elle refusait de révéler où se trouvait sa fille. J’ai personnellement interrogé les psychiatres s’occupant de l’enfant ; ils m’ont assurée que, pour eux, sa fille était bel et bien sexuellement agressée par son père.

Ces affaires ont eu lieu à la fin des années 80 et au milieu des années 90. Cela peut-il encore arriver aujourd’hui ?

Selon les mères « protectrices » et leurs soutiens légaux et médicaux, entendu.e.s durant la Conférence sur les décisions de garde d’enfants pour les mères battues – en mai 1996 à Albany (New York) – ces situations critiques vont en s’aggravant. Si une mère battue se trouve aux prises avec un conflit pour la garde d’un.e enfant, son avocat doit, stratégiquement, lui conseiller de ne pas parler de la violence familiale ; si elle le fait, elle court tous les risques d’en perdre la garde. Et de surcroît, si elle sait que son enfant est également psychologiquement terrorisé.e, battu.e, et peut-être sexuellement agressé.e, il est quasi certain qu’elle en perdra la garde si elle ose en parler. Elle sera perçue comme une « mère aliénante », une menteuse folle et rancunière.

Analysons cette situation inextricable, cette double voire triple ou quadruple contrainte.

La réalisatrice Rachel Meyrick travaille actuellement à un documentaire sur des mères états-uniennes battues qui ont perdu la garde de leurs enfants. Les témoignages recueillis sont sidérants et fendent le cœur. La bande-annonce de ce film est visible ici et, si vous êtes touché.e et impressionné.e autant que je l’ai été, vous pouvez soutenir ses efforts à terminer le film suffisamment vite pour qu’il puisse intégrer à temps la sélection du prochain Festival du film Sundance.

À la Conférence sur les décisions de garde d’enfants pour les mères battues, nous avons beaucoup appris des mères protectrices battues et de leurs soutiens. Ces mères sont courageuses, fortes, frustrées, scandalisées et découragées par la lenteur glaciale (si ce n’est la stagnation) de leur dossier et par l’absence continuelle de justice pour les mères battues et leurs enfants. Certaines mères ont grandi dans la pauvreté, d’autres dans le confort ; certaines ont été victimes d’inceste ou ont subi une violence énorme au cours de leur enfance. Certaines ont épousé des hommes « plutôt gentils » qui se sont avérés être des sociopathes sadiques et manipulateurs. Lire la suite

Mélissa Blais : « Le masculinisme est un contre-mouvement social »

[Je reproduis plus bas l’interview de Mélissa Blais publiée sur le site de la revue Ballast. L’autrice revient ici sur l’attentat qui a eu lieu à l’école Polytechnique en 1989 ;  elle y a d’ailleurs consacré un livre – trop peu connu : « J’haïs les féministes ! » – le 6 décembre 1989 et ses suites (éd. Remue-ménage, 2009).

L’entretien est republié ici avec son aimable autorisation – merci !

Le chapeau est de la revue Ballast. Pour s’y abonner, c’est là : https://www.revue-ballast.fr/produit/abonnement/]

Le 6 décembre 1989, un homme pénètre dans l’école Polytechnique de Montréal avec une carabine semi-automatique et un couteau de chasse. En une vingtaine de minutes, le dénommé Marc Lépine tue 14 personnes : 14 femmes. Ses motivations sont explicites : au moment de tirer sur les étudiantes qu’il a isolées dans une salle de classe, il crie « Je hais les féministes ! ». Dans la lettre qu’il laisse après son suicide, il déclare : « Mon acte est politique. » Malgré ces intentions claires, il aura fallu 30 ans à la ville de Montréal pour reconnaître officiellement qu’il s’agissait là d’un « attentat antiféministe ». La sociologue Mélissa Blais fait partie de celles qui ont milité pour cela. Nous revenons avec elle sur l’idéologie des mouvements masculinistes qui, aujourd’hui comme hier, avec ou sans actions d’éclat, continuent de lutter pour les « droits des hommes »  c’est-à-dire contre les revendications féministes.

On commémore aujourd’hui le 30eme anniversaire de l’attentat de Polytechnique : qu’est-ce qui a changé, depuis ?

Au sortir de la tuerie, on a tout de suite cherché à interpréter les causes de l’événement. Il ne s’agissait pas de remettre en question les faits : il n’y avait pas de force négationniste à l’œuvre. Mais les discours qui ont été les plus promus dans les médias mettaient de côté toute analyse sociologique, en réduisant l’événement au geste d’un seul homme guidé par sa folie : il aurait commis l’irréparable et on ne pouvait rien retenir de ses intentions. Or ce type de discours s’opposait très ouvertement aux analyses féministes de la fusillade, qui visaient au contraire à rappeler les intentions du tueur. Et qui voulaient saisir cette occasion pour agir ici et maintenant afin d’éviter la reproduction de ce type d’attentat. Les féministes ont beaucoup milité autour du thème de la violence contre les femmes, ce qui permettait d’inscrire l’attentat de Polytechnique dans un continuum de violences.

Durant les années qui ont suivi, les féministes étaient les seules à commémorer l’attentat, tandis que la bataille mémorielle persistait. Les discours se sont légèrement reconfigurés au moment du 10e anniversaire : il était davantage possible d’admettre que le tueur avait agi avec des intentions, et des intentions misogynes — mais on était encore loin de reconnaître le caractère antiféministe de son acte. Ce que l’on retenait en termes de prévention, c’est qu’il fallait s’attaquer à la violence en général, à la violence sous toutes ses formes. On amalgamait ainsi la violence contre les femmes et la violence à la télévision, la violence dans les cours de récréation… Ce faisant, on perdait de vue la particularité des violences sexistes. On évacuait les spécificités du phénomène sociologique des violences contre les femmes, qui mérite une grille d’analyse particulière.

Mais les féministes ont progressivement créé des brèches dans le discours médiatique. Après 20 ans, leur discours avait donc une plus grande place parmi les interprétations des causes de la tuerie. On reconnaissait que Marc Lépine n’était pas un individu isolé, que son geste s’inscrivait dans une société où persistaient des inégalités de genre. Mais il a fallu attendre 10 ans de plus et des efforts acharnés de la part de certaines féministes (aujourd’hui regroupées sous la bannière « Comité 12 jours d’actions contre les violences faites aux femmes ») pour que la plaque commémorative qui annonce la place du 6‑décembre-1989 à Montréal mentionne clairement qu’il s’agit non seulement d’un « attentat » — et non d’une « tragédie », comme c’était le cas jusqu’alors —, mais aussi d’un attentat antiféministe. C’est enfin une reconnaissance politique forte des intentions du tueur et du phénomène de l’antiféminisme. Mais jusqu’où ira cette reconnaissance ? Sommes-nous aujourd’hui prêts à entendre les féministes qui dénoncent les discours haineux qui les ciblent et qui circulent notamment sur le Web ?

Pourquoi les actes de violence antiféministes ont-ils tant de mal à être reconnus comme tels — et ce malgré les déclarations explicites du tueur ?

Pour le cas de Polytechnique, la distance avec l’événement est une des raisons pour laquelle on le reconnaît beaucoup plus facilement aujourd’hui comme tel. Distance temporelle, d’abord. On peut aujourd’hui penser que Lépine représentait le « dernier des dinosaures » et que la tuerie s’est produite à une autre « époque », celle de 1989, où persistaient des inégalités entre hommes et femmes. Il s’agirait d’un temps désormais révolu, puisque le problème serait réglé. On progresse alors sur la compréhension des intentions mais on se détourne du problème de fond, qui demeure actuel. Distance spatiale, ensuite. On qualifie les événements différemment selon qu’ils nous touchent directement où qu’ils se produisent ailleurs. Il est par exemple plus facile, depuis la France, de parler d’attentat antiféministe à propos de Polytechnique, car c’est le Québec qui a connu ce type de terreur. Lire la suite

« La responsabilité institutionnelle dans la mise en danger des enfants » par Le Réseau International des Mères en Lutte

(extrait du power point de Patrizia Romito, photographie réalisée à Ottawa le 11 avril 2017)

Les violences conjugales post-séparation sont de la même nature que les violences conjugales. Selon  la Professeure italienne Patrizia Romito, « il s’agit d’un ensemble de comportements caractérisé par la volonté de domination et de contrôle d’un partenaire sur l’autre, qui peuvent inclure brutalités physiques et sexuelles, abus psychologiques, menaces, contrôles, grande jalousie, isolement de la femme ainsi que l’utilisation des enfants à ces fins ».

Elle précise que les motivations à ces violences peuvent être regroupées en trois catégories : les représailles et la vengeance, le rétablissement de la situation de pouvoir et de contrôle, la tentative de forcer une réconciliation qui permet le rétablissement du contrôle. Les violences conjugales post-séparation affectent un nombre important de femmes et d’enfants et la séparation représente un risque accru de dangerosité.

De fait une absence de repérage des situations à risques ainsi qu’une mauvaise décision en matière de justice aux affaires familiales peuvent avoir des conséquences dramatiques, allant du transfert de résidence des enfants chez le parent violent, aux meurtres des femmes et des enfants.

Les violences létales après la séparation : tuer les enfants pour punir la mère

En Grande-Bretagne, l’analyse par Hilary Saunders de la situation de 29 enfants qui ont été tués par leur père après la séparation montre que ces homicides avaient eu lieu dans un contexte de négociations très conflictuelles entre les parents pour la garde des enfants ou le droit de visite. Dans les 13 familles analysées, la quasi totalité des mères avaient subi des violences conjugales. Pourtant le tribunal les avait obligées à accepter des contacts entre le père et les enfants.

Au Canada, lors du colloque Perspectives internationales sur la violence post-séparation organisé par FemAnVi, les 11 et 12 avril 2017, Patrizia Romito a illustré la responsabilité institutionnelle dans ces meurtres. Elle est notamment revenue sur la mort de Federiko Barakat en Italie.

Le 25 février 2009, ce petit garçon de huit ans est tué par son père dans les locaux des services sociaux de San Donato Milanese. Suite à la séparation qui intervient après des violences conjugales, sa mère Antonella Penati cherche à mettre en sécurité l’enfant mais elle est accusée d’aliénation parentale. Des contacts sont alors ordonnés et mis en place pour rétablir le lien entre le père et l’enfant. Le père tue Federiko lors d’une visite supervisée avec une arme à feu, puis s’acharne sur l’enfant en le frappant de plusieurs coups de couteau, avant de se suicider.

En Espagne, sur une période de 7 années, 29 enfants ont été tués par leur père pour se venger de leur mère. Ces meurtres sont comptabilisés à partir de 2013, puisque ces victimes sont considérés comme des victimes de violence de genre dans les statistiques officielles.

Dans une récente interview, le professeur en médecine légale à l’université de Grenade , Miguel Lorente Acosta, revient sur le cas des enfants tués. Il déplore qu’une personne condamnée avec injonction contre son ex- femme ou ex-conjointe puisse encore continuer à avoir accès aux enfants. Puis il ajoute :

« Un agresseur ne peut jamais être un bon père. Ils ont appris qu’il y a un moyen de faire encore plus de mal avec la mort des enfants. » Lire la suite

Les « mecs de gauche » – Réflexions sur nos amis dans l’ère #MeToo. Par Sylvie Tissot

[L’article de Sylvie Tissot a été publié sur le site Les Mots Sont Importants. Il est reproduit ici avec son aimable autorisation ; merci !]

#MeToo est comme une vague immense, qui ne cesse de se gonfler à partir des minuscules gouttes-d’eau-qui-font-déborder-le-vase, qui font qu’il n’est plus possible de se taire, que le spectacle d’hommes paradant dans leur coolitude, voire leur féminisme, à coup de rouge à lèvres comme D. Baupin, ou de ralliement bruyant et intéressé à la cause des femmes, est soudainement insupportable. Chacun ses moments[1].

La certitude feminist-friendly.

Avez-vous déjà passé un dîner entier à écouter votre interlocuteur, un ami cela va sans dire, vous expliquer à quel point il est féministe ? A quel point ses collègues hommes ne le sont pas. A détailler tout ce qu’il faudrait faire pour faire avancer la cause des femmes ? Tout ce que les femmes devraient faire aussi, et mieux ? Ses collègues notamment, si timorées. Et lui si courageux.

C’est long, très long, ce flot épais de contentement de soi. Et vos lèvres se crispent pour maintenir un sourire amical – de plus en plus poli, de moins en moins amical –, censé exprimer la gratitude que votre auto-proclamé allié attend de vous.

Ce qui me frappe dans le bain « de gauche » dans lequel je baigne, c’est le nombre d’hommes désormais acquis à la cause des femmes et qui le disent haut et fort. Les machos, c’est les autres : le beauf des campagnes, le musulman des banlieues, le bourge du 16ème arrondissement, les masculinistes organisés. Pas eux. La cause est entendue, quel plus beau remède au sexisme que le capital culturel. D’ailleurs n’ont-ils pas lu Judith Butler ? Lire la suite

Le lobby masculiniste – 2 vidéos

[merci à Gwénola Sueur et Pierre-Guillaume Prigent pour leur travail et l’autorisation de le répercuter ici. ]

 

et un documentaire de Myriam Tonelotto et Marc Hansmann, plus ancien mais devenu indispensable : In nomine Patris

Plus de vidéos ici sur le blog du Réseau International des Mères en Lutte :  https://reseauiml.wordpress.com/2018/10/21/violence-conjugale-et-alienation-parentale/

Francis Dupuis-Déri : Marxistes et anarchistes masculinistes

[L’extrait qui suit est tiré de l’ouvrage de Francis Dupuis-Déri La crise de la masculinité – autopsie d’un mythe tenace paru dernièrement aux éditions Remue-ménage (il sera disponible en France après l’été). Je remercie vivement l’auteur et les éditions pour leur autorisation à publier cet extrait.

Dans son ouvrage, richement documenté et illustré, l’auteur passe au crible différentes affirmations et faux raisonnements anti-féministes : l’échec scolaire des garçons, le suicide des hommes, le matriarcat, les paternités imposées, la symétrie des violences entre les sexes, etc. A l’instar de Judith A. Allen, l’auteur montre en quoi la crise de la masculinité est inexistante contrairement au discours qui l’affirme en boucle. (la-crise-de-la-masculinité pdf)

Une cartographie des mouvements masculinistes est dressée avec ses accointances avec les idéologies et rassemblements de droite et d’extrême droite.

J’ai particulièrement apprécié cette conclusion de Francis D.D. :

« [L]e féminisme appelle justement à la crise d’une société injuste et inégalitaire, et c’est ce qui dérange tant les hommes. Même s’ils ne sont pas en crise, ils font des crises quand des femmes refusent le rôle de sexe qui leur est assigné, quand elles transgressent les normes de sexe, quand elles résistent et contestent. Les hommes font des crises, car ils ne supportent pas d’être contredits et contestés, de ne pas avoir ce à quoi ils pensent avoir droit, en particulier des femmes à leur service.

Les hommes ne sont pas en crise, mais ils font des crises, réellement, au point de tuer des femmes.

En termes de justice et d’injustice, le problème aujourd’hui n’est pas que la masculinité soit en crise, mais bien qu’elle ne le soit pas encore. Cette crise qui n’est pas encore là, les femmes l’ont trop longtemps attendue, puisque nous y avons trop longtemps résisté. Il est donc temps d’arrêter de discourir sur la crise de la masculinité, et de tout faire pour quelle advienne, enfin. »

L’extrait concerne ici l’antiféminisme de quelques « figures de l’extrême gauche ». Proudhon ne se retourne pas dans sa tombe.] Lire la suite

Yvon Dallaire : psychologie, sexisme et antiféminisme

[Cet article de Francis Dupuis-Déri, que je reproduis avec son autorisation, a été publié dans la revue Possibles (printemps 2015). 

L’auteur est responsable du Groupe interdisciplinaire de recherche sur l’antiféminisme (GIRAF) associé à l’Institut de recherches et d’études féministes (IREF) à l ’Université du Québec à Montréal (UQAM) et au Réseau québécois en études féministes (REQEF). Il tient à remercier Louise Cossette pour ses commentaires à la lecture d’une version préliminaire de ce texte, et Mélissa Blais pour de nombreuses discussions sur ce sujet. Cela dit, les idées qui y sont exprimées n’engagent que l’auteur. Enfin, ce texte reprend quelques éléments de l’article «Le mythe de la caverne conjugale : d ’une justification contemporaine de l’inégalité dans les couples hétérosexuels», Argument, vol. 10, n° 1, 2008, et certaines idées présentées ailleurs, par exemple dans l’ouvrage collectif Le mouvement masculiniste au Québec : L’antiféminisme démasqué (Montréal, Remue-ménage, 20152ème édition).]

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Lausanne, octobre 2014. Un collectif militant féministe — Les Pires & associé-e-s — a perturbé une séance de formation de psychosexologie appliquée, offerte par le psychologue québécois Yvon Dallaire (et Iv Psalti), scandant des slogans et distribuant un tract (Le Courrier, 2014). En commentaire sur le site du journal Le Courrier, John Goetelen explique, à propos du collectif Les Pires et associé-e-s qu’il « s’agit d’un groupe anarcho-féministe de Grenoble1 ». Sur son blogue Les hommes libres, hébergé sur le site Web de La Tribune de Genève, il « appelle les groupes d’hommes et de femmes concernés par la condition masculine à se défendre plus activement contre ces agressions », les encourageant à ne pas « hésiter à user de la force contre les facho-féministes » (Goetelen 2014). Goetelen est auteur du livre Féminista : ras-le-bol ! et il se présente comme un « passionné de l’humain et des relations hommes-femmes » et un «[a]ntiféministe convaincu et réfléchi2».

Qui est Yvon Dallaire et comment expliquer l’attaque du collectif féministe Les Pires et associés à l’endroit de sa séance de formation? Afin de répondre à la première partie de cette question, précisons qu’Yvon Dallaire est né en 1947, et qu’il est membre de l’Ordre des psychologues du Québec. Il a enseigné la psychologie au Collège de Sainte-Foy (près de Québec) et il est à la fois éditeur (Les Éditions Option santé), thérapeute pour couples, formateur et conférencier. Il se présente comme l’inventeur de l’Approche psychosexuelle, qui propose de recourir à des thèses biologiques pour expliquer des phénomènes psychologiques. Ajoutons qu’Yvon Dallaire est régulièrement invité en Belgique et en France pour y prononcer des conférences ou offrir des cours de formation en sexologie clinique (en collaboration, entre autres, avec Iv Psalti). En 2013 et en 2014, il animait un atelier quotidien lors de la croisière Harmonie conjugale, sur la Méditerranée. Cette activité lui vaudra d’être sanctionné par le comité de discipline de l’Ordre des psychologues pour avoir « omis de sauvegarder en tout temps son indépendance professionnelle » (Sioui 2015)3. Soulignons également qu’Yvon Dallaire a aussi publié près de vingt livres, dont Homme et fier de l ’être (2001), réédité en 2015 sous le titre Homme et toujours fier de l’être, La violence faite aux hommes : Une réalité taboue et complexe (2002), Cartographie d’une dispute de couple (2007), Qui sont les femmes heureuses? La femme, l’amour et le couple (2009), Qui sont les hommes heureux? L’homme, l’amour et le couple (2010). Plusieurs de ses livres ont été traduits en plusieurs langues, notamment en anglais, en arabe, en espagnol, en italien, en portugais, en roumain, etc. Enfin, ce psychologue et auteur est très présent dans les médias européens, où il a été invité, par exemple, pour une série d’entrevues à la radio suisse. Pour ce qui est de sa participation aux média Québécois, il tient, entre autre, une chronique hebdomadaire dans Le Journal de Montréal.

Le féminisme selon Dallaire

Et comment expliquer les accusations d’antiféminisme à l’endroit d’Yvon Dallaire, alors même que celui-ci ponctue ses ouvrages et ses conférences de remarques quant à l’importance de reconnaître que les femmes éprouvent des problèmes, voire parfois que le féminisme est nécessaire? Il faut souligner à ce sujet, que Dallaire présente le plus souvent les hommes comme désavantagés, voire discriminés face aux femmes. Il prétend que la société n’est pas patriarcale et qu’affirmer le contraire le fait «rire» (Dallaire, 2001 : 57). Lors d’une entrevue pour le film La domination masculine, il avance même que « le féminisme, on pourrait dire créée le patriarcat, pour avoir un ennemi contre lequel se battre4.» Sa maison d’édition a publié plusieurs ouvrages masculinistes, dont De l’homme en crise à l ’homme nouveau : Essai sur la condition masculine (2009) et La cause des hommes : Pour la paix des sexes (2004).

Yvon Dallaire se défend pourtant d’être antiféministe ou même «masculiniste», cette forme d’antiféminisme selon lequel les hommes souffrent d’une crise d’identité à cause de l’influence des femmes émancipées, des féministes et de la soi-disant féminisation de la société, il se qualifie plutôt lui-même d’«hoministe» (Dallaire, 2015 : 17). Lire la suite

Encore plus d’inégalités et de risques pour les femmes et les enfants victimes de violences

Contre la proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant N°1856

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Est-ce une méconnaissance de la situation des victimes de violences conjugales ou les enfants victimes de violences intra familiales? Nous ne savons plus quoi penser des propositions législatives qui se penchent sur le sort des familles séparées. Une fois encore, ce texte a été rédigé dans la rapidité, (déposé le 1er avril, il sera examiné en première lecture à l’Assemblée Nationale le 19 mai), sans prendre en compte les urgences de terrain rapportées par les associations féministes depuis des années maintenant, et sans prioriser les garde-fous pour les victimes de violences conjugales et leurs enfants.


Les associations signataires, indiquent leur ferme opposition au texte proposé par les député-e-s Bruno LE ROUX, Marie-Anne CHAPDELAINE, Erwann BINET, Barbara POMPILI, François de RUGY, Véronique MASSONNEAU, et l’ont fait savoir lors de récentes audiences, ainsi qu’au Ministère des Droits des Femmes, au Secrétariat d’Etat à la famille et à la Délégation des Droits des Femmes à l’Assemblée Nationale.fnsf-logo3919-small


Nous demandons à Mesdames et Messieurs les Sénatrices et Sénateurs , à Mesdames et Messieurs les député-e-s et au gouvernement de ne pas acter ce texte qui est contraire aux préconisations de la Convention d’Istanbul (Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique) que la France est en passe de ratifier. Il vient en particulier en contradiction avec son article 31 qui préconise une législation plus protectrice pour les victimes de violences au sein des couples et leurs enfants.
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Démystifier le Mouvement de Défense Des Hommes

[La traduction suivante a été effectuée par la collective Tradfem, avec l’autorisation de l’auteur, Owen Lloyd. Afin d’exporter la pertinence de son texte à la France, Tradfem a ajouté des données dans les notes de bas de pages.]

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Les militants des droits des hommes: Des hommes qui se plaignent de problèmes causés par d'autres hommes et qui rejettent la responsabilité sur le féminisme d'une façon ou d'une autre.
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Ce qui suit est une réponse à une liste de propos et arguments classiques présentés par les activistes des droits des hommes.

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    1 . LE SUICIDE : le taux de suicide des hommes est 4,6 fois plus élevé que celui des femmes. [26 710 hommes pour 5 700 femmes, selon le Département Health & Human Services]

Ce n’est pas faute d’avoir essayé : les femmes tentent de se suicider trois fois plus souvent que les hommes 1. Les chercheur-es ont constaté que la socialisation différente des sexes est l’explication la plus pertinente du succès relatif des hommes dans leurs tentatives de suicide. Aux États-Unis par exemple, il a été démontré que les tentatives de suicide non-abouties sont considérées comme « féminines » alors que les réussites sont considérées comme masculines. En d’autres termes, la peur d’être étiqueté « féminin » ou « faible » dans une culture de suprématie masculine encourage les hommes à s’assurer que leurs tentatives aboutissent2. La statistique donnée ici masque aussi que beaucoup de ces « suicides » étaient en fait des meurtres-suicides. Aux États-Unis, on estime que 1.000 à 1.500 personnes meurent dans des attaques-suicides de ce genre chaque année3. Plus de quatre-vingt dix pour cent des criminels sont des hommes ; presque toutes les victimes sont des femmes4.

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    2 . L’ESPÉRANCE DE VIE : l’espérance de vie des hommes est de 7 ans inférieure à celle des femmes [les hommes : 72,3 ans ; les femmes : 79 ans, selon le National Center for Health Statistics], et ils reçoivent seulement 35 % des dépenses publiques de soins et de frais médicaux.

Voilà une curieuse déclaration. Si les femmes vivent 7 ans de plus que les hommes, il devrait être évident qu’elles reçoivent plus d’aide de soins : car les personnes les plus âgées sont celles qui ont le plus besoin d’être prises en charge par la collectivité, et les personnes les plus âgées sont majoritairement des femmes. Par ailleurs, le secteur des assurances fait payer chaque année 1 milliard de dollars de plus aux femmes pour accéder à l’assurance maladie, pour les mêmes niveaux de couverture que ceux reçus par les hommes5, et jusqu’à 53 % de plus pour le même régime de protection individuelle6, malgré une meilleure santé globale des femmes, et en dépit du fait que leur revenu est 23 % inférieur à celui des hommes7.

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    3 . LA GUERRE : les hommes sont quasi-exclusivement les seules victimes des guerres. [Les pertes au Vietnam : 47 369 hommes contre 74 femmes, selon le Département Défense]

La première chose à dire, c’est que si les appelés envoyés dans les guerres d’agressions impériales peuvent être parfaitement appelés « victimes », ils sont alors victimes de ceux qui sont responsables des guerres dans lesquelles ils se sont battus. Et ceux qui sont responsables sont des hommes. Tous les présidents et vice-présidents ont été des hommes. Tous les membres du bureau de l’état major ont été des hommes. Les deux branches du Congrès ont toujours été dominées par les hommes. Les sondages réalisés depuis le Vietnam montrent que ce sont les hommes qui ont soutenu ces derniers pour entrer en guerre, et qu’ils sont les plus enclins à soutenir les guerres en cours8. A chaque niveau d’analyse, ce sont des hommes qui sont responsables des guerres, et blâmer de quelque manière les femmes pour les morts au front est non seulement ridicule, mais aussi insensé. Si nous voulons mettre fin à ces morts, nous devons arrêter ceux qui en sont responsables : les hommes politiques, les militaires, les entrepreneurs de guerre, et les propagandistes qui les perpétuent. Lire la suite