Archives du mot-clé Antiféminisme

Sur les messages colériques d’hommes qui me sont adressés, par Lundy Bancroft

Bientôt disponible en français aux éditions Libre

Cela fait vingt ans que je reçois des messages d’hommes furieux ou que je lis en ligne leurs diatribes constellées de postillons. J’ai choisi de ne pas y répondre (enfin, j’ai peut-être cédé à cette tentation quelques fois), parce que je ne crois pas que cela soit le moindrement utile. Ce genre d’hommes n’examine jamais ce qu’il dit et n’entre pas dans une interaction pour explorer des idées. Il veut plutôt s’imposer au centre de l’attention et fustiger les personnes qui ne sont pas d’accord avec lui. Et surtout, il veut rabaisser les femmes et les rendre responsables de tout.

Cela fait longtemps que j’ai l’intention d’écrire un article sur la nature de ces messages et sur ce qu’ils révèlent de la façon dont pensent les hommes violents; parce que, franchement, c’est exactement ce qu’ils sont.

(Tout de suite, en écrivant cela, je lis déjà le prochain message enragé, qui dira quelque chose comme : « Tu qualifies d’agresseur tout homme qui n’est pas d’accord avec toi ». Je reviendrai sur cet argument.)

La tirade la plus courante que me lancent ces hommes ressemble à ceci : « Vu la façon dont Lundy décrit la violence dans Pourquoi fait-il cela?, n’importe quel homme peut être qualifié d’homme violent. Il prend des réactions normales de frustration et de colère et les amalgame à de la violence et des menaces, comme tout cela était la même chose. Si les hommes disent autre chose que « s’il vous plaît » et « merci » aux femmes, il les qualifie de méchants. À cause d’idées comme celles de Lundy, les femmes sont nombreuses à qualifier leur partenaire d »agresseur’ et à mettre fin à la relation, au lieu de régler les problèmes de manière responsable et de demeurer fidèles à leur vœux de mariage. Et c’est pour cette raison que des enfants grandissent dans des foyers brisés  (etc., etc.). »

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Edouard Leport : Les dégâts du « syndrome d’aliénation parentale » (SAP) 

[Dans l'attente d'un compte-rendu du livre d'Edouard Leport, voici déjà un extrait reproduit avec son aimable autorisation]

L’un des outils les plus dangereux et les plus efficaces pour neutraliser l’opposition des enfants et des mères aux demandes des pères est le « syndrome d’aliéna­tion parentale », abrégé en SAP et parfois euphémisé en « aliénation parentale », « exclusion parentale » ou « emprise et manipulation mentale d’un parent sur l’enfant ».

Le « syndrome d’aliénation parentale » est décrit pour la première fois en 1985 par son inventeur, le psy­chiatre et psychanalyste étasunien Richard Gardner, comme « un trouble propre aux enfants, survenant quasi exclusivement dans les conflits de droit de garde, où un parent (habituellement la mère) conditionne l’enfant à haïr l’autre parent (habituellement le père). Les enfants se rangent habituellement du côté du parent qui se livre à ce conditionnement, en créant leur propre cabale contre le père[1]». Gardner a forgé cette définition à partir de pseudo-constats dont il ne donne jamais de preuves empiriques. Il affirme ainsi que 90 % des enfants dont les parents se disputent la résidence souffrent du syndrome d’aliénation parentale ; que la majorité des allégations de violences sexuelles sur enfant faites dans le cadre de conflits sur la garde des enfants sont fausses ; que 90 % des fausses allégations sont le fait des mères.

Il se propose alors de créer des outils pour déterminer si les accusations de violences sexuelles formulées par les enfants sont vraies ou fausses, tout en partant du principe qu’elles sont fausses à 90 % dans le contexte des séparations conjugales. Le fondement circulaire et autojustificatif du raisonnement est donc éclatant dès le départ.

Un autre aspect particulièrement problématique dans le raisonnement de Gardner est qu’il considère que les « paraphilies » (les comportements sexuels préda­teurs[2]) des êtres humains sont des mécanismes naturels d’adaptation qui favorisent la procréation et assurent donc la survie de l’espèce humaine[3]. Il avance également que les femmes seraient disposées à être traitées violem­ment, voire violées par des hommes, car ce serait le prix à payer pour « recevoir du sperme » et donc participer à la procréation. En plus de la misogynie qui transpire dans ces propos, la dimension tautologique du raisonne­ment est encore une fois évidente : si l’inceste, le viol et les violences sexuelles en général ne sont pas considérés comme des sévices intolérables, alors leur dénonciation n’est ni indispensable ni légitime. Ces actes, supposés être dans la nature humaine, ne justifient pas, selon Gardner, le rejet de leur père par les enfants qui en sont victimes.

Contrairement à ce qu’affirment les partisans du syndrome d’aliénation parentale, et comme le montrent de nombreuses sources répertoriées par la juriste états-unienne Jennifer Hoult[4], il n’y a jamais de vagues de fausses accusations contre des pères, ni pendant les procédures de divorce ou de séparation ni en dehors. À cet égard, il est intéressant de noter que Gardner formule sa théorie du syndrome d’aliénation parentale dans les années 1980 aux États-Unis – une période où de très nombreuses accusations de violences sexuelles sur les enfants ont été médiatisées et se sont révélées vraies pour leur immense majorité. Les dénonciations d’incestes et de violences intrafamiliales avaient alors commencées à être prises au sérieux et les auteurs de ces actes avaient dû en assumer les conséquences devant la justice. La théorie de Gardner permettait de préser­ver l’impunité des hommes auteurs de ces violences sexuelles sur leurs enfants en accusant les mères d’avoir manipulé ces derniers pour les faire mentir[5].

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Mélissa Blais : « Féministes radicales et hommes proféministes : l’alliance piégée ? »

[Article republié avec l’aimable autorisation du blog Les Ruminant-e-s . Il est imprimable au format pdf ici :

Féministes radicales et hommes proféministes : l’alliance piégée ? (publié dans F. Dupuis-Déri (dir.), Québec en mouvements. Montréal, Lux, 2008, 276 p.)

Féministes radicales et hommes proféministes : l’alliance piégée[1] ? par Mélissa Blais.

Aux sorcières d’hier, d’aujourd’hui et de demain.

À nos rires et nos luttes.

L’actualité féministe nord-américaine est marquée par des questionnements internes, notamment quant aux possibilités d’ouverture face à des hommes désireux de s’investir dans cette lutte contre la hiérarchie entre les sexes. Les multiples milieux féministes, autant institutionnels (comme par exemple les comités femmes des syndicats)[2] qu’affinitaires et autonomes, poursuivent cette réflexion. La récente Commission parlementaire sur la réforme éventuelle du Conseil du statut de la femme est exemplaire de cette remise en question d’espaces de femmes non-mixtes. La promotion croissante de la mixité organisationnelle touche également les milieux radicaux et, plus spécifiquement, l’environnement des groupes féministes radicaux[3] de Montréal.

Ce débat actuel est stimulé par un ensemble de facteurs. D’un point de vue général, on peut noter l’influence grandissante des théories défendues par des féministes critiques du féminisme radical, et qui se revendiquent d’une « troisième vague », ou d’un « nouveau féminisme ». L’accroissement de la visibilité et de la légitimité accordée aux hommes se disant proféministes participe également du phénomène de remise en question de la non-mixité. Les groupes d’hommes proféministes québécois, tels qu’Hommes contre le patriarcat, ont par leur présence ouvert la porte à des collaborations avec les féministes radicales. Celle-ci sont parfois tentées, par une utopie d’un travail égalitaire possible avec certains hommes – les « bons gars » – d’oublier les privilèges historiques que ces derniers ont tiré de l’appropriation collective et individuelle des femmes (pour ne nommer que l’appropriation du corps et du travail des femmes), qui se manifestent notamment par des comportements et des attitudes oppressantes envers leurs « alliées » féministes. Cette utopie explique en grande partie la collaboration entre les hommes proféministes et des militantes de collectifs féministes radicaux, tels que Les Sorcières et Cyprine, dans le cadre de coalitions mixtes.

L’explication proposée ici est le fruit de réflexions découlant d’expériences qui serviront à présenter une analyse davantage descriptive des groupes féministes autonomes de Montréal, et finalement une critique de certains liens entretenus avec des hommes proféministes[4]. Je tenterai d’évaluer les impacts des collaborations avec les hommes proféministes en tenant compte des remises en question structurelles, théoriques et idéologiques qui marquent l’actualité féministe montréalaise. Pour ce faire, j’étudierai la coalition antimasculiniste créée dans le but de répondre aux discours des masculinistes organisés autour du Congrès Paroles d’hommes, en avril 2005.

LES GROUPES DE FÉMINISTES RADICALES ET AUTONOMES DE MONTRÉAL

Les divers groupes actuels de féministes radicales francophones non-mixtes et autonomes sont nés à la fin des années 1990 ou au début des années 2000. Je compte présenter ici trois de ces groupes, soit Les Sorcières (auquel je participe), Némesis et Cyprine, car mon implication politique m’a permis de connaître davantage ceux-ci. Il ne faut pas pour autant oublier l’existence d’autres groupes permanents ou éphémères, comme des comités de femmes du mouvement étudiant québécois, ou encore les Lilitantes, qui ont organisé un événement artistique le 6 avril 2006, ainsi que les Amazones, qui se sont mobilisées lors de la grève étudiante de 2008 et contre le projet de loi C-484 ouvrant la porte à la recriminalisation de l’avortement. Par ailleurs, les organisations d’extrême-gauche comptent sur la participation de féministes radicales, tout comme les milieux communautaires et institutionnels. Les groupes que nous étudierons apparaissent soit dans le cadre des mobilisations contre le capitalisme (Némésis), en réaction à des comportements sexistes dans le milieu militant (Les Sorcières) ou encore de la dynamique stimulante de la Rencontre féministes radicales à Montréal en 2003 (Cyprine). Les militantes du milieu féministe radical montréalais se reconnaissent par leur conviction que les femmes sont soumises à un système de domination spécifique, le patriarcat, ainsi que par leurs combats contre les privilèges masculins. Cette compréhension systémique de rapports de sexe fondamentalement inégalitaires et oppressants pour les femmes constitue leur point de ralliement permettant l’alliance dans les actions menées.

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Le nombrilisme trans – pourquoi des allié-e-s deviennent des TERFS

Par Olivia Boustra.

Bien joué.

Vous avez amené un transfemme à être considéré comme suffisamment femme pour être admis dans une prison pour femmes. Vous avez mis un violeur dans une prison de femmes, et vous avez rendu ça acceptable. Vous avez laissé des femmes se faire harceler par un violeur jusqu’à… Vous avez rendu ça acceptable. Parce que la validation de la personne trans comptait plus.

Bien joué

Vous avez fait expulser deux femmes d’un refuge pour femmes. Sous prétexte qu’elles s’inquiétaient de la présence dans leur espace sécurisé d’un mâle intact (avec pénis et testicules). Parce que les sentiments de la personne trans avaient plus d’importance.

Bien joué.

Vous avez rendu « cool » le fait de menacer des femmes de violences. À partir du moment où vous la traitiez de « TERF », c’était normal. Elle le méritait. Une sale transphobe mérite d’être attaquée, n’est-ce pas ? Il est acceptable de battre des femmes à coups de poing lors de manifestations puisque c’étaient des TERFS…

Bien joué.

Vous tyrannisez les gens qui ne veulent pas baiser avec vous. Vous les qualifiez de transphobes. Parce que votre validation a plus d’importance.

Vous avez créé de nouvelles lois qui permettent à n’importe quel homme d’accéder aux espaces réservés aux femmes. Dès que cet homme déclare : « Je suis une femme », il est cru et admis. Ainsi, les espaces féminins, créés pour des raisons de sécurité, deviennent maintenant votre territoire. Parce que les personnes trans ont plus d’importance.

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CONTRE L’INSTRUMENTALISATION DE LA JUSTICE PAR LES PÈRES VIOLENTS (communiqué de presse)

 CONTRE L’INSTRUMENTALISATION
DE LA JUSTICE PAR LES PÈRES VIOLENTS

Aujourd’hui, en France, les femmes victimes des violences masculines sont isolées et ne bénéficient d’aucun accompagnement. Souvent même, elles sont aussi victimes d’un déni de justice ! On ne connaît que trop bien les violences conjugales, mais que sait-on de la suite de ces violences ? Que se passe-t-il une fois qu’une femme a rassemblé son courage pour porter plainte ou sortir de la situation dangereuse dans laquelle ses enfants (le cas échéant) et elle se trouvent ? Nous souhaitons mettre en lumière ces parcours de “combattantes”, car non seulement les violences ne s’arrêtent pas à la plainte ou à la dénonciation de l’agresseur, mais se poursuivent bien trop souvent au-delà de la séparation. Les femmes subissent alors une instrumentalisation de la garde de leur(s) enfant(s) par le père violent ainsi que tout un lot de violences judiciaires, ce qu’on appelle violences secondaires. 

Ainsi, d’après l’étude d’Emmanuelle Mélan, criminologue, 79% des femmes sondées déclarent avoir subi des violences après séparation, dans certains cas, plus de 5 ans après la séparation. Par ailleurs, Ernestine Ronai indiquait dans une enquête menée en 2008 par l’Observatoire des violences envers les femmes du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis en collaboration avec le Parquet du TGI de Bobigny que sur les 24 féminicides survenus sur le département entre 2005 et 2008, dans la moitié des cas, les assassinats s’étaient produits à l’occasion du droit de visite du père violent. La France manque cependant cruellement d’études récentes sur le phénomène des violences post-séparation.

Les violences post-séparation

Une des idées reçues dans le domaine des violences conjugales est que les femmes, dont celles qui sont mères, victimes de violences par leur ex-conjoint sont à l’abri de leur agresseur une fois sorties du mariage ou de la relation. Or c’est un continuum des violences qui s’opère. Toutes les femmes dont nous avons recueilli le récit témoignent avoir subi des violences après la séparation, que celles-ci soient d’ordre physiques ou psychologiques. Pire, lorsqu’il y a des enfants de cette union, le lien avec l’agresseur est maintenu et ces femmes subissent alors harcèlement, manipulation, menaces, chantage. Les violences envers les enfants deviennent alors un moyen de torturer la mère. C’est un stratagème utilisé par les ex-conjoints agresseurs pour se venger de leur ex. Ces hommes pensent que la femme et les enfants leur appartiennent et ils considèrent la séparation comme une trahison qu’ils veulent punir. Le principe est le même que pour les violences conjugales. 

Les médias ne font malheureusement pas état de ces violences post-séparation, dont les éléments de possession, contrôle et vengeance devraient pourtant être discutés. 

Les violences judiciaires 

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Non, on ne peut pas être « féministe » et agresser des survivantes de la prostitution et des féministes le 8 mars. Par Osez le féminisme (communiqué de presse)

Lors des manifestations autour du 8 mars, à Tours, Montpellier, Toulouse, Paris, des survivantes de la prostitution et des féministes ont été insultées, menacées, agressées, leurs pancartes arrachées. C’est inadmissible !

Des “féministes” adoptent les stratégies des agresseurs et agressent dorénavant d’autres féministes. Nous connaissons bien ces stratégies contre lesquelles nous nous mobilisons lorsque nous soutenons toutes les victimes de violences sexistes et sexuelles. Mais, comment supporter que des féministes soient désormais les cibles de ces mêmes violences commises par des personnes qui se déclarent féministes ?

Les violences s’aggravent de manifestation en manifestation. Cela a commencé avec des bousculades. Les pancartes qui dénonçaient la violence de la prostitution étaient violemment arrachées et dégradées.  D’autres violences ont suivi, dans plusieurs villes, à Toulouse, Marseille, Paris, Strasbourg en 2019, puis en 2020, des manifestantes bousculées et attaquées, des rassemblements féministes perturbés, des campagnes virulentes en ligne, de la diffamation ou encore des appels au viol et au meurtre. Lire la suite

Chers hommes : alors vous pensez vraiment avoir envie d’une « femme forte et indépendante ».

Écrit par le Dr Jessica Taylor, le 4 janvier 2020

 

Ce blog est écrit pour les hommes, s’adressant directement aux hommes. Aux hommes qui s’intéressent aux femmes (hétérosexuelles ou bisexuelles).

Plus précisément encore, les hommes qui disent avoir envie d’une femme forte et indépendante. Les hommes qui trouvent sexy les femmes puissantes et déterminées.

Les hommes qui écrivent sur les forums qu’ils recherchent des femmes qui s’assument financièrement, qui ne « les dépouilleront » pas et qui ont leur propre carrière et leur propre pensée.

Les hommes qui disent aimer une femme intelligente et éduquée parce qu’elles sont « fougueuses ». Wouah.

Ça vous ressemble ? Ça vous rappelle un homme que vous connaissez ?

Il y a certaines choses que vous devez savoir avant de partir à la recherche de femmes qui se démerdent toutes seules. Si vous consultez tout ce blog et que vous pensez toujours pouvoir être un bon partenaire pour la « femme forte et indépendante » que vous recherchez, alors c’est bon, allez-y.

Cependant, si ce blog vous met mal à l’aise ou vous met en colère, vous devriez peut-être réévaluer vos choix et considérer que vous ne ferez pas un bon partenaire pour une femme déterminée. Vous devriez même vous demander si vous n’idéalisez pas les femmes ou si vous n’espérez pas les contrôler.

J’aimerais croire que c’est une évidence, mais internet me prouve sans cesse que j’ai tort, alors voilà :

Nombre des points que je soulève dans ce blog concernent toutes les femmes. Respectez toutes les femmes. Je ne saurais trop insister sur ce point. Ces « femmes fortes et indépendantes » qui vous intéressent ne sont pas du tout supérieures aux autres femmes et leur valeur n’est pas plus grande.

 

Les femmes indépendantes n’ont pas besoin de vous

Le point le plus important avec lequel vous devez être rapidement super à l’aise est que la « femme forte et indépendante » dont vous avez envie n’a en fait pas besoin de vous pour quoi que ce soit. Elle n’a pas besoin de vous pour mener sa vie. Elle n’a pas besoin que vous la sauviez. Elle n’a pas besoin d’être ensevelie sous les cadeaux ou les compliments. Elle n’a pas besoin de vous pour se protéger. Elle n’a pas besoin de vous pour subvenir à ses besoins.

Non, elle n’a pas besoin de vous. Par contre, elle s’intéresse à vous.

Chercher un-e partenaire est différent d’avoir besoin d’un-e partenaire. Les femmes qui vous intéressent n’ont pas besoin de vous parce qu’elles sont déjà autonomes. Si vous cherchez une femme à réparer, à sauver, à entretenir et à contrôler, vous devez vous regarder en face et chercher à comprendre pourquoi vous voulez être un dominant dans vos relations au lieu d’être un égal. Lire la suite

Comment les mères sont détruites quand elles essaient de protéger leurs enfants

Par Phyllis Chesler, The Huffington Post, 19/05/2016

Assommée de coups, étranglée jusqu’à perdre connaissance, encore et encore, les os brisés plusieurs fois consécutives, Holly Collins, une mère états-unienne, n’a trouvé ni justice ni protection au Minnesota. Elle a perdu la garde des deux enfants qu’elle essayait de protéger si difficilement de la rage et des coups de leur père. Quand elle a compris que ses enfants ne survivraient pas une semaine de plus – ou même un jour de plus – elle s’est enfuie avec eux et a obtenu l’asile politique en Hollande. Un documentaire émouvant raconte son histoire.

Collins fut la première maman états-unienne, et la seule pour l’instant, à avoir fait cela.

D’autres mères « protectrices » passent à l’action, par exemple la Dre Elizabeth Morgan qui a réussi à faire s’échapper ses parents et sa fille vers la Nouvelle-Zélande, pays avec lequel les États-Unis n’ont pas d’accords d’extradition. La Dre Morgan est restée emprisonnée à Washington pendant plus d’un an parce qu’elle refusait de révéler où se trouvait sa fille. J’ai personnellement interrogé les psychiatres s’occupant de l’enfant ; ils m’ont assurée que, pour eux, sa fille était bel et bien sexuellement agressée par son père.

Ces affaires ont eu lieu à la fin des années 80 et au milieu des années 90. Cela peut-il encore arriver aujourd’hui ?

Selon les mères « protectrices » et leurs soutiens légaux et médicaux, entendu.e.s durant la Conférence sur les décisions de garde d’enfants pour les mères battues – en mai 1996 à Albany (New York) – ces situations critiques vont en s’aggravant. Si une mère battue se trouve aux prises avec un conflit pour la garde d’un.e enfant, son avocat doit, stratégiquement, lui conseiller de ne pas parler de la violence familiale ; si elle le fait, elle court tous les risques d’en perdre la garde. Et de surcroît, si elle sait que son enfant est également psychologiquement terrorisé.e, battu.e, et peut-être sexuellement agressé.e, il est quasi certain qu’elle en perdra la garde si elle ose en parler. Elle sera perçue comme une « mère aliénante », une menteuse folle et rancunière.

Analysons cette situation inextricable, cette double voire triple ou quadruple contrainte.

La réalisatrice Rachel Meyrick travaille actuellement à un documentaire sur des mères états-uniennes battues qui ont perdu la garde de leurs enfants. Les témoignages recueillis sont sidérants et fendent le cœur. La bande-annonce de ce film est visible ici et, si vous êtes touché.e et impressionné.e autant que je l’ai été, vous pouvez soutenir ses efforts à terminer le film suffisamment vite pour qu’il puisse intégrer à temps la sélection du prochain Festival du film Sundance.

À la Conférence sur les décisions de garde d’enfants pour les mères battues, nous avons beaucoup appris des mères protectrices battues et de leurs soutiens. Ces mères sont courageuses, fortes, frustrées, scandalisées et découragées par la lenteur glaciale (si ce n’est la stagnation) de leur dossier et par l’absence continuelle de justice pour les mères battues et leurs enfants. Certaines mères ont grandi dans la pauvreté, d’autres dans le confort ; certaines ont été victimes d’inceste ou ont subi une violence énorme au cours de leur enfance. Certaines ont épousé des hommes « plutôt gentils » qui se sont avérés être des sociopathes sadiques et manipulateurs. Lire la suite

Mélissa Blais : « Le masculinisme est un contre-mouvement social »

[Je reproduis plus bas l’interview de Mélissa Blais publiée sur le site de la revue Ballast. L’autrice revient ici sur l’attentat qui a eu lieu à l’école Polytechnique en 1989 ;  elle y a d’ailleurs consacré un livre – trop peu connu : « J’haïs les féministes ! » – le 6 décembre 1989 et ses suites (éd. Remue-ménage, 2009).

L’entretien est republié ici avec son aimable autorisation – merci !

Le chapeau est de la revue Ballast. Pour s’y abonner, c’est là : https://www.revue-ballast.fr/produit/abonnement/]

Le 6 décembre 1989, un homme pénètre dans l’école Polytechnique de Montréal avec une carabine semi-automatique et un couteau de chasse. En une vingtaine de minutes, le dénommé Marc Lépine tue 14 personnes : 14 femmes. Ses motivations sont explicites : au moment de tirer sur les étudiantes qu’il a isolées dans une salle de classe, il crie « Je hais les féministes ! ». Dans la lettre qu’il laisse après son suicide, il déclare : « Mon acte est politique. » Malgré ces intentions claires, il aura fallu 30 ans à la ville de Montréal pour reconnaître officiellement qu’il s’agissait là d’un « attentat antiféministe ». La sociologue Mélissa Blais fait partie de celles qui ont milité pour cela. Nous revenons avec elle sur l’idéologie des mouvements masculinistes qui, aujourd’hui comme hier, avec ou sans actions d’éclat, continuent de lutter pour les « droits des hommes »  c’est-à-dire contre les revendications féministes.

On commémore aujourd’hui le 30eme anniversaire de l’attentat de Polytechnique : qu’est-ce qui a changé, depuis ?

Au sortir de la tuerie, on a tout de suite cherché à interpréter les causes de l’événement. Il ne s’agissait pas de remettre en question les faits : il n’y avait pas de force négationniste à l’œuvre. Mais les discours qui ont été les plus promus dans les médias mettaient de côté toute analyse sociologique, en réduisant l’événement au geste d’un seul homme guidé par sa folie : il aurait commis l’irréparable et on ne pouvait rien retenir de ses intentions. Or ce type de discours s’opposait très ouvertement aux analyses féministes de la fusillade, qui visaient au contraire à rappeler les intentions du tueur. Et qui voulaient saisir cette occasion pour agir ici et maintenant afin d’éviter la reproduction de ce type d’attentat. Les féministes ont beaucoup milité autour du thème de la violence contre les femmes, ce qui permettait d’inscrire l’attentat de Polytechnique dans un continuum de violences.

Durant les années qui ont suivi, les féministes étaient les seules à commémorer l’attentat, tandis que la bataille mémorielle persistait. Les discours se sont légèrement reconfigurés au moment du 10e anniversaire : il était davantage possible d’admettre que le tueur avait agi avec des intentions, et des intentions misogynes — mais on était encore loin de reconnaître le caractère antiféministe de son acte. Ce que l’on retenait en termes de prévention, c’est qu’il fallait s’attaquer à la violence en général, à la violence sous toutes ses formes. On amalgamait ainsi la violence contre les femmes et la violence à la télévision, la violence dans les cours de récréation… Ce faisant, on perdait de vue la particularité des violences sexistes. On évacuait les spécificités du phénomène sociologique des violences contre les femmes, qui mérite une grille d’analyse particulière.

Mais les féministes ont progressivement créé des brèches dans le discours médiatique. Après 20 ans, leur discours avait donc une plus grande place parmi les interprétations des causes de la tuerie. On reconnaissait que Marc Lépine n’était pas un individu isolé, que son geste s’inscrivait dans une société où persistaient des inégalités de genre. Mais il a fallu attendre 10 ans de plus et des efforts acharnés de la part de certaines féministes (aujourd’hui regroupées sous la bannière « Comité 12 jours d’actions contre les violences faites aux femmes ») pour que la plaque commémorative qui annonce la place du 6‑décembre-1989 à Montréal mentionne clairement qu’il s’agit non seulement d’un « attentat » — et non d’une « tragédie », comme c’était le cas jusqu’alors —, mais aussi d’un attentat antiféministe. C’est enfin une reconnaissance politique forte des intentions du tueur et du phénomène de l’antiféminisme. Mais jusqu’où ira cette reconnaissance ? Sommes-nous aujourd’hui prêts à entendre les féministes qui dénoncent les discours haineux qui les ciblent et qui circulent notamment sur le Web ?

Pourquoi les actes de violence antiféministes ont-ils tant de mal à être reconnus comme tels — et ce malgré les déclarations explicites du tueur ?

Pour le cas de Polytechnique, la distance avec l’événement est une des raisons pour laquelle on le reconnaît beaucoup plus facilement aujourd’hui comme tel. Distance temporelle, d’abord. On peut aujourd’hui penser que Lépine représentait le « dernier des dinosaures » et que la tuerie s’est produite à une autre « époque », celle de 1989, où persistaient des inégalités entre hommes et femmes. Il s’agirait d’un temps désormais révolu, puisque le problème serait réglé. On progresse alors sur la compréhension des intentions mais on se détourne du problème de fond, qui demeure actuel. Distance spatiale, ensuite. On qualifie les événements différemment selon qu’ils nous touchent directement où qu’ils se produisent ailleurs. Il est par exemple plus facile, depuis la France, de parler d’attentat antiféministe à propos de Polytechnique, car c’est le Québec qui a connu ce type de terreur. Lire la suite

Proudhon antiféministe, par Francis Dupuis-Déri

[Retour sur un des fondateurs de la pensée anarchiste, Proudhon.

téléchargementLa conférence a été présentée dans le cadre du colloque « Regards croisés sur les antiféminismes » le 30 avril 2019 à l’Université du Québec à Montréal (UQÀM).

La vidéo est reproduite avec l’aimable autorisation de Francis D.D. . (merci) Pour de plus amples développements, vous pouvez aller lire son article dans Antiféminismes et masculinismes d’hier et d’aujourd’hui (éd. Puf, 2019) ] Lire la suite

Genre, guerre et désavantage masculin

 

Par Michael Flood et David Duriesmith, 21 juillet 2017.

Les militants masculinistes se plaignent que la guerre est la source d’un grand désavantage pour les hommes. Ils citent les taux plus élevés de conscription masculine et le nombre important de décès et blessés chez les hommes soldats comme des exemples imparables du désavantage des hommes par rapport aux femmes. Mais cette analyse est biaisée.

Oui, un grand nombre d’hommes et de garçons sont tués et blessés à la guerre. Ils sont majoritairement envoyés au combat par d’autres hommes. Les hommes plus que les femmes soutiennent les guerres. Et la masculinité traditionnelle a été primordiale dans les justifications données à la guerre. Ce sont les hommes, pas les femmes, qui ont empêché ces dernières de les rejoindre dans les postes militaires et de combat. Les féministes et les mouvements des femmes ont joué des rôles clés dans la dénonciation des guerres et du militarisme. En définitive, les conséquences globales de la guerre, du conflit et de leurs répercussions sont plus lourdes pour les femmes que les hommes.

Plus précisément :

1. Dans l’immense majorité des cas, les hommes et les garçons sont envoyés à la guerre par d’autres hommes, pas par des femmes. En particulier parce qu’une grande majorité de chefs d’États, dirigeants politiques et militaires sont des hommes.

– Alors que, statistiquement, les femmes cheffes d’États ne vont pas moins à la guerre que leurs homologues masculins, les sociétés qui ont autorisé le vote des femmes depuis deux fois plus longtemps que les autres ont cinq fois plus de chances de résoudre un désaccord international pacifiquement (Caprioli, 2000). De la même façon, les États ayant un plus petit pourcentage de femmes élues au parlement ont significativement plus de chances de résoudre les désaccords internationaux par la guerre (Caprioli, 2000) (une baisse de 5 % de la participation des femmes dans un parlement multiplie par cinq les chances qu’un État use de violence militaire pour résoudre les désaccords).

2. Plus généralement, les hommes sont des soutiens plus enthousiastes à la guerre et au militarisme que les femmes.

– Il existe une différence de genre vis à vis de la guerre : le soutien des femmes à la guerre est systématiquement plus bas que celui des hommes, tout particulièrement lorsque l’on compare la perception des femmes et des hommes pour des guerres ou des interventions militaires précises (Brooks & Valentino, 2011 ; Eichenberg, 2003, 2007 ; Wilcox, Hewitt & Allsop, 1996). Lire la suite

Yvon Dallaire : psychologie, sexisme et antiféminisme

[Cet article de Francis Dupuis-Déri, que je reproduis avec son autorisation, a été publié dans la revue Possibles (printemps 2015). 

L’auteur est responsable du Groupe interdisciplinaire de recherche sur l’antiféminisme (GIRAF) associé à l’Institut de recherches et d’études féministes (IREF) à l ’Université du Québec à Montréal (UQAM) et au Réseau québécois en études féministes (REQEF). Il tient à remercier Louise Cossette pour ses commentaires à la lecture d’une version préliminaire de ce texte, et Mélissa Blais pour de nombreuses discussions sur ce sujet. Cela dit, les idées qui y sont exprimées n’engagent que l’auteur. Enfin, ce texte reprend quelques éléments de l’article «Le mythe de la caverne conjugale : d ’une justification contemporaine de l’inégalité dans les couples hétérosexuels», Argument, vol. 10, n° 1, 2008, et certaines idées présentées ailleurs, par exemple dans l’ouvrage collectif Le mouvement masculiniste au Québec : L’antiféminisme démasqué (Montréal, Remue-ménage, 20152ème édition).]

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Lausanne, octobre 2014. Un collectif militant féministe — Les Pires & associé-e-s — a perturbé une séance de formation de psychosexologie appliquée, offerte par le psychologue québécois Yvon Dallaire (et Iv Psalti), scandant des slogans et distribuant un tract (Le Courrier, 2014). En commentaire sur le site du journal Le Courrier, John Goetelen explique, à propos du collectif Les Pires et associé-e-s qu’il « s’agit d’un groupe anarcho-féministe de Grenoble1 ». Sur son blogue Les hommes libres, hébergé sur le site Web de La Tribune de Genève, il « appelle les groupes d’hommes et de femmes concernés par la condition masculine à se défendre plus activement contre ces agressions », les encourageant à ne pas « hésiter à user de la force contre les facho-féministes » (Goetelen 2014). Goetelen est auteur du livre Féminista : ras-le-bol ! et il se présente comme un « passionné de l’humain et des relations hommes-femmes » et un «[a]ntiféministe convaincu et réfléchi2».

Qui est Yvon Dallaire et comment expliquer l’attaque du collectif féministe Les Pires et associés à l’endroit de sa séance de formation? Afin de répondre à la première partie de cette question, précisons qu’Yvon Dallaire est né en 1947, et qu’il est membre de l’Ordre des psychologues du Québec. Il a enseigné la psychologie au Collège de Sainte-Foy (près de Québec) et il est à la fois éditeur (Les Éditions Option santé), thérapeute pour couples, formateur et conférencier. Il se présente comme l’inventeur de l’Approche psychosexuelle, qui propose de recourir à des thèses biologiques pour expliquer des phénomènes psychologiques. Ajoutons qu’Yvon Dallaire est régulièrement invité en Belgique et en France pour y prononcer des conférences ou offrir des cours de formation en sexologie clinique (en collaboration, entre autres, avec Iv Psalti). En 2013 et en 2014, il animait un atelier quotidien lors de la croisière Harmonie conjugale, sur la Méditerranée. Cette activité lui vaudra d’être sanctionné par le comité de discipline de l’Ordre des psychologues pour avoir « omis de sauvegarder en tout temps son indépendance professionnelle » (Sioui 2015)3. Soulignons également qu’Yvon Dallaire a aussi publié près de vingt livres, dont Homme et fier de l ’être (2001), réédité en 2015 sous le titre Homme et toujours fier de l’être, La violence faite aux hommes : Une réalité taboue et complexe (2002), Cartographie d’une dispute de couple (2007), Qui sont les femmes heureuses? La femme, l’amour et le couple (2009), Qui sont les hommes heureux? L’homme, l’amour et le couple (2010). Plusieurs de ses livres ont été traduits en plusieurs langues, notamment en anglais, en arabe, en espagnol, en italien, en portugais, en roumain, etc. Enfin, ce psychologue et auteur est très présent dans les médias européens, où il a été invité, par exemple, pour une série d’entrevues à la radio suisse. Pour ce qui est de sa participation aux média Québécois, il tient, entre autre, une chronique hebdomadaire dans Le Journal de Montréal.

Le féminisme selon Dallaire

Et comment expliquer les accusations d’antiféminisme à l’endroit d’Yvon Dallaire, alors même que celui-ci ponctue ses ouvrages et ses conférences de remarques quant à l’importance de reconnaître que les femmes éprouvent des problèmes, voire parfois que le féminisme est nécessaire? Il faut souligner à ce sujet, que Dallaire présente le plus souvent les hommes comme désavantagés, voire discriminés face aux femmes. Il prétend que la société n’est pas patriarcale et qu’affirmer le contraire le fait «rire» (Dallaire, 2001 : 57). Lors d’une entrevue pour le film La domination masculine, il avance même que « le féminisme, on pourrait dire créée le patriarcat, pour avoir un ennemi contre lequel se battre4.» Sa maison d’édition a publié plusieurs ouvrages masculinistes, dont De l’homme en crise à l ’homme nouveau : Essai sur la condition masculine (2009) et La cause des hommes : Pour la paix des sexes (2004).

Yvon Dallaire se défend pourtant d’être antiféministe ou même «masculiniste», cette forme d’antiféminisme selon lequel les hommes souffrent d’une crise d’identité à cause de l’influence des femmes émancipées, des féministes et de la soi-disant féminisation de la société, il se qualifie plutôt lui-même d’«hoministe» (Dallaire, 2015 : 17). Lire la suite

Encore plus d’inégalités et de risques pour les femmes et les enfants victimes de violences

Contre la proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant N°1856

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Est-ce une méconnaissance de la situation des victimes de violences conjugales ou les enfants victimes de violences intra familiales? Nous ne savons plus quoi penser des propositions législatives qui se penchent sur le sort des familles séparées. Une fois encore, ce texte a été rédigé dans la rapidité, (déposé le 1er avril, il sera examiné en première lecture à l’Assemblée Nationale le 19 mai), sans prendre en compte les urgences de terrain rapportées par les associations féministes depuis des années maintenant, et sans prioriser les garde-fous pour les victimes de violences conjugales et leurs enfants.


Les associations signataires, indiquent leur ferme opposition au texte proposé par les député-e-s Bruno LE ROUX, Marie-Anne CHAPDELAINE, Erwann BINET, Barbara POMPILI, François de RUGY, Véronique MASSONNEAU, et l’ont fait savoir lors de récentes audiences, ainsi qu’au Ministère des Droits des Femmes, au Secrétariat d’Etat à la famille et à la Délégation des Droits des Femmes à l’Assemblée Nationale.fnsf-logo3919-small


Nous demandons à Mesdames et Messieurs les Sénatrices et Sénateurs , à Mesdames et Messieurs les député-e-s et au gouvernement de ne pas acter ce texte qui est contraire aux préconisations de la Convention d’Istanbul (Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique) que la France est en passe de ratifier. Il vient en particulier en contradiction avec son article 31 qui préconise une législation plus protectrice pour les victimes de violences au sein des couples et leurs enfants.
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Démystifier le Mouvement de Défense Des Hommes

[La traduction suivante a été effectuée par la collective Tradfem, avec l’autorisation de l’auteur, Owen Lloyd. Afin d’exporter la pertinence de son texte à la France, Tradfem a ajouté des données dans les notes de bas de pages.]

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Les militants des droits des hommes: Des hommes qui se plaignent de problèmes causés par d'autres hommes et qui rejettent la responsabilité sur le féminisme d'une façon ou d'une autre.
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Ce qui suit est une réponse à une liste de propos et arguments classiques présentés par les activistes des droits des hommes.

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    1 . LE SUICIDE : le taux de suicide des hommes est 4,6 fois plus élevé que celui des femmes. [26 710 hommes pour 5 700 femmes, selon le Département Health & Human Services]

Ce n’est pas faute d’avoir essayé : les femmes tentent de se suicider trois fois plus souvent que les hommes 1. Les chercheur-es ont constaté que la socialisation différente des sexes est l’explication la plus pertinente du succès relatif des hommes dans leurs tentatives de suicide. Aux États-Unis par exemple, il a été démontré que les tentatives de suicide non-abouties sont considérées comme « féminines » alors que les réussites sont considérées comme masculines. En d’autres termes, la peur d’être étiqueté « féminin » ou « faible » dans une culture de suprématie masculine encourage les hommes à s’assurer que leurs tentatives aboutissent2. La statistique donnée ici masque aussi que beaucoup de ces « suicides » étaient en fait des meurtres-suicides. Aux États-Unis, on estime que 1.000 à 1.500 personnes meurent dans des attaques-suicides de ce genre chaque année3. Plus de quatre-vingt dix pour cent des criminels sont des hommes ; presque toutes les victimes sont des femmes4.

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    2 . L’ESPÉRANCE DE VIE : l’espérance de vie des hommes est de 7 ans inférieure à celle des femmes [les hommes : 72,3 ans ; les femmes : 79 ans, selon le National Center for Health Statistics], et ils reçoivent seulement 35 % des dépenses publiques de soins et de frais médicaux.

Voilà une curieuse déclaration. Si les femmes vivent 7 ans de plus que les hommes, il devrait être évident qu’elles reçoivent plus d’aide de soins : car les personnes les plus âgées sont celles qui ont le plus besoin d’être prises en charge par la collectivité, et les personnes les plus âgées sont majoritairement des femmes. Par ailleurs, le secteur des assurances fait payer chaque année 1 milliard de dollars de plus aux femmes pour accéder à l’assurance maladie, pour les mêmes niveaux de couverture que ceux reçus par les hommes5, et jusqu’à 53 % de plus pour le même régime de protection individuelle6, malgré une meilleure santé globale des femmes, et en dépit du fait que leur revenu est 23 % inférieur à celui des hommes7.

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    3 . LA GUERRE : les hommes sont quasi-exclusivement les seules victimes des guerres. [Les pertes au Vietnam : 47 369 hommes contre 74 femmes, selon le Département Défense]

La première chose à dire, c’est que si les appelés envoyés dans les guerres d’agressions impériales peuvent être parfaitement appelés « victimes », ils sont alors victimes de ceux qui sont responsables des guerres dans lesquelles ils se sont battus. Et ceux qui sont responsables sont des hommes. Tous les présidents et vice-présidents ont été des hommes. Tous les membres du bureau de l’état major ont été des hommes. Les deux branches du Congrès ont toujours été dominées par les hommes. Les sondages réalisés depuis le Vietnam montrent que ce sont les hommes qui ont soutenu ces derniers pour entrer en guerre, et qu’ils sont les plus enclins à soutenir les guerres en cours8. A chaque niveau d’analyse, ce sont des hommes qui sont responsables des guerres, et blâmer de quelque manière les femmes pour les morts au front est non seulement ridicule, mais aussi insensé. Si nous voulons mettre fin à ces morts, nous devons arrêter ceux qui en sont responsables : les hommes politiques, les militaires, les entrepreneurs de guerre, et les propagandistes qui les perpétuent. Lire la suite

L’antiféminisme (extraits)

[Plus bas, un extrait du livre Les femmes de droite d’Andrea Dworkin, publié par les éditions du remue-ménage. indexC’est à ce jour le seul ouvrage de cette féministe radicale américaine traduit. Il est en vente ici: Violette & Co. Les extraits qui suivent sont tirés du dernier chapitre intitulé « L’antiféminisme ».

Les femmes de droite est un livre d’autant plus puissant qu’il est précédé d’une préface où Christine Delphy explicite entre autres les divergences entre le queer et le féminisme radical.

Un ouvrage, riche, à lire.

Des articles d’Andrea Dworkin ont été aussi publiés dans l’anthologie Pouvoir et violence sexiste (Éditions Sisyphe). ]

Le féminisme est une philosophie politique qui suscite beaucoup de haine. C’est vrai dans tout le spectre politique reconnaissable défini par les hommes, de l’extrême-droite à l’extrême-gauche. Le féminisme est haï parce que les femmes sont haïes. L’antiféminisme est une expression directe de la misogynie ; c’est l’argumentaire politique de la haine des femmes. Il en est ainsi parce que le féminisme est le mouvement de libération des femmes. L’antiféminisme, dans l’une ou l’autre de ses familles politiques, soutient que la condition sociale et sexuelle des femmes incarne essentiellement (d’une manière ou d’une autre) leur nature, que la façon dont les femmes sont traitées dans le sexe et dans la société est conforme à ce que sont les femmes, que la relation fondamentale entre les hommes et les femmes – dans le sexe, la reproduction et la hiérarchie sociale – est à la fois nécessaire et inévitable. L’antiféminisme soutient la conviction que la violence infligée aux femmes par les hommes, en particulier dans le sexe, possède une logique implicite qu’aucun programme de justice sociale ne peut ou ne devrait éliminer; et que puisque l’utilisation que les hommes font des femmes découle de leurs natures distinctes et opposées qui convergent dans ce qu’on appelle « le sexe », les femmes ne sont pas violentées quand on les utilise en tant que femmes, mais simplement utilisées pour ce qu’elles sont par les hommes en tant qu’hommes. On reconnaît qu’il existe certains excès de sadisme masculin – commis par des individus dérangés, par exemple – mais en général, l’avilissement massif des femmes n’est pas perçu comme une violation de la nature des femmes en tant que telles. Par exemple, la nature d’un homme serait violée si quelqu’un pénétrait son corps de force. Mais le même incident ne transgresse pas la nature d’une femme, même si cela lui a fait mal. La nature d’un homme ne provoquerait pas qui que ce soit à pénétrer son corps de force. Mais la nature d’une femme provoque une telle pénétration – en outre, une blessure ne prouve pas qu’elle ne voulait pas cette pénétration ou même cette blessure, puisqu’il est dans sa nature de femme de désirer être pénétrée de force et blessée de force. Une femme est violée toutes les trois minutes aux États-Unis, selon des estimations conservatrices, et dans chacun de ces viols, c’est la nature de la femme et non l’acte de l’homme qui est mise en cause. Il n’y a assurément aucune reconnaissance sociale ou juridique du viol comme acte de terrorisme politique. Lire la suite

Contre la dynamique incestueuse des familles : les intellectuels au secours de la pédophilie. Le temps des années 1970

[Plus bas, un autre article tiré du même ouvrage coordonné par Dorothée Dussy: L’inceste, bilan des savoirs, publié aux éditions La Discussion en janvier 2013. Cet article est écrit par  l’historienne Anne-Claude Ambroise-RenduIncesteBilanDesSavoirs. J’ai choisi de le reproduire car il renseigne sur cette période qu’on appelle la « libération sexuelle » et qu’il permet  de relativiser les connotations progressistes qui y sont attachées. On y croise des libertaires, le journal  Libération ou encore un futur prix Renaudot. Et concernant la pédophilie, on y lit que les libérateurs-libérés se caractérisent surtout par un engagement réactionnaire, contre-révolutionnaire: une défense du pouvoir masculin, une demande d’extension de la disponibilité sexuelle des dominé-es à l’égard des dominants, l’expression d’une misogynie décomplexée et un aveuglement confortable sur les rapports de pouvoir et les violences exercées. Autant d’actes – constitutifs et producteurs de l’identité masculine – qui doivent cesser.

Ici, l’article appuie et  développe le constat effectué par Patrizia Romito dans Un silence de mortes – la violence masculine occultée: « Dans leurs écrits, les associations pédophiles revendiquent des objectifs nobles: libérer les enfants, mais aussi les gays et les lesbiennes, et les femmes en général, d’une société sexophobe et répressive. »(page233) Lorsqu’on lit les propos d’un Richard Gardner (l’inventeur du Syndrome d’Aliénation Parentale), on constate une continuité certaine avec les libérateurs-libérés pour présenter la pédocriminalité de façon positive, telle une évidence. L’éclairage sur les tactiques militantes masculines, posé ici par l’historienne, servira je l’espère à contrecarrer les discours libéraux toujours présents.

Un pdf de l’article est dispo en bas de page. Pour commander l’ouvrage où il figure, il suffit toujours d’envoyer 8€ en chèque à cette adresse: Editions La Discussion // 39 rue Léon Bourgeois // 13001 Marseille. Je remercie vivement les éditions La Discussion pour m’autoriser la republication de l’article.  ]

    L’aveu concernant les relations sexuelles entre adultes et enfants a été porté sur la place publique par des écrivains comme Gide et Montherlant dès l’entre-deux guerres. Il s’agissait pour ces écrivains de défendre publiquement des pratiques amoureuses en même temps qu’un projet littéraire centré sur la sincérité. Mais c’est à la deuxième génération de pédophiles1, que les médias qualifient parfois de néo-pédophiles2 qu’il reviendra d’adopter une posture militante dans le contexte d’une revendication générale sur le droit au plaisir.

    Les années de la décennie 1970 foisonnent d’idées neuves et témoignent quotidiennement de la volonté d’une partie active de la jeunesse de réexaminer toutes les questions relatives à la sexualité, à la différence des sexes, au droit qui régit ces questions sous un angle politique. C’est le temps d’un vaste mouvement de remise en question permanente et résolument critique qui n’épargne aucun sujet et emprunte toutes les formes possibles. Le grand réexamen ouvre ainsi des chantiers nouveaux au sein desquels toutes les formes de préjugés, d’a-priori et de conformisme sont soumises à la moulinette infatigable du questionnement.

    Au coeur de cet argumentaire, l’inceste occupe une place ambiguë : considéré par les uns comme une sexualité libérée, il est condamné par les autres qui y voient l’incarnation concrète de tous les abus de pouvoir susceptibles d’être perpétrés au sein de la famille et interrogé par certains comme le socle d’une répression tous azimuts de la sexualité enfantine. Lire la suite

Pirouettes rhétoriques, concepts farfelus, inversion des rôles, travestissement des réalités, et toujours le refus de l’égalité

[Voici plus bas, la recension du livre Contre le masculinisme, écrit par le collectif Stop masculinisme et dont j’avais déjà annoncé la sortie il y a quelques semaines.  Je remercie Didier Epsztajn pour tout son travail.]

Voici un petit livre qui mériterait une très large diffusion. Bien écrit, bien argumenté, sans simplisme ni évitement de questions dérangeantes, les auteur-e-s nous proposent des analyses et des contre-arguments face aux écrits et actions des masculinistes, de ceux qui refusent l’égalité réelle entre les êtres humains. Ces masculinistes entendent défendre leurs privilèges de dominants, les privilèges des hommes, dans les rapports sociaux de sexe (système de genre, patriarcat).couv Lire la suite

Le 2ème livre chez Bambule : CONTRE LE MASCULINISME – guide d’autodéfense intellectuelle.

Par le collectif Stop masculinisme

Des hommes divorcés, perchés en haut d’une grue, qui se disent lésés par une justice qui  leur confisquerait leurs enfants ; des associations défendant les hommes battus et criant à la manipulation des chiffres sur les violences conjugales ; des groupes de parole destinés à des hommes en perte de repères et en quête d’une nouvelle identité masculine.
« Droits des pères », « violences et discriminations à l’encontre des hommes », « crise de la masculinité », tels sont les thèmes chers aux masculinistes. Associations, psychologues, militants, figures médiatiques ou simples quidams, ils sont un certain nombre à affirmer qu’aujourd’hui ce sont les hommes qui souffrent, qu’ils sont victimes des femmes qui auraient pris le pouvoir, des féministes qui seraient allées trop loin, bref d’une société «matriarcale ».couv
Adeptes de la victimisation et de l’inversion des rôles, les masculinistes militent pour la défense de l’ordre patriarcal et des privilèges masculins. Leur idéologie s’inscrit dans un contexte politique réactionnaire où l’on voit se renouveler les formes de la domination masculine. Lire la suite

Hommes anarchistes face au féminisme

[L’article qui suit est tiré du n°24 de la revue anarchiste Réfractions (2010). Je trouve intéressant de le diffuser car, tout en visibilisant des analyses et des pratiques radicales, il montre les limites, les résistances et les contradictions au sein d’un mouvement supposé « progressiste ». Pas de complaisance ici à l’égard de la violence des hommes et des diverses stratégies et tactiques antiféministes: c’est ce qui m’a particulièrement plu.

Par ailleurs, l’analyse posée peut très facilement illustrer d’autres formations politiques.

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Je remercie Francis D-D pour la mise à disposition du texte et je vous invite vivement à lire certaines références qu’il cite, en particulier le recueil d’articles intitulé Le sexe du militantisme, éditions SciencesPo.Les presses (2009).

Pour information, un pdf de l’article est disponible au bas de cette page.]

Hommes anarchistes face au féminisme – Pistes de réflexion au sujet de la politique, de l’amour et de la sexualité.

par Francis Dupuis-Déri

En souvenir de Léo,
Et de nos longues discussions dans la nuit de Lyon 
Au flanc de la Croix-Rousse.
Parce que j’essaie encore, 
Malgré tout…
            C’est beau de se dire pacifiste, féministe ou anarchiste  Mais ton cœur est capitaliste/J’en ai subi les injustices                                                «Rebelle féministe », Genr’ radical
 Lire la suite 

Les coûts subjectifs et objectifs de la masculinité : le point de vue des masculinistes (et des féministes)

[Depuis plusieurs mois en France, une offensive masculiniste est en cours. Les militants qui la dirigent tentent de se structurer aussi bien au niveau national qu’international, cherchant des rapprochements avec par exemple Fathers 4 justice.https://i0.wp.com/pur-editions.fr/couvertures/1332768665.jpg

L’article qui suit est extrait du livre Boys don’t cry ! publié en 2012 aux Presses Universitaires de Rennes.  Il me parait utile et urgent de le diffuser car il traite entre autres de l’une des plus anciennes associations masculinistes françaises: SOS Papa.

Je remercie beaucoup Anne Verjus pour son travail et son accord pour mettre à disposition cet article.]

 Les coûts subjectifs et objectifs de la masculinité : le point de vue des masculinistes (et des féministes)

par Anne Verjus

Le « coût de la masculinité » peut s’entendre de deux manières. C’est ce qu’on appellerait, en latin, un génitif. Or, il existe dans cette langue comme dans la langue française, un génitif objectif et un génitif subjectif.

Le génitif objectif correspond au coût produit par la masculinité. Ici, le coût est un effet « annexe » d’une masculinité approchée comme une construction, divisible entre la part d’humanité de l’homme et des comportements potentiellement modifiables. On peut donc comprendre « coût » comme un coût objectif, une invitation à observer autrement les rapports sociaux de sexe, non plus seulement à partir du coût de la domination masculine sur/pour les seules femmes, mais pour la société tout entière. Cela permet d’éviter de laisser une revendication féministe à vocation universaliste, humaniste, c’est-à-dire valable pour tous les individus, s’enfermer dans des problématiques sexualistes (corporatistes). On peut classer, parmi ces coûts objectifs, des comportements à risque, tels que l’alcoolisme, le tabagisme, la violence conjugale, la vitesse au volant, etc., qui sont des effets directs d’une certaine culture de la virilité encore largement partagée. Personne, sauf certains industriels, n’est prêt à défendre ce type de « coût objectif ». Il n’en va pas de même des coûts subjectifs.

Le génitif subjectif s’applique aux coûts subis par la masculinité, qui serait coûteuse en soi et non pas pour la société. Ici, il s’agirait du coût que représente, pour un homme, le fait d’être porteur de certaines valeurs en décalage avec les représentations dominantes. Ici, le coût est le sujet et la masculinité devient l’objet. On peut classer, parmi ces coûts subjectifs, la stigmatisation à l’endroit de la culture viriliste accusée d’occasionner des coûts objectifs exorbitants à la société ; mais aussi l’insuffisante valorisation de certains aspects de cette masculinité, parmi lesquels la capacité des hommes à prendre en charge, concrètement, l’éducation et l’élevage des enfants. Pour les militants porteurs de revendications dites « masculinistes », ce coût subjectif non seulement rend la condition de certains pères difficile à vivre, mais représente également un coût objectif pour la société. Celle-ci ne saurait, sous peine de se priver d’une moitié d’elle-même, se passer de l’implication des pères dans l’éducation et la formation des enfants. Il y aurait donc un coût du coût, un coût objectif des coûts subjectifs, c’est-à-dire des conséquences et un « prix à payer », pour la société, d’une non reconnaissance de la souffrance et des difficultés à être un homme, et en particulier un père, aujourd’hui.

Cette question du coût de la masculinité fait partie du répertoire de revendications, tant masculinistes que féministes, en faveur d’une plus grande égalité entre les parents. Lire la suite

Le sexisme de la gauche radicale et les femmes

par Ben Barker

Le critère qui définit une personne radicale est sa volonté d’examiner de façon honnête et critique le pouvoir, et plus particulièrement, les déséquilibres de pouvoir. Nous nous demandons: Pourquoi un groupe dispose-t-il de plus de pouvoir qu’un autre? Pourquoi un groupe peut-il nuire à un autre en toute impunité ? Pourquoi un groupe est-il libre tandis que l’autre ne l’est pas? Ce genre de questions a longtemps été utilisé par des radicaux afin d’identifier des situations d’oppression et de prendre des mesures à leur encontre.
Cette démarche semblait à la fois claire et efficace, jusqu’à ce que soit soulevée l’oppression des femmes. Autant la gauche radicale a su nommer avec persistance les nombreuses manifestations dégueulasses de la culture dominante, autant elle a ignoré, minimisé et nié celle que constitue le patriarcat. Bien qu’il soit généralement admis que le racisme a pour effet de terroriser les personnes de couleur, que l’hétérosexisme a pour effet de terroriser les lesbiennes et les gais, que le colonialisme a pour effet de terroriser les communautés traditionnelles et indigènes, que le capitalisme a pour effet de terroriser les pauvres du monde entier, et que l’industrialisation constitue de fait un terrorisme à l’égard de la terre, les radicaux de gauche ne peuvent, pour une raison ou une autre, concevoir que le patriarcat constitue un terrorisme à l’égard des femmes. S’il arrive parfois que la question de l’oppression des femmes émerge, elle est édulcorée au point de ressembler davantage à un amas de circonstances désagréables, mais temporaires et isolées, plutôt qu’à ce qu’elle est vraiment : une guerre permanente menée contre la liberté, l’égalité et les droits humains de plus de la moitié de la population mondiale.
La façon dont le sexisme, le privilège masculin et le patriarcat sont passés sous silence entre radicaux est à la hauteur de la façon dont ils nous paralysent. Lire la suite