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Robert Jensen : La masculinité : est-elle toxique, saine ou humaine ?

Par Robert Jensen, sur Good Men’s Project / 2 décembre 2019

L’attention accrue portée à la violence des hommes à l’égard des femmes a mis en lumière non seulement le viol et le harcèlement sexuel, mais aussi les éléments culturels qui suscitent de tels comportements. Bien que seule une mince fraction des hommes enfreignent ouvertement la loi, beaucoup d’hommes adoptent des formes moins flagrantes d’actes agressifs et coercitifs qui blessent des femmes et minent leurs droits, et encore plus d’hommes agissent en spectateurs réticents à contester la violence de leurs congénères.

Cette conversation tourne souvent autour de la critique de la « masculinité toxique » et de la recherche d’une « saine masculinité », ce qui a l’avantage de jeter sur ces formes d’agressions un éclairage nécessaire. Mais nous devrions nous méfier de la façon dont ces phrases peuvent limiter notre compréhension des phénomènes et en venir à renforcer le patriarcat.

Je propose de remplacer l’expression « masculinité toxique » par celle de « masculinité dans le patriarcat », pour attirer l’attention sur le système dont émergent des problèmes. Lire la suite

Dworkin aujourd’hui.

[Texte publié dans le volume 37, n°1 de Nouvelles Questions féministes.]

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Photo de couverture : la Coit Tower dominant la baie de San Francisco avec vue sur la prison d’Alcatraz

Après Woman Hating et Pornography : Men Possessing Women, Intercourse (Coïts) complète la trilogie d’essais rédigés par Andrea Dworkin sur les figures centrales de l’idéologie patriarcale : misogynie, pornographie, sens donnés au coït. Coïts paraît cette année aux Éditions Syllepse et du Remue-ménage.

Dworkin a rédigé la Préface que publie aujourd’hui NQF huit ans après la première publication d’Intercourse, pour dissiper les calomnies diffusées sur un texte que presque personne n’avait eu l’occasion de lire aux États-Unis. Cette présentation du livre donne la mesure de l’audace de l’autrice, revendiquant son traitement de textes masculins pour révéler leurs outrances en leurs propres mots, qu’il s’agisse de grands maîtres ou d’auteurs moins cotés : « La voix de chaque auteur est intégrée à la construction même du livre », écrit Dworkin. « Je me sers de Tolstoï, Kôbô Abé, James Baldwin, Tennessee Williams, Isaac Bashevis Singer et Flaubert, non comme autorités mais comme exemples. Je les utilise ; je les entaille et les dissèque pour les exposer ; mais l’autorité fondatrice du livre, celle qui sous-tend chacun de ses choix, est la mienne. En termes formels, Intercourse est donc arrogant, froid et dénué de remords. Ce n’est pas moi, la fille, que vous allez examiner, mais eux. J’ai créé avec Intercourse un univers intellectuel et imaginatif où vous pouvez les observer. »

Dworkin est relativement peu connue en Europe francophone, contrairement à d’autres écrivaines encadrées par les pouvoirs de l’université et de la grande presse. Sa praxis a très tôt été celle d’une journaliste militante indépendante et d’une oratrice fougueuse, vivant de sa plume et de conférences livrées sans texte lors de manifestations, d’assemblées populaires et de congrès, à la manière de Louise Michel et Victoria Woodhull. Aujourd’hui encore, des femmes étudient ses textes dans des clubs de lecture, ses aphorismes sont omniprésents sur internet, et plusieurs sites du web rediffusent ses intuitions fulgurantes. Lire la suite