Les hommes, la pornographie et le féminisme radical : la lutte en faveur de l’intimité dans le patriarcat
Par Robert Jensen
Les critiques féministes radicales de la pornographie ont été, depuis leur première formulation, prolongées.
La critique féministe radicale de la pornographie reste à ce jour l’analyse la plus convaincante des contenus sexuellement explicites, mais elle est régulièrement marginalisée dans la culture dominante et dans les groupes féministes. Pourquoi ? Le patriarcat est profondément enraciné dans nos vies, et le déni ou l’évitement du caractère mortifère du patriarcat est courant. Dans la deuxième partie, j’expliquerai en quoi cette critique, et le féminisme radical plus généralement, n’est pas une menace mais un cadeau pour les hommes.
Depuis que je défends la critique féministe radicale de la pornographie, c’est-à-dire depuis plus de 30 ans, la question la plus courante que m’ont posé des femmes est : « Pourquoi les hommes aiment-ils tant la pornographie ? »
Bien sûr, tous les hommes ne consomment pas de la pornographie, et certaines femmes en consomment aussi. Mais l’industrie pornographique sait que l’immense majorité de ses clients sont des hommes, et la majorité de la pornographie reflète donc ce que les pornographes imaginent que les hommes visionneront – et reviendront visionner à nouveau – ce qui contribue à modeler l’imaginaire sexuel contemporain. Beaucoup de femmes considèrent que cette pornographie, et la consommation qui en est faite par les hommes, est affligeante. Elles veulent savoir pourquoi les hommes – y compris les hommes qui leur sont proches, en particulier leurs compagnons et leurs fils – trouvent la pornographie si plaisante, en consomment si régulièrement et ignorent leurs demandes pour qu’ils arrêtent.
La réponse simple est : « Parce que la pornographie fonctionne. » C’est-à-dire que les contenus visuels sexuellement explicites provoquent une excitation sexuelle intense qui facilite la masturbation. En clair : la pornographie produit des orgasmes, de manière fiable et efficace.
« Mais il n’y a pas d’intimité dans ce genre d’expérience sexuelle », soulignent les femmes. Je réponds : « Tout à fait ». « La pornographie offre aux hommes un plaisir sexuel, avec ce qui est ressenti comme un contrôle total sur soi et les femmes. La pornographie offre aux hommes la quintessence de l’expérience sexuelle sous le régime patriarcal – le plaisir sans la vulnérabilité. »
Mais les apparences sont trompeuses : ce sentiment de contrôle, sur soi et les autres, est à la fois illusion et hallucination. Les hommes gagneraient à comprendre cela. J’y ai gagné, et cette compréhension m’est parvenue grâce au féminisme radical. Lire la suite