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Julie Bindel : Les femmes ne devraient pas avoir à toujours être sur le qui-vive. C’est aux hommes d’en finir avec la violence masculine

[article publié en mars 2021]

La disparition et le meurtre présumé de Sarah Everard ont mis en lumière la façon dont la vie des femmes et des jeunes filles est entravée par la peur et la réalité de la violence masculine. La violence létale contre les femmes est aussi régulière qu’elle est horrible. Tous les trois jours, en Angleterre et au Pays de Galles, une femme est tuée par son ancien ou actuel partenaire à la suite de violences domestiques, et nous vivons aujourd’hui dans une société imprégnée de misogynie et de droit phallocrate, où la pornographie hardcore est considérée comme un « divertissement » et où les filles sont bombardées de propagande sur les joies de l’étranglement durant les rapports sexuels.

Il est relativement rare de se faire enlever dans la rue, mais malgré tout, les femmes restent dans un état d’anxiété constant face à la violence masculine. Il n’y a rien d’étonnant à cela : la plupart d’entre nous sommes éduquées à nous considérer seules responsable de notre propre sécurité. Nous vivons dans une culture de culpabilisation des victimes, où l’on s’intéresse davantage à notre façon de nous habiller et à notre consommation d’alcool qu’aux raisons qui expliquent pourquoi les hommes commettent des crimes aussi odieux à notre encontre.

Les hommes sont majoritairement les auteurs de crimes violents et sont aussi majoritairement les victimes de crimes violents, mais perpétrés par d’autres hommes. Ce fait est souvent utilisé contre les féministes lorsque nous parlons de l’ampleur et de la prévalence des abus sexuels et domestiques, mais le féminicide – le meurtre d’une femme parce qu’elle est une femme – se nourrit de la haine des hommes envers les femmes.

La peur du viol et des violences létales est une chose que toutes les femmes de la planète connaissent. Il y a nulle part où nous nous sentons totalement en sécurité. Le foyer est l’endroit le plus dangereux pour les femmes puisque c’est là que la plupart des violences ont lieu, mais comme elles se produisent derrière des portes closes, elles peuvent souvent être considérées comme une affaire interpersonnelle privée, et engageant encore moins l’intervention de l’État. Le nombre de viols et d’agressions sexuelles commis quotidiennement est ahurissant, et pourtant la grande majorité d’entre elles ne sont pas signalées et restent impunies. Actuellement, moins de 1 % des viols signalés à la police aboutissent à une condamnation.

Une enquête commanditée par la coalition End Violence against Women en décembre 2018 a révélé que plus d’un tiers des plus de 65 ans ne considèrent pas les rapports sexuels maritaux forcés comme des viols, de même que 16 % des personnes entre 16 à 24 ans.

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Susan Hawthorne : est-il acceptable que des hommes gays exploitent des mères porteuses confrontées à la pauvreté, au racisme, aux forces eugénistes et à la misogynie ?

par Susan Hawthorne

Document présenté à Broken Bonds and Big Money : Une conférence internationale sur la grossesse pour autrui[1] . Storey Hall, RMIT, Melbourne, 16 mars 2019.

Je suis lesbienne. Au cours de mes quarante années d’activisme politique, j’ai dénoncé à plusieurs reprises l’homophobie, tout en luttant contre la misogynie, le validisme, le racisme et la discrimination de classe, entre autres oppressions. Aujourd’hui, dans mon intervention, je vais critiquer les hommes gays qui engagent des femmes comme mères porteuses afin de satisfaire leur « désir » d’enfant. Ma critique s’adresse à toute personne – hétéro ou gay – qui se procure des enfants par le biais d’une mère porteuse. Je m’oppose à la violence contre les femmes et je suis intervenue particulièrement au sujet de la violence contre les lesbiennes. Comme il n’est pas recevable que les hommes accusent les femmes de chauvinisme, parce que les hommes sont le groupe dominant, de la même manière, lorsqu’une lesbienne critique la politique de certains gays, nous devons nous rappeler que les gays ont plus de pouvoir dans les structures patriarcales que les lesbiennes.

Mon opinion selon laquelle les gays ne devraient pas avoir recours à la grossesse pour autrui n’est pas une haine des hommes gays, mais plutôt une différence politique : une différence que j’exposerai dans mon intervention. Je ne suis pas la première personne à critiquer les hommes gays, en effet d’autres lesbiennes et gays l’ont également fait (voir Klein, 2017 ‘ Solis, 2017 ‘ Bindel et Powell, 2018).

J’approuve les mots de Julie Bindel et Gary Powell qui écrivent :

Nous sommes un gay et une lesbienne engagées depuis de nombreuses années dans la lutte pour l’égalité des gays et des lesbiennes et sur des questions plus larges de droits humains. Nous nous opposons sans équivoque à toutes formes de grossesse pour autrui, car celle-ci est contraire à l’éthique, dangereuse sur le plan juridique, médical et psychologique, et constitue une marchandisation violente des femmes et des bébés, sans parler des risques sanitaires importants et à peine signalés pour les femmes et les bébés concernés (Bindel et Powell, 2018).

POUVOIR

Le pouvoir est au cœur de la grossesse pour autrui, et ce dont nous parlons ici concerne un abus de pouvoir. Lorsqu’une personne dispose et peut exercer plus de pouvoir qu’une autre, il s’agit d’une relation de pouvoir inégal.

Arrêtons-nous sur les phrases suivantes :

Kim Kardashian West a eu un bébé grâce à une mère porteuse. Kim Kardashian est très riche. Qui a-t-elle « choisi » pour être sa « mère porteuse ». Une femme riche ? Probablement pas.

J’ai détesté être enceinte, … Mais autant j’ai détesté ça, autant j’aurais malgré tout aimé le porter moi-même. Le contrôle est difficile au début. Une fois que vous ne vous occupez plus de ça, c’est la meilleure expérience. Je recommanderais la grossesse pour autrui à n’importe qui (Fisher, 2018).

Mais, comme le montrent clairement les contributrices de Broken Bonds (Lahl, Tankard Reist et Klein, 2019), il est difficile de renoncer au contrôle et le fait de le maintenir est plus fréquent chez les parents commanditaires, avec des conséquences désastreuses pour les mères biologiques.

Bien qu’elle ait souffert de placenta accreta[2] lors de sa propre grossesse, Kim Kardashian a néanmoins considéré qu’il serait normal qu’une autre femme mette sa santé en danger afin qu’elle, Kardashian, puisse avoir un troisième enfant.

Une autre citation :

Elton John paie 20 000 £ à une mère porteuse pour avoir un deuxième fils (Daily Mail Reporter, 2013).

La femme reste sans nom, non seulement pour le public mais même sur le certificat de naissance. Et à la place, David Furnish (le mari d’Elton John) est identifié comme étant la mère.

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John Stoltenberg : Le pourquoi de l’oppression

Voici un récit à propos du pire récit jamais raconté.

C’est celui que l’on vous raconte s’il a été décidé à votre naissance que vous deviez grandir pour devenir un vrai garçon et, un jour, un vrai homme. Cette décision a été prise à la va vite, après une simple inspection visuelle de votre entre-jambes de nouveau-né. Et personne ne vous a demandé votre avis puisque vous veniez tout juste de naître. Pourtant, cette décision allait déterminer une grande partie de votre vie, peut-être même sa plus grande partie.

Vous connaissez tous ce récit : d’abord être un vrai garçon pour ensuite devenir un vrai homme.

Si vous faites partie de ceux à qui on a raconté ce récit, non seulement on vous l’a raconté, mais on vous a appris à le raconter aux autres pour que vous puissiez vous le raconter à vous-même. Si vous avez bien appris le récit, vous devrez le raconter aux autres et à vous-même, incessamment, pour le reste de votre vie. Et ce récit n’est pas seulement le vôtre. Il est raconté presque partout, presque tout le temps, tout autour de vous.

J’appelle ce récit le Code Alpha.

Le Code Alpha ressemble au système d’exploitation d’un ordinateur personnel, comme un code de programmation qui traite l’information et prend des décisions selon une certaine logique. L’ordinateur est un objet bien réel, mais c’est le système d’exploitation qui lui dit comment penser. Il en est de même pour vous: vous existez dans un corps humain bien réel, mais une partie de votre fonctionnement obéit à la logique du Code Alpha :

D’abord être un vrai garçon, et ensuite un vrai homme.

Certaines personnes peuvent penser que le Code Alpha, c’est vous, que vous ne pouvez pas vous en distinguer. Mais tout comme un système d’exploitation informatique, le Code Alpha n’est pas matériel; c’est un simple programme avec une logique et un objectif particuliers. Il est en vous pour que vous craigniez de ne pas encore être un homme à part entière, pour que vous ne cessiez de tout faire pour devenir un homme, un vrai. Il est en vous pour vous terrifier à l’idée d’échouer à cette tâche.

Vous connaissez cette panique qui s’empare de vous quand un homme qui tente d’être un vrai homme vous humilie ou vous rabaisse, parce que vous n’êtes pas suffisamment un vrai homme ? Vous avez l’impression d’être comparé et vous avez peur. C’est votre Code Alpha qui se met en alerte. Il est conçu pour déclencher votre réaction de panique à tout moment où vous échouez à être le vrai homme que le Code Alpha dit que vous devez être.

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Chers hommes : alors vous pensez vraiment avoir envie d’une « femme forte et indépendante ».

Écrit par le Dr Jessica Taylor, le 4 janvier 2020

 

Ce blog est écrit pour les hommes, s’adressant directement aux hommes. Aux hommes qui s’intéressent aux femmes (hétérosexuelles ou bisexuelles).

Plus précisément encore, les hommes qui disent avoir envie d’une femme forte et indépendante. Les hommes qui trouvent sexy les femmes puissantes et déterminées.

Les hommes qui écrivent sur les forums qu’ils recherchent des femmes qui s’assument financièrement, qui ne « les dépouilleront » pas et qui ont leur propre carrière et leur propre pensée.

Les hommes qui disent aimer une femme intelligente et éduquée parce qu’elles sont « fougueuses ». Wouah.

Ça vous ressemble ? Ça vous rappelle un homme que vous connaissez ?

Il y a certaines choses que vous devez savoir avant de partir à la recherche de femmes qui se démerdent toutes seules. Si vous consultez tout ce blog et que vous pensez toujours pouvoir être un bon partenaire pour la « femme forte et indépendante » que vous recherchez, alors c’est bon, allez-y.

Cependant, si ce blog vous met mal à l’aise ou vous met en colère, vous devriez peut-être réévaluer vos choix et considérer que vous ne ferez pas un bon partenaire pour une femme déterminée. Vous devriez même vous demander si vous n’idéalisez pas les femmes ou si vous n’espérez pas les contrôler.

J’aimerais croire que c’est une évidence, mais internet me prouve sans cesse que j’ai tort, alors voilà :

Nombre des points que je soulève dans ce blog concernent toutes les femmes. Respectez toutes les femmes. Je ne saurais trop insister sur ce point. Ces « femmes fortes et indépendantes » qui vous intéressent ne sont pas du tout supérieures aux autres femmes et leur valeur n’est pas plus grande.

 

Les femmes indépendantes n’ont pas besoin de vous

Le point le plus important avec lequel vous devez être rapidement super à l’aise est que la « femme forte et indépendante » dont vous avez envie n’a en fait pas besoin de vous pour quoi que ce soit. Elle n’a pas besoin de vous pour mener sa vie. Elle n’a pas besoin que vous la sauviez. Elle n’a pas besoin d’être ensevelie sous les cadeaux ou les compliments. Elle n’a pas besoin de vous pour se protéger. Elle n’a pas besoin de vous pour subvenir à ses besoins.

Non, elle n’a pas besoin de vous. Par contre, elle s’intéresse à vous.

Chercher un-e partenaire est différent d’avoir besoin d’un-e partenaire. Les femmes qui vous intéressent n’ont pas besoin de vous parce qu’elles sont déjà autonomes. Si vous cherchez une femme à réparer, à sauver, à entretenir et à contrôler, vous devez vous regarder en face et chercher à comprendre pourquoi vous voulez être un dominant dans vos relations au lieu d’être un égal. Lire la suite

Comment les mères sont détruites quand elles essaient de protéger leurs enfants

Par Phyllis Chesler, The Huffington Post, 19/05/2016

Assommée de coups, étranglée jusqu’à perdre connaissance, encore et encore, les os brisés plusieurs fois consécutives, Holly Collins, une mère états-unienne, n’a trouvé ni justice ni protection au Minnesota. Elle a perdu la garde des deux enfants qu’elle essayait de protéger si difficilement de la rage et des coups de leur père. Quand elle a compris que ses enfants ne survivraient pas une semaine de plus – ou même un jour de plus – elle s’est enfuie avec eux et a obtenu l’asile politique en Hollande. Un documentaire émouvant raconte son histoire.

Collins fut la première maman états-unienne, et la seule pour l’instant, à avoir fait cela.

D’autres mères « protectrices » passent à l’action, par exemple la Dre Elizabeth Morgan qui a réussi à faire s’échapper ses parents et sa fille vers la Nouvelle-Zélande, pays avec lequel les États-Unis n’ont pas d’accords d’extradition. La Dre Morgan est restée emprisonnée à Washington pendant plus d’un an parce qu’elle refusait de révéler où se trouvait sa fille. J’ai personnellement interrogé les psychiatres s’occupant de l’enfant ; ils m’ont assurée que, pour eux, sa fille était bel et bien sexuellement agressée par son père.

Ces affaires ont eu lieu à la fin des années 80 et au milieu des années 90. Cela peut-il encore arriver aujourd’hui ?

Selon les mères « protectrices » et leurs soutiens légaux et médicaux, entendu.e.s durant la Conférence sur les décisions de garde d’enfants pour les mères battues – en mai 1996 à Albany (New York) – ces situations critiques vont en s’aggravant. Si une mère battue se trouve aux prises avec un conflit pour la garde d’un.e enfant, son avocat doit, stratégiquement, lui conseiller de ne pas parler de la violence familiale ; si elle le fait, elle court tous les risques d’en perdre la garde. Et de surcroît, si elle sait que son enfant est également psychologiquement terrorisé.e, battu.e, et peut-être sexuellement agressé.e, il est quasi certain qu’elle en perdra la garde si elle ose en parler. Elle sera perçue comme une « mère aliénante », une menteuse folle et rancunière.

Analysons cette situation inextricable, cette double voire triple ou quadruple contrainte.

La réalisatrice Rachel Meyrick travaille actuellement à un documentaire sur des mères états-uniennes battues qui ont perdu la garde de leurs enfants. Les témoignages recueillis sont sidérants et fendent le cœur. La bande-annonce de ce film est visible ici et, si vous êtes touché.e et impressionné.e autant que je l’ai été, vous pouvez soutenir ses efforts à terminer le film suffisamment vite pour qu’il puisse intégrer à temps la sélection du prochain Festival du film Sundance.

À la Conférence sur les décisions de garde d’enfants pour les mères battues, nous avons beaucoup appris des mères protectrices battues et de leurs soutiens. Ces mères sont courageuses, fortes, frustrées, scandalisées et découragées par la lenteur glaciale (si ce n’est la stagnation) de leur dossier et par l’absence continuelle de justice pour les mères battues et leurs enfants. Certaines mères ont grandi dans la pauvreté, d’autres dans le confort ; certaines ont été victimes d’inceste ou ont subi une violence énorme au cours de leur enfance. Certaines ont épousé des hommes « plutôt gentils » qui se sont avérés être des sociopathes sadiques et manipulateurs. Lire la suite

Robert Jensen : Les hommes, la pornographie et le féminisme radical

Les hommes, la pornographie et le féminisme radical : la lutte en faveur de l’intimité dans le patriarcat

Par Robert Jensen

Les critiques féministes radicales de la pornographie ont été, depuis leur première formulation, prolongées.

La critique féministe radicale de la pornographie reste à ce jour l’analyse la plus convaincante des contenus sexuellement explicites, mais elle est régulièrement marginalisée dans la culture dominante et dans les groupes féministes. Pourquoi ? Le patriarcat est profondément enraciné dans nos vies, et le déni ou l’évitement du caractère mortifère du patriarcat est courant. Dans la deuxième partie, j’expliquerai en quoi cette critique, et le féminisme radical plus généralement, n’est pas une menace mais un cadeau pour les hommes.

Depuis que je défends la critique féministe radicale de la pornographie, c’est-à-dire depuis plus de 30 ans, la question la plus courante que m’ont posé des femmes est : « Pourquoi les hommes aiment-ils tant la pornographie ? »

Bien sûr, tous les hommes ne consomment pas de la pornographie, et certaines femmes en consomment aussi. Mais l’industrie pornographique sait que l’immense majorité de ses clients sont des hommes, et la majorité de la pornographie reflète donc ce que les pornographes imaginent que les hommes visionneront – et reviendront visionner à nouveau – ce qui contribue à modeler l’imaginaire sexuel contemporain. Beaucoup de femmes considèrent que cette pornographie, et la consommation qui en est faite par les hommes, est affligeante. Elles veulent savoir pourquoi les hommes – y compris les hommes qui leur sont proches, en particulier leurs compagnons et leurs fils – trouvent la pornographie si plaisante, en consomment si régulièrement et ignorent leurs demandes pour qu’ils arrêtent.

La réponse simple est : « Parce que la pornographie fonctionne. » C’est-à-dire que les contenus visuels sexuellement explicites provoquent une excitation sexuelle intense qui facilite la masturbation. En clair : la pornographie produit des orgasmes, de manière fiable et efficace.

« Mais il n’y a pas d’intimité dans ce genre d’expérience sexuelle », soulignent les femmes. Je réponds : « Tout à fait ». « La pornographie offre aux hommes un plaisir sexuel, avec ce qui est ressenti comme un contrôle total sur soi et les femmes. La pornographie offre aux hommes la quintessence de l’expérience sexuelle sous le régime patriarcal – le plaisir sans la vulnérabilité. »

Mais les apparences sont trompeuses : ce sentiment de contrôle, sur soi et les autres, est à la fois illusion et hallucination. Les hommes gagneraient à comprendre cela. J’y ai gagné, et cette compréhension m’est parvenue grâce au féminisme radical. Lire la suite

Charles Derry : Misandrie

[Le texte suivant constitue un des chapitres du livre Oppression and Social Justice, coordonné par Julie Andrzejewski et publié en 1993]

Note : Cet article s’attache à dépeindre précisément les comportements masculins dans leurs relations aux femmes. Des propos crus et injurieux sont souvent tenus dans ces échanges. Bien que l’auteur ait essayé de limiter ce type de propos, les éliminer complètement réduirait ou brouillerait sa tentative de révéler le soutien masculin aux violences contre les femmes.

Au premier abord, il semblerait que les hommes ne se sentent pas concernés quand les femmes sont violées, battues, blessées, bousculées, frappées, giflées, cognées, mordues, fauchées, attachées, enfermées, suivies, harcelées, humiliées, mutilées, torturées, terrorisées, tuées, frappées, étranglées et matraquées à mort par leurs maris, petits-amis et ex. A première vue, c’est comme si on s’en moquait tout simplement. Mais si on regarde de plus près, on s’aperçoit que le silence ou l’apathie généralisée dont font preuve la plupart des hommes concernant la violence masculine envers les femmes n’est qu’une façade. C’est un masque qui tombe au premier soupçon de résistance des femmes. Dès la moindre suggestion que les hommes ne devraient pas attaquer ou terroriser les femmes, la fine couche de désintérêt silencieux qui protège le privilège des hommes à abuser des femmes disparait.

A la place, se déploie tout un arsenal de résistance masculine souvent assez ahurissant par son envergure, non seulement par le simple nombre de tactiques employées mais également par la sophistication avec laquelle elles sont exécutées. Ce qui semblait de prime abord être du désintérêt masculin s’avère alors être plutôt l’opposé. Les appels au secours passionnés et plein de colère lancés par les femmes se heurtent à un mur. Les hommes s’intéressent vraiment à la violence contre les femmes. Mais ils s’y intéressent d’une façon dont ils préfèrent ne pas parler. Les hommes ont intérêt à ce que la violence se produise et ils ont intérêt à ce qu’elle continue. Et franchement, ils en ont marre d’avoir à en entendre parler. Quand le sujet est abordé, les hommes se mettent en colère, peut-être pas immédiatement mais toujours à la fin, car en dernière instance ce sujet est un défi moral qui implique que nous abandonnions les privilèges qui découlent de notre position de pouvoir. Cela signifie que le sexisme doit cesser et peu d’hommes soutiendront cette idée. Le sexisme, après tout, est une bonne affaire pour les hommes.

Quand j’avais 17 ans, j’ai commencé à sérieusement me demander ce que cela signifierait si les femmes étaient vraiment mes égales. Au bout de deux minutes de réflexion j’ai atteint le cœur du problème. « J’aurais à renoncer à des trucs ». J’ai considéré cette éventualité pendant environ 30 secondes et puis j’ai décidé que « Nan, pourquoi je ferais ça ? ». En faisant ça, je décidais de continuer à adopter les attitudes, comportements et croyances culturellement acceptés chez les hommes et dans lesquelles j’avais déjà été complètement et confortablement endoctriné. Personne ne m’a vu prendre cette décision. Personne n’a questionné la justesse ou l’erreur de celle-ci. Je n’ai d’aucune manière été identifié comme criminel ou déviant. J’ai repris le cours normal de ma vie en ayant un peu plus conscience qu’il valait mieux être un gars qu’une fille. On me faisait peu de reproches. Les femmes étaient des femmes et j’étais un jeune gars cherchant d’abord un accès sous leurs jupes. (Je voulais aussi apprendre à les connaître, bien sûr. Moi je n’étais pas un « animal », après tout, contrairement à certains types que je connaissais). En gros, je me considérais comme un « type bien ».

Mais comment expliquons-nous les données suivantes ?

– La violence se produit au moins une fois dans deux tiers de l’ensemble des mariages (Roy, 1982).

– A peu près 95 % des victimes de violence domestique sont des femmes (Ministère de la Justice, 1983).

– 50 % des femmes seront battues par leur amant ou mari plus d’une fois dans leur vie (Walker, 1979).

– Des études montrent que la violence conjugale a pour conséquence davantage de blessures nécessitant un traitement médical que dans les cas de viol, les accidents de voiture et les vols avec agression cumulés (Stark & Flitcraft, 1987).

– Aux États-Unis, une femme a plus de chances d’être agressée, blessée, violée ou tuée par son compagnon que par n’importe quel autre type d’agresseur. (Browne & Williams, 1987).

– On estime qu’il y a 3 à 4 millions de femmes américaines violentées chaque année par leurs maris ou conjoints (Stark et al, 1981).

– Entre 21 et 30 % des étudiantes déclarent des violences de la part de leur petits amis (Wolf, 1991).

– Aux États-Unis, on estime qu’une femme est violée toutes les 1,3 minutes. 75 % des victimes de viol connaissent leur agresseur (Centre national des victimes et Centre de recherche et de traitement des victimes de crime, 1992).

– Dans une étude, entre 25 et 60 % des étudiants hommes ont reconnu qu’ils violeraient probablement une femme s’ils pouvaient s’en tirer sans conséquence (Russell, 1988).

Qui agresse ces femmes ? Elles sont agressées par des millions d’hommes qui se considèrent toujours comme des « types bien ». Ce sont des pères et des grands-pères, des patrons et des collègues, des prêtres et des curés, des amis et des connaissances, des juges et des députés, des maris et des petits amis. Ce sont des hommes qui connaissent les femmes qu’ils agressent. Alors que 75% des femmes sexuellement agressées connaissent leur agresseur, 100% des victimes d’agressions domestiques connaissent le leur. Si tous les « types bien » se sortaient de leur canapé et faisaient quelque chose pour faire cesser leur violence et celle des autres hommes, la violence masculine s’arrêterait. Le sexisme vacillerait puis s’effondrerait, un peu comme le bloc soviétique s’est effondré au début des années 90 quand ils ont cessé d’écraser leur population avec des tanks. Si tous les hommes qui battent et violent actuellement des femmes arrêtaient, est-ce que tous les hommes qui jusqu’alors n’avaient pas été violents commenceraient à l’être pour maintenir le sexisme et laisser intact le pouvoir masculin avec tous ses privilèges ? Lire la suite

#Notallporn : pourquoi les « bons côtés » ne comptent pas

Illustration : Ma.

« #Notallporn[1] : pourquoi les « bons côtés » ne comptent pas », par Jonah Mix

Sur la page d’accueil du site pornographique le plus connu au monde, on trouve des vidéos dont les titres me donnent la nausée. Des titres comme « Une salope bien conne adore baiser devant la caméra » ; « Trou du cul des quartiers pilonné par une bite blanche » ; « Elle a besoin de thune, et lui d’une chatte ». Il suffit de quelques mots-clés et d’un clic pour y accéder. Quelques clics de plus suffisent pour en voir 100 000 autres. C’est le porno tel qu’il existe aujourd’hui – et c’est, statistiquement, ce que la plupart des hommes regardent. Il n’est pas exagéré de dire que la majorité des hommes en Amérique, et probablement dans le reste du monde, tirent une satisfaction physique et émotionnelle de matériaux qui seraient considérés comme des propos haineux s’ils étaient destinés à n’importe qui d’autre que des femmes.

En tant qu’hommes, nous savons tous à quel point l’industrie pornographique est violente. Si vous le niez, rendez-moi ce service : allez sur la page d’accueil d’un site porno et lisez juste les titres. Bloquez toutes les images si vous le pouvez. Et posez-vous la question : est-ce ainsi que nous traitons des êtres humains ? Est-ce ainsi que les humains s’adressent les uns aux autres ? Ensuite, rappelez-vous que ce ne sont pas que des mots. Ce sont des actes. Ce sont des choses que des hommes font à des femmes – de vrais hommes blessant de vraies femmes dans le monde réel. Je demande très souvent à des hommes de le faire, d’aller voir ces titres, et ça en a fait pleurer plus d’un. Ça ne devrait pas être surprenant : sans le filtre de l’excitation brouillant la vue, il est difficile de réaliser la façon dont nous, les hommes, traitons les femmes et ne rien faire d’autre que de pleurer.

Malheureusement, tous les hommes ne se prêtent pas au jeu. Quelques-uns sont assez honnêtes pour reconnaître qu’ils s’en moquent, tout simplement. Quelques autres argumenteront contre toute attente sur le fait que « Punition d’une black ado » ne relève pas, en vérité, de propos haineux racistes et misogynes. Mais la majorité diront autre chose. Ils tomberont dans la défense classique : « oui, absolument, ces vidéos sont horribles. Je ne défendrai jamais cela. Mais, tu sais, il n’y a pas que ça dans le porno. Tu ne vois que les mauvais côtés ». Et, bien sûr, techniquement, c’est vrai. On peut trouver de la pornographie qui ne tombe pas dans les tréfonds de brutalité que sont les standards de l’industrie. Il pourrait même bien se trouver des vidéos qui s’affichent respectueuses des femmes, ou même féministes. Mais pour comprendre à quel point cette argumentation est incroyablement faible et a des conséquences terrifiantes, il faut en passer par un petit intermède philosophique. Lire la suite

« 11 façons dont les hommes peuvent répondre de manière productive au mouvement #MoiAussi » par Feminist Current

Le hashtag #MoiAussi a encouragé certains hommes à faire allusion sur Internet à leurs comportements misogynes, mais ils doivent aller au-delà de confessions sur les médias sociaux.

publié le 22 OCTOBRE 2017, par l’équipe de FEMINIST CURRENT

Plus tôt cette semaine, Meghan Murphy a proposé quelques suggestions sur ce que nous pourrions demander aux hommes, à la lumière du hashtag viral #MoiAussi, qui visait à rappeler aux hommes béatement ignorants (ou obstinés) l’omniprésence de l’agression sexuelle et du harcèlement perpétrés par des hommes contre des femmes partout.

Certains hommes ont répondu en reconnaissant qu’ils participent à la misogynie. Certains hommes ont admis être coupables de harcèlement ou d’agression sexuelle. Certains hommes ont présenté des excuses pour avoir laissé d’autres hommes agir ainsi. Mais, même si ces hommes peuvent être bien intentionnés, ce type de réponses sur les médias sociaux ne constitue pas nécessairement une action productive. C’est pourquoi, l’équipe de Feminist Current a compilé une liste (partielle) de suggestions à l’intention des hommes qui voudraient réagir d’une manière productive face au problème de la violence masculine contre les femmes, au-delà d’un étalage de vertu personnelle (virtue signalling) sur Internet.

1) Prenez conscience du nombre de femmes qui sont dans votre vie et qui ont révélé publiquement cette semaine avoir été agressées ou harcelées sexuellement, et laissez cette conscience vous mettre mal à l’aise. Évitez la réaction défensive du « Pas tous les hommes ». Même si vous n’avez pas personnellement agressé sexuellement une femme, ce comportement fait partie de notre culture ; vous devez donc vous attaquer au fait (pour le changer) qu’à l’échelle internationale, une femme sur trois a été exposée à de la violence physique ou sexuelle et que presque toute cette violence est perpétrée par des hommes.

2) Arrêtez de traiter les femmes et les filles comme avant tout « jolies ». Cela signifie éviter de complimenter d’abord et avant tout les filles et les femmes sur leur apparence. Beaucoup d’entre nous faisons cela sans même réfléchir (nous commençons tôt, aussi, en disant aux fillettes qu’elles sont « jolies » ou en commentant leurs tenues), mais de tels commentaires renforcent l’idée qu’être considérée comme attrayante ou désirable est la chose la plus importante qu’une femme ou une fille peut espérer.

3) De même, commencez à prêter attention à la façon dont vous regardez/considérez les femmes. Si la première chose que vous faites quand vous voyez une femme dans la rue est de la mater de haut en bas pour évaluer si elle est « baisable », arrêtez ça. Lire la suite

Mickey Z : Rien ne changera tant que nous refuserons de NOMMER LE PROBLÈME.

Par Mickey Z (World News Trust)

[Avertissement : Cet article traite de violences graves]

 

Nous lui donnons toutes sortes de noms. Des noms comme la violence, la guerre, le terrorisme et l’oppression …

MAIS :

Ce sont des hommes qui sont responsables de 90% des agressions violentes, de 95% de la violence au foyer et entre partenaires et aussi de 95% des sévices sexuels sur enfants.

Des hommes déchirent des poules vivantes pour ensuite les agresser sexuellement.

Un homme comme Frank Yeager dresse une liste de 200 cibles – des femmes agents immobiliers qu’il envisageait de violer – parce que, comme il l’a dit, « j’aime vraiment la chasse ».

Des femmes comme celle-ci sont violées et victimes de traite dès l’âge de 7 ans.

Des hommes prennent plaisir et fierté à retirer leur préservatif au moment de rapports sexuels.

Les femmes de la Caroline du Nord ne peuvent légalement mettre fin à un rapport sexuel une fois celui-ci entamé.

Des poupées sexuelles infantiles (sic) de la taille de fillettes de 3 ans se vendent comme des petits pains dans le monde entier.

Un homme de 32 ans, Benjamin Taylor, vient de violer et assassiner la fillette de 9 mois de son amie.

Nous nous accrochons à des euphémismes comme : le fascisme, le communisme, le capitalisme, le libertarisme, le totalitarisme, le socialisme, etc.

MAIS :

Les hommes s’accaparent ouvertement les idées et les réalisations des femmes et les revendiquent comme étant les leurs.

Des hommes vont violer en bande une femme et assassiner son bébé.

Un homme va coller les parties génitales de son épouse sous prétexte qu’elle a « aimé » un message Facebook, et il s’en sort avec une amende de 10$.

La culture du viol est tellement normalisée que des hommes diffusent des viols en direct sur Internet.

Un homme nommé Richard Paterson peut tuer son amie et prétendre qu’elle s’est « accidentellement » étouffée avec son pénis durant une fellation.

Que l’on parle d’homicide involontaire, de situation compréhensible ou de peine capitale, c’est idéalisé comme un divertissement…

MAIS :

Le meurtre demeure principalement la prérogative des mâles, comme en témoignent ces statistiques étatsuniennes :

  • Meurtres liés au sexe : 93,6%
  • Meurtres liés aux gangs : 98,3%
  • Meurtres liés à la drogue : 95,5%
  • Meurtres en milieu de travail : 91,3%
  • Meurtres à l’arme à feu : 91,3%
  • Meurtres à victimes multiples : 93,5%

Et ils trouvent encore de nouvelles façons de tuer. Une femme au Japon a été essentiellement assassinée lors du tournage d’une scène d’« éjaculation collective » dans un film pornographique. Cause de la mort : elle a été noyée de sperme.

Nous cachons cette réalité sous des « urgences » comme la pollution, les changements climatiques et l’écocide …

MAIS : Lire la suite

« Merci Andrea Dworkin » par Mickey Z.

[Cet article, que je reprends du blog Tradfem, me sert ici à annoncer la publication prochaine d’une anthologie d’Andrea Dworkin – à la fois au Québec par Les éditions remue-ménage et par Syllepse pour la France : Souvenez-vous, résistez, ne cédez pas.]

Je suis une féministe, pas du genre fun.

(Andrea Dworkin)[1]

Par Mickey Z., initialement publié le 7 mai 2016 sur World News Trust

« Ce n’est que lorsque la virilité sera morte – et elle périra quand la féminité ravagée ne la supportera plus – alors seulement saurons-nous ce que c’est que d’être libre. » (Andrea Dworkin)[2]

En tant que personne qui a fui l’université pour plutôt entreprendre un long périple d’autodidacte radical engagé, je trouve tout à fait éclairant qu’il m’ait fallu aussi diablement longtemps pour enfin rencontrer le travail d’Andrea Dworkin.

La «gauche» parle souvent de la marginalisation des dissident.e.s, mais j’ai trouvé facilement et naturellement les écrits de Noam Chomsky, Assata Shakur, Howard Zinn, Guy Debord, Frantz Fanon, Arundhati Roy, Edward Said, Angela Davis, Emma Goldman, Ward Churchill, bell hooks, et beaucoup trop d’autres pour tous les citer ici. Par contre, il m’a fallu arriver en 2015 pour lire l’autobiographie de Dworkin,Heartbreak: The Political Memoir of a Feminist Militant – et il se trouve que c’est le livre le plus révolutionnaire que j’aie jamais lu. (Cela ne veut pas dire que je suis d’accord avec tout ce qu’elle a jamais écrit, alors svp abstenez-vous de tirer cet argument bidon éculé de votre vieux sac à malice.)

Ce n’est certainement pas une coïncidence si, depuis dix ou vingt ans, aucun de mes acolytes subversifs ne m’a jamais recommandé une pionnière féministe comme Dworkin. Plus je lis son travail et plus j’écoute son analyse sans compromis, plus je comprends pourquoi elle a été soit effacée soit diabolisée – par la culture dominante et par les gens de droite, bien sûr, mais avec tout autant de véhémence par les tenants de la soi-disant gauche. Peu importe les croyances politiques que l’on allègue, le patriarcat règne encore en maître.

« Le projet érotique commun de détruire les femmes permet aux hommes de s’unir en une fraternité; ce projet est la seule base ferme et fiable de coopération entre les hommes et toute solidarité masculine entre hommes est basée sur elle. » (Andrea Dworkin)[3] 

Dans un sens plus général, il est parlant d’assister au malaise palpable causé par mon évolution sans fin. Mais là encore, il est possible que des amitiés basées sur une idéologie partagée soient le plus souvent vouées à l’échec.

Cela dit, s’il vous plaît permettez-moi d’être clair : je suis (au mieux) un chantier en cours et je déplore profondément le temps qu’il m’a fallu pour mieux comprendre la puissance fondatrice du patriarcat. Je repense avec un profond regret à certaines des postures que j’ai assumées, aux publications et aux sites Web pour lesquels j’ai écrit, aux mouvements dans lesquels j’ai mis ma confiance, aux opinions que j’ai criées sur des estrades à travers tout le pays, aux ex-camarades que j’ai défendus, et aux livres que j’ai écrits (j’aimerais réellement les modifier ou les effacer, tous les 13!).

Je ressens de la honte, mais pas un sentiment de défaite. Je me nourris d’un intense désir de rattraper le temps perdu et de m’engager plus que jamais à identifier et à rejeter le conditionnement qui m’a formé/déformé. Pour renverser, comme Andrea nous y exhorte, ce qui doit être renversé.

J’ai un long, long chemin à parcourir et je trébucherai sans doute, mais, quoi qu’il en soit, je continuerai à faire de mon mieux pour vivre selon les principes que j’ai détaillés ici et ceux que de courageuses visionnaires comme Dworkin ont érigés. Je peux enfin voir que comme tout ce que font les femmes pour résister au patriarcat est retourné en pornographie, en marchandises et en armes utilisées contre elles, le changement doit commencer par nous, les hommes.

Comme je l’ai déjà écrit ici, si les hommes veulent se montrer à la hauteur des étiquettes dont ils se parent comme celles d’activiste, révolutionnaire, radical, allié et camarade, le chemin est clair. Nous sommes tenus de faire presque tout le travail initial, d’effectuer alors les plus grands changements et de prendre les plus grands engagements. Si nous nous soucions de justice et de libération autant que nous prétendons le faire, c’est dès maintenant qu’il faut nous regarder dans le miroir, nous interpeller l’un l’autre, laisser à la porte notre ego et notre programmation masculine, et faire ce qui nous semblent être d’importants sacrifices (conseil d’un pro : ils ne le sont pas tant que ça). Nous, les hommes, devons nommer le problème, encore et encore, jusqu’à ce que nous cessions d’être le problème et cessions de refiler le problème à la génération suivante.

« Les hommes qui veulent soutenir les femmes dans notre lutte pour la liberté et la justice devraient comprendre qu’il est pas terriblement important pour nous qu’ils apprennent à pleurer ; il est important pour nous qu’ils mettent fin aux crimes de violence commis contre nous. » (Andrea Dworkin)[4]

Post-scriptum : Pour ceux qui souhaitent découvrir le travail révolutionnaire d’Andrea Dworkin, je vous suggère humblement de commencer par l’autobiographie mentionnée ci-dessus. En outre, vous trouverez des fichiers PDF de tous ses livres ici et de nombreux enregistrements audio ici. Enfin (pour aujourd’hui), cedocumentaire de 47 minutes est un incontournable (avertissement de propos déclencheurs pour les survivant.e.s d’agression sexuelle).

« Si vous savez ce qui doit être renversé, renversez-le. » (Andrea Dworkin)

D’autres textes de Mickey Z. se trouvent ici.

Version originale : http://worldnewstrust.com/thank-you-andrea-dworkin-mickey-z

Traduction : Tradfem

[1] Citation tirée du roman Ice and Fire. (ndt)

[2] Discours « The Root Cause », Our Blood, 1976. (ndt)

[3] Discours « The Root Cause », Our Blood, 1976. (ndt)

[4] Discours « The Rape Atrocity and the Boy Next Door », dans Our Blood, 1976. (ndt)

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Vers la justice de genre

par John Stoltenberg

  (Ce texte est adapté d'une allocution faite par l'auteur lors d'une conférence du Gay Academic Union de New York, le 29 novembre 1974. Les notes de bas de page ont été ajoutées par l'auteur en juillet 2013. Copyright © 1975, 2013 de John Stoltenberg. D'abord publié dans les revues Win, le 20 mars 1975, et Social Policy, en mai/juin 1975 et aussi dans l'ouvrage For Men Against Sexism: A Book of Readings, assemblé par Jon Snodgrass. Traduit et reproduit ici avec la permission de l'auteur.)
Pdf de l'article ici : J.Stoltenberg-Vers la justice de genre

Le modèle hétérosexuel

J’aimerais commencer en décrivant certaines caractéristiques de la société patriarcale dans laquelle nous vivons, certaines caractéristiques de ce que j’appellerai le modèle hétérosexuel. Dans ce modèle, les hommes sont les arbitres de l’identité humaine. Dès qu’ils sont garçons, les hommes sont culturellement programmés à se référer exclusivement aux autres hommes pour conforter leur valeur individuelle. Le confort et le bien-être d’un homme dépendent du travail et de l’attention des femmes, mais son identité – sa « connaissance de qui il est » – ne peut être conférée et confirmée que par d’autres hommes.

Dans le patriarcat, les femmes ne sont pas des témoins fiables de la valeur d’un homme, sauf dans le lit – et là en tant que classe, pas en tant qu’individues. Ainsi, si une femme en particulier n’aime pas le fonctionnement génital d’un homme, il a le droit de se tourner vers une autre femme qui l’apprécie, sans perdre de sa valeur phallique.

Les femmes aussi sont programmées à se référer aux hommes pour leurs identités, mais le programme est lourdement biaisé contre elles. Dans le modèle hétérosexuel, pour une femme, « la connaissance de qui elle est » ne peut pas être distincte de sa relation avec un homme en particulier. La seule façon autorisée d’acquérir quelque identité pour valider sa valeur personnelle est d’appuyer un homme ou d’en devenir la propriété.

Dans le patriarcat, les hommes sont à la fois les arbitres de l’identité des hommes et des femmes, parce que la norme culturelle de l’identité humaine est, par définition, l’identité masculine – la masculinité. Et, dans le patriarcat, la norme culturelle de l’identité masculine comprend le pouvoir, le prestige, les privilèges et les prérogatives sur et contre la classe de genre des femmes. Voilà ce qu’est la masculinité. Ce n’est pas autre chose.

Des tentatives ont été faites de défendre l’idée que cette norme de la masculinité a une base naturelle dans la biologie sexuelle masculine. Il a été dit, par exemple, que le pouvoir masculin dans la société est une expression naturelle d’une tendance biologique à l’agression sexuelle chez les humains de sexe mâle. Mais je crois que ce qui est vrai, c’est l’inverse. Je crois que le comportement génital masculiniste est une expression du pouvoir masculin dans la société. Je crois que l’agression sexuelle masculine est un comportement entièrement acquis, enseigné par une culture que les hommes contrôlent entièrement. Je crois que, comme je vais l’expliquer, il existe un processus social par lequel le patriarcat confère le pouvoir, le prestige, des privilèges et des prérogatives aux gens nés avec une bite[1], et qu’il existe un projet sexuel promu par le patriarcat (pas par Mère Nature) pour déterminer comment ces bites sont censées fonctionner.

Le processus social par lequel les personnes nées avec une bite atteignent et perpétuent la masculinité passe par la connivence masculine [male bonding]. Il s’agit d’un comportement acquis institutionnalisé par lequel les hommes reconnaissent et renforcent leur appartenance respective et de bonne foi à la classe de sexe masculine et où les hommes se rappellent les uns aux autres qu’ils ne sont pas nés femmes. La connivence masculine est politique et omniprésente. Elle a lieu dès que deux hommes se rencontrent. Elle ne se limite pas aux grands groupes exclusivement masculins. C’est la forme et le contenu de toute rencontre entre deux hommes. Les garçons apprennent très tôt qu’ils ont intérêt à être capables de former ce type de liens. Ce qu’ils apprennent pour trouver cette connivence est un code de comportement complexe fait de gestes, de paroles, d’habitudes et d’attitudes qui ont pour effet d’exclure les femmes de la communauté des hommes. La connivence masculine est la façon dont les hommes apprennent les uns des autres qu’ils ont droit, dans le patriarcat, au pouvoir dans la société. La connivence masculine est la façon dont les hommes acquièrent ce pouvoir, et c’est la façon dont il est conservé. Par conséquent, les hommes imposent un tabou contre tout détachement de cette connivence – un tabou fondamental pour la société patriarcale. Lire la suite

Les autres hommes par John Stoltenberg

[L’article qui suit est tiré du livre Refuser d’être un homme – pour en finir avec la virilité de John Stoltenberg.]

Certains d’entre nous sont les autres hommes dont certains d’entre nous se méfient  beaucoup. Certains d’entre nous sont les autres hommes auxquels certains d’entre nous ne font pas confiance. Pourtant, certains d’entre nous sont les autres hommes que certains d’entre nous veulent approcher et côtoyer. Certains d’entre nous sont les autres hommes que certains d’entre nous rêvent d’embrasser.

Le monde des autres hommes est un monde dans lequel nous vivons derrière une barrière – parce que notre sécurité l’exige, parce que nous comprenons qu’il y a quelque chose chez les autres hommes dont nous savons qu’il faut nous protéger. Le monde des autres hommes est aussi un monde dans lequel nous savons que nous sommes évalués par d’autres hommes, jugés par eux et parfois menacés par eux. Le monde des autres hommes peut être, nous le savons, un endroit inquiétant et dangereux.

Je suis obsédé par les autres hommes depuis très longtemps. J’ai vécu plusieurs années de ma vie à me torturer à propos de mon sentiment de différence vis-à-vis des autres hommes. J’ai voulu plus que tout ressembler aux autres hommes, au-delà même de mes espérances. En même temps, j’ai nourri une terreur à propos des autres hommes : j’ai eu peur qu’ils ne soient pas dupes de mes tentatives d’agir en homme, peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas trouver ma place, de ne pas assurer. Beaucoup d’hommes avec qui je parle sont aussi, de diverses façons, obsédés par les autres hommes. Nous n’en parlons pas facilement ; nous n’avons pas vraiment les mots pour cela. Mais le problème est toujours là, en nous et entre nous : de quelle façon se construit-on une identité dans nos relations avec les autres hommes ? Quels sont les arrangements et les gratifications que l’on s’octroie, selon le score que l’on se donne sur une échelle imaginaire de masculinité ? Si vous pensez avoir un score relativement élevé, ou relativement bas, vous faites certains choix de vie, vous choisissez le meilleur lot à tirer de la quantité de virilité que vous croyez posséder. Et toujours, les autres hommes constituent la mesure de l’homme que vous tentez d’être.

En tant qu’individus et en tant que mouvement d’hommes proféministes, nous avons besoin de comprendre la nature de ce problème – pourquoi le problème est celui-là et comment y réfléchir pour pouvoir le résoudre dans nos vies.

La nature du problème

Une des raisons pour lesquelles j’ai commencé à me passionner à tel point pour le féminisme radical est qu’il semblait résoudre pour moi un dilemme au sujet de ma relation aux autres hommes. Lire la suite

À propos du genre

[L’article qui suit provient du site féministe Sisyphe, dispo en 2 parties ici et encore ici. Je le republie parce qu’il complète une série, déjà longue, de critiques féministes trop méconnues du queer. Par exemple: Nicole-claude Mathieu et Danielle Charest, Christine Delphy (dans sa préface à Les femmes de droite), Léo Thiers-vidal/Sabine Masson, Louise Turcotte, Catharine MacKinnon (avec « Féminisme marxisme et postmodernisme »). L’intérêt, avec le texte suivant, est toujours de rompre avec le statu-quo, favorisé par le système de genre et ses bénéficiaires (les hommes). Et force est de constater que  sur ces points, le queer présente des lacunes profondes qu’il s’agit d’expliciter. (L’article est reproduit avec l’autorisation des traducteur-es et du site Sisyphe: merci !) ]

Lors d’un « féminaire » organisé à l’intention des membres du London Feminist Network (Réseau féministe de Londres) en mai 2010, Debbie Cameron et Joan Scanlon, éditrices de la revue britannique Trouble & Strife, ont animé un atelier au sujet du concept de genre et de sa signification pour le féminisme radical. On trouvera ci-dessous une transcription révisée de leurs propos informels.

I. Qu’est-ce que le genre ? D’où vient la confusion qui l’entoure ?

Debbie Cameron : Le but de la discussion d’aujourd’hui est de tenter de déblayer une partie de la confusion théorique et politique qui entoure présentement le concept de genre. Il est probablement utile de commencer par se demander d’où vient cette confusion.

De nos jours, les conversations au sujet du « genre » achoppent souvent sur des problèmes parce que les personnes qui en parlent emploient le même mot en lui donnant en gros la même signification, alors qu’en y regardant de plus près, elles ne parlent pas des mêmes questions à partir de la même approche. Par exemple, quand nous avons lancé l’anthologie The Trouble & Strife Reader1 à la Foire du livre radical d’Edimbourg, des étudiantes sont venues nous dire leur satisfaction de voir ce livre publié, mais aussi leur surprise qu’il y soit si peu question du genre. Pourtant, ce livre ne parle que de cela, du genre, au sens féministe radical du mot, soit les relations de pouvoir entre femmes et hommes, de sorte qu’à nos yeux, cette réaction était assez surprenante. Joan ne la comprenait tout simplement pas au départ. Pour ma part, j’ai compris ce qu’elles voulaient sans doute dire car je suis toujours universitaire, et à l’université on entend beaucoup le mot « genre » utilisé de cette manière. Voici la clé de l’énigme : pendant les années 90, les théoricien.ne.s et activistes queer ont élaboré une nouvelle façon de parler du genre. Leur approche présentait bien sûr des points communs avec le vocabulaire féministe plus établi, mais elle présentait un accent différent ; elle était sous-tendue par une théorie différente. Il s’agissait au fond de la théorie postmoderniste de l’identité associée à la philosophe Judith Butler, bien que je doute que Butler elle-même dirait que les féministes n’avaient pas d’analyse critique du genre. Il découla de cette nouvelle approche des choix de politiques très différents. Pour les gens qui ont alors tiré leur formation soit en côtoyant la théorie féministe universitaire, soit en s’impliquant dans le système de pensée et l’activisme queer, c’est le sens que prit le concept de « genre ». Ces personnes crurent ce qu’on leur avait dit, à savoir que les féministes des années 70 et 80 n’avaient pas d’analyse critique du genre, ou qu’elles n’avaient pas la bonne analyse, dans la mesure où leurs idées sur le genre relevaient de « l’essentialisme » plutôt que de « la construction sociale » de l’identité. Lire la suite

Ce que j’attends des progressistes : de la solidarité, bordel !

[FEM_CURRENT_logoL’article suivant est tiré du site Feminist current que Meghan Murphy – l’auteure – a fondé. Si vous êtes anglophone, je vous invite vivement à y aller jeter plus qu’un oeil.]

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Donc, vous vous targuez d’être « progressiste ». Peut-être vous qualifiez-vous d’« allié ». Vous savez des choses sur les mouvements sociaux, sur l’activisme et vous faites du lyrisme sur la révolution, la justice et la solidarité. Vous êtes contre la pauvreté, la gentrification, la guerre, le capitalisme, la mondialisation et la grande entreprise. Vous vous qualifiez de colon parce que vous êtes sur un territoire qui n’est pas le vôtre – territoire que vos ancêtres ont volé à des populations qu’ils ont violées, maltraitées et essayé de détruire. Vous parlez de votre privilège : votre privilège masculin, votre privilège blanc, votre privilège cis, votre privilège de classe, votre privilège de personne mince, votre privilège merdique de crâne non-dégarni. Quel qu’il soit – vous l’avez répertorié. Pas un ne manque. Vous les avez tous mis sur votre profil Twitter. On comprend que vous avez compris. Félicitations, vous êtes radicaux.

Et si vous faisiez preuve de solidarité?

Je demeure choquée par le peu d’importance de la vie des femmes aux yeux des progressistes. Vous semblez capables de vous situer intellectuellement par rapport à tout (ou du moins, c’est ce que vous prétendez)… sauf l’oppression des femmes. Maintes et maintes fois, je remarque que des femmes quittent des conjoints agresseurs, pour voir tout de même ceux-ci acclamés comme progressistes et radicaux par d’autres hommes et femmes, en conservant le soutien de leurs communautés. Les femmes sont continuellement trahies par ceux qui sont censés être leurs alliés. Et ça fait mal, bordel !

Je ne pense pas que la plupart des hommes savent ce que ça fait. Lire la suite

Démystifier le Mouvement de Défense Des Hommes

[La traduction suivante a été effectuée par la collective Tradfem, avec l’autorisation de l’auteur, Owen Lloyd. Afin d’exporter la pertinence de son texte à la France, Tradfem a ajouté des données dans les notes de bas de pages.]

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mens-rights-activists2

Les militants des droits des hommes: Des hommes qui se plaignent de problèmes causés par d'autres hommes et qui rejettent la responsabilité sur le féminisme d'une façon ou d'une autre.
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Ce qui suit est une réponse à une liste de propos et arguments classiques présentés par les activistes des droits des hommes.

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    1 . LE SUICIDE : le taux de suicide des hommes est 4,6 fois plus élevé que celui des femmes. [26 710 hommes pour 5 700 femmes, selon le Département Health & Human Services]

Ce n’est pas faute d’avoir essayé : les femmes tentent de se suicider trois fois plus souvent que les hommes 1. Les chercheur-es ont constaté que la socialisation différente des sexes est l’explication la plus pertinente du succès relatif des hommes dans leurs tentatives de suicide. Aux États-Unis par exemple, il a été démontré que les tentatives de suicide non-abouties sont considérées comme « féminines » alors que les réussites sont considérées comme masculines. En d’autres termes, la peur d’être étiqueté « féminin » ou « faible » dans une culture de suprématie masculine encourage les hommes à s’assurer que leurs tentatives aboutissent2. La statistique donnée ici masque aussi que beaucoup de ces « suicides » étaient en fait des meurtres-suicides. Aux États-Unis, on estime que 1.000 à 1.500 personnes meurent dans des attaques-suicides de ce genre chaque année3. Plus de quatre-vingt dix pour cent des criminels sont des hommes ; presque toutes les victimes sont des femmes4.

*

    2 . L’ESPÉRANCE DE VIE : l’espérance de vie des hommes est de 7 ans inférieure à celle des femmes [les hommes : 72,3 ans ; les femmes : 79 ans, selon le National Center for Health Statistics], et ils reçoivent seulement 35 % des dépenses publiques de soins et de frais médicaux.

Voilà une curieuse déclaration. Si les femmes vivent 7 ans de plus que les hommes, il devrait être évident qu’elles reçoivent plus d’aide de soins : car les personnes les plus âgées sont celles qui ont le plus besoin d’être prises en charge par la collectivité, et les personnes les plus âgées sont majoritairement des femmes. Par ailleurs, le secteur des assurances fait payer chaque année 1 milliard de dollars de plus aux femmes pour accéder à l’assurance maladie, pour les mêmes niveaux de couverture que ceux reçus par les hommes5, et jusqu’à 53 % de plus pour le même régime de protection individuelle6, malgré une meilleure santé globale des femmes, et en dépit du fait que leur revenu est 23 % inférieur à celui des hommes7.

*

    3 . LA GUERRE : les hommes sont quasi-exclusivement les seules victimes des guerres. [Les pertes au Vietnam : 47 369 hommes contre 74 femmes, selon le Département Défense]

La première chose à dire, c’est que si les appelés envoyés dans les guerres d’agressions impériales peuvent être parfaitement appelés « victimes », ils sont alors victimes de ceux qui sont responsables des guerres dans lesquelles ils se sont battus. Et ceux qui sont responsables sont des hommes. Tous les présidents et vice-présidents ont été des hommes. Tous les membres du bureau de l’état major ont été des hommes. Les deux branches du Congrès ont toujours été dominées par les hommes. Les sondages réalisés depuis le Vietnam montrent que ce sont les hommes qui ont soutenu ces derniers pour entrer en guerre, et qu’ils sont les plus enclins à soutenir les guerres en cours8. A chaque niveau d’analyse, ce sont des hommes qui sont responsables des guerres, et blâmer de quelque manière les femmes pour les morts au front est non seulement ridicule, mais aussi insensé. Si nous voulons mettre fin à ces morts, nous devons arrêter ceux qui en sont responsables : les hommes politiques, les militaires, les entrepreneurs de guerre, et les propagandistes qui les perpétuent. Lire la suite

L’antiféminisme (extraits)

[Plus bas, un extrait du livre Les femmes de droite d’Andrea Dworkin, publié par les éditions du remue-ménage. indexC’est à ce jour le seul ouvrage de cette féministe radicale américaine traduit. Il est en vente ici: Violette & Co. Les extraits qui suivent sont tirés du dernier chapitre intitulé « L’antiféminisme ».

Les femmes de droite est un livre d’autant plus puissant qu’il est précédé d’une préface où Christine Delphy explicite entre autres les divergences entre le queer et le féminisme radical.

Un ouvrage, riche, à lire.

Des articles d’Andrea Dworkin ont été aussi publiés dans l’anthologie Pouvoir et violence sexiste (Éditions Sisyphe). ]

Le féminisme est une philosophie politique qui suscite beaucoup de haine. C’est vrai dans tout le spectre politique reconnaissable défini par les hommes, de l’extrême-droite à l’extrême-gauche. Le féminisme est haï parce que les femmes sont haïes. L’antiféminisme est une expression directe de la misogynie ; c’est l’argumentaire politique de la haine des femmes. Il en est ainsi parce que le féminisme est le mouvement de libération des femmes. L’antiféminisme, dans l’une ou l’autre de ses familles politiques, soutient que la condition sociale et sexuelle des femmes incarne essentiellement (d’une manière ou d’une autre) leur nature, que la façon dont les femmes sont traitées dans le sexe et dans la société est conforme à ce que sont les femmes, que la relation fondamentale entre les hommes et les femmes – dans le sexe, la reproduction et la hiérarchie sociale – est à la fois nécessaire et inévitable. L’antiféminisme soutient la conviction que la violence infligée aux femmes par les hommes, en particulier dans le sexe, possède une logique implicite qu’aucun programme de justice sociale ne peut ou ne devrait éliminer; et que puisque l’utilisation que les hommes font des femmes découle de leurs natures distinctes et opposées qui convergent dans ce qu’on appelle « le sexe », les femmes ne sont pas violentées quand on les utilise en tant que femmes, mais simplement utilisées pour ce qu’elles sont par les hommes en tant qu’hommes. On reconnaît qu’il existe certains excès de sadisme masculin – commis par des individus dérangés, par exemple – mais en général, l’avilissement massif des femmes n’est pas perçu comme une violation de la nature des femmes en tant que telles. Par exemple, la nature d’un homme serait violée si quelqu’un pénétrait son corps de force. Mais le même incident ne transgresse pas la nature d’une femme, même si cela lui a fait mal. La nature d’un homme ne provoquerait pas qui que ce soit à pénétrer son corps de force. Mais la nature d’une femme provoque une telle pénétration – en outre, une blessure ne prouve pas qu’elle ne voulait pas cette pénétration ou même cette blessure, puisqu’il est dans sa nature de femme de désirer être pénétrée de force et blessée de force. Une femme est violée toutes les trois minutes aux États-Unis, selon des estimations conservatrices, et dans chacun de ces viols, c’est la nature de la femme et non l’acte de l’homme qui est mise en cause. Il n’y a assurément aucune reconnaissance sociale ou juridique du viol comme acte de terrorisme politique. Lire la suite

Enseigner sur le fait d’être oppresseur: Quelques considérations personnelles et politiques

par Steven P. Schacht

  • Je crois que la vérité sur n’importe quel sujet n’apparaît que lorsque toutes les facettes de l’histoire sont mises ensemble, et lorsque leurs différentes significations s’éclairent mutuellement. Chaque écrivain rédige les parties qui manquent à l’histoire d’un autre écrivain. Et l’entière vérité, c’est ce que je suis après.

Walker 1983

 Des programmes de Women’s studies, d’études sur le sexe et le genre, ont été créés dans la grande majorité des écoles supérieures et des universités des États-Unis au cours des vingt-cinq dernières années. Bien que la création et la pérennité de ces programmes ont rencontré des résistances,ils ont également obtenu d’innombrables succès. Dans toutes les disciplines universitaires, les programmes de Women’s studies ont sérieusement remis en question les conceptions du genre, de l’ethnicité, de la classe et de la sexualité. Ils ont également revigoré des dialogues entre plusieurs champs d’études – dont beaucoup étaient depuis longtemps fatigués et pollués. En conséquence, il a été l’un des champs académiques qui s’est développé le plus vite. À bien des égards, les études de genre ont changé à jamais le visage du monde universitaire.

 Sans doute, une conséquence quelque peu latente mais néanmoins importante de cette transformation a été l’impact que ces Women’s studies (et du féminisme en général) ont eu sur des gens comme moi. Lire la suite

Je parie que tu penses ne pas être un violeur.

Par : FeministBorgia

Je parie que tu penses ne pas être un violeur. Pour toi, pas de cachette dans une ruelle sombre… mais rappelle-toi cette fille qui était tellement ivre qu’elle pouvait à peine se tenir debout. Tu sais que sobre, elle n’aurait pas dit oui.

Je parie que tu penses ne pas être un violeur. Tu sais que « non, veut dire non »… ou du moins, que ça signifie « persuade-moi ». Elle cédera en fin de compte.

 Je parie que tu penses ne pas être un violeur. Mais tu te souviens de cette fois où ta copine ne voulait pas faire quelque chose que tu *savais* qu’elle avait fait pour d’autres personnes. Tu ne trouvais pas ça juste. Donc tu l’as harcelée et tu lui as crié après jusqu’à ce qu’elle cède. Lire la suite

Pour en finir avec quelques faussetés au sujet d’Andrea Dworkin

(traduction modifiée et mise à jour le 12-5-2015)

Andrea Dworkin est antisexe.

FAUX. Ses premières œuvres de fiction sont particulièrement riches en relations amoureuses, aussi bien lesbiennes qu’hétérosexuelles – par exemple A simple story of a lesbian girlhood et First Love.

Andrea Dworkin considère que « le coït est une punition ».

FAUX. Cette phrase est simplement dite par un personnage dans son roman Ice and fire. Le personnage paraphrase Franz Kafka.

Andrea Dworkin est anti-lesbienne et vit avec un homme.

A MOITIE VRAI. Elle a vécu dès 1974 avec l’écrivain John Stoltenberg, dont l’article « Living with Andrea » (Vivre avec Andrea) est paru dans Lambda Book Report en 1994. Leur homosexualité était publique dès les années 19701. Dans un discours prononcé en 1975 lors d’un rassemblement pour la Semaine de la fierté lesbienne, Andrea a appelé son amour des femmes « le terreau dans lequel s’enracine ma vie ».

Andrea Dworkin considère que les femmes battues ont le droit de tuer leur agresseur. Lire la suite

Le sexisme de la gauche radicale et les femmes

par Ben Barker

Le critère qui définit une personne radicale est sa volonté d’examiner de façon honnête et critique le pouvoir, et plus particulièrement, les déséquilibres de pouvoir. Nous nous demandons: Pourquoi un groupe dispose-t-il de plus de pouvoir qu’un autre? Pourquoi un groupe peut-il nuire à un autre en toute impunité ? Pourquoi un groupe est-il libre tandis que l’autre ne l’est pas? Ce genre de questions a longtemps été utilisé par des radicaux afin d’identifier des situations d’oppression et de prendre des mesures à leur encontre.
Cette démarche semblait à la fois claire et efficace, jusqu’à ce que soit soulevée l’oppression des femmes. Autant la gauche radicale a su nommer avec persistance les nombreuses manifestations dégueulasses de la culture dominante, autant elle a ignoré, minimisé et nié celle que constitue le patriarcat. Bien qu’il soit généralement admis que le racisme a pour effet de terroriser les personnes de couleur, que l’hétérosexisme a pour effet de terroriser les lesbiennes et les gais, que le colonialisme a pour effet de terroriser les communautés traditionnelles et indigènes, que le capitalisme a pour effet de terroriser les pauvres du monde entier, et que l’industrialisation constitue de fait un terrorisme à l’égard de la terre, les radicaux de gauche ne peuvent, pour une raison ou une autre, concevoir que le patriarcat constitue un terrorisme à l’égard des femmes. S’il arrive parfois que la question de l’oppression des femmes émerge, elle est édulcorée au point de ressembler davantage à un amas de circonstances désagréables, mais temporaires et isolées, plutôt qu’à ce qu’elle est vraiment : une guerre permanente menée contre la liberté, l’égalité et les droits humains de plus de la moitié de la population mondiale.
La façon dont le sexisme, le privilège masculin et le patriarcat sont passés sous silence entre radicaux est à la hauteur de la façon dont ils nous paralysent. Lire la suite

Rendre des comptes – un choix politique

par Jonathan Cohen, National Organization for Men Against Sexism (NOMAS)

La reddition de comptes est devenue un mot d’ordre dans le mouvement pour mettre fin à la violence conjugale. Il est presque impossible d’exercer un métier qui traite de la violence conjugale sans entendre parler de la reddition de comptes. Mais si certains soupirent à entendre ces mots, pour les femmes battues, celles qui les défendent et leurs allié-es, c’est un principe essentiel dans le mouvement pour la liberté.

La reddition de comptes, en ce qui concerne le travail contre les violences conjugales, est un terme souvent mal compris. Traditionnellement, la reddition de comptes renvoie au fait que des gens avec moins de pouvoir et d’autorité doivent répondre de leurs agissement à ceux qui ont plus de pouvoir et d’autorité. Nous voyons ceci sur le lieu de travail. Les salarié-es doivent rendre des comptes à leurs employeurs.

Mais dans les mouvements pour la justice sociale et la liberté, la signification et la pratique de la reddition de comptes sont tout à fait différentes. En fait, c’est un retournement de la signification traditionnelle et s’interprète dans le contexte d’une théorie politique de l’oppression. Lire la suite