Julie Bindel : « Les conjoints violents et auteurs d’abus sexuels peuvent-ils être « traités » avec succès ? »

Si ce n’est pas le cas, pourquoi ? Après tout, les féministes, dont je fais partie, affirment que la violence masculine n’est ni naturelle ni inhérente. Mais poursuivez votre lecture…

Le mois dernier, il a été annoncé que le ministre de l’Intérieur allait allouer 53 millions de livres sterling au cours des quatre prochaines années pour développer des programmes destinés aux auteurs de violences conjugales (PIVC). Ces programmes visent à modifier le comportement des hommes qui maltraitent leur partenaire afin de réduire le risque de nouvelles violences. Pour replacer cette mesure dans son contexte réel, l’organisation Women’s Aid a récemment annoncé la fermeture de son service de soutien en ligne aux femmes en raison d’un manque de financement, et trois centres britanniques d’aide aux victimes de viol ont fermé leurs portes au cours de l’année dernière.

La baronne Newlove, commissaire aux victimes pour l’Angleterre et le Pays de Galles, a salué cette nouvelle de ce financement de PIVC, la présentant comme un exemple clair de la priorité accordée par le gouvernement à la lutte contre la violence conjugale dans sa prochaine stratégie contre les violences envers les femmes et les filles.

Cependant, en tant que militante contre la violence masculine depuis plus de 40 ans, je pense que cette décision est vouée à l’échec.

Le bénéficiaire de cette aide de plusieurs millions de livres sterling est le partenariat DRIVE, créé en 2015 et composé d’organisations spécialisées dans la sensibilisation des auteurs de violences conjugales.

Ces programmes destinés aux auteurs de violences ont été importés des États-Unis par des défenseurs bien intentionnés, qui soutiennent que puisque de nombreux agresseurs ne sont même pas signalés à la police, et encore moins traduits en justice, ces initiatives pourraient contribuer à rendre redevables un plus grand nombre d’hommes violents et à assurer la sécurité d’un plus grand nombre de femmes grâce à la réhabilitation de ces hommes.

Malheureusement, il n’existe pratiquement aucune preuve crédible que ces cours changent réellement les hommes (sauf peut-être à court terme, jusqu’à ce que leurs femmes et leurs partenaires acceptent le mantra « je vais changer » et acceptent de les reprendre à charge).

Ciara Bergman, PDG de Rape Crisis England & Wales, a exprimé de sérieuses préoccupations quant au manque de soutien aux victimes de cette violence masculine. Elle souligne que de nombreuses femmes sont bercées par un faux sentiment de sécurité lorsque les hommes utilisent de nouvelles tactiques qui leur sont involontairement fournies par des animateurs naïfs. Ils apprennent les « bonnes choses » à dire pour convaincre leurs victimes qu’ils ne représentent plus une menace. (NDLR : Lire à ce sujet « Pourquoi fait-il ça? » de Lundy Bancroft, aux Éditions LIBRE ».)

Une évaluation du programme DRIVE publiée au début de l’année a montré que la réduction des abus sexuels était plus importante dans le groupe témoin d’hommes n’ayant pas suivi ce cours que dans celui des hommes ayant reçu cette formation. Songez-y : ceux qui suivent ce cours sont plus susceptibles de maltraiter les femmes que ceux qui ne l’ont pas reçu. De plus, le programme DRIVE n’a aucune expertise dans le travail avec les hommes qui commettent spécifiquement des actes de violence sexuelle.

Une étude menée par des universitaires féministes et publiée il y a dix ans a révélé que 90 % des répondants à une enquête trouvaient, avant de suivre de tels cours, des excuses à leur violence et tentaient de justifier leur comportement abusif. Après le cours, cette tendance n’avait pratiquement pas diminué : près des trois quarts des répondants continuaient à se trouver des excuses. Plus de la moitié de leurs conjointes ont déclaré craindre encore leur agresseur après que celui-ci a suivi le cours. Cette étude a également révélé qu’après leur participation, la plupart des hommes continuaient à contrôler les finances du ménage et à surveiller le comportement des femmes, leur propre comportement n’ayant changé que « de façon marginale ».

Les responsables des programmes destinés aux auteurs de violences au Royaume-Uni ont initialement insisté sur la nécessité d’offrir un soutien aux victimes de ces hommes pendant toute la durée du programme suivi par les agresseurs. Mais avec 53 millions de livres sterling allouées aux hommes et rien du tout pour leurs victimes, ce principe est clairement passé à la trappe. Il n’est donc pas étonnant que de nombreuses victimes et survivantes de violences conjugales aient refusé d’approuver ce qu’elles considéraient comme un « passe-droit », une carte « Sortez de prison sans frais », offerte sous la forme de ces « programmes de traitement ».

Les partisans de l’approche PIVC affirment qu’elle ne remplace pas le bras long de la loi. Mais les faits et les chiffres parlent d’eux-mêmes. Les recherches montrent clairement que les poursuites pour ce type d’infractions sont à leur plus bas niveau historique, alors même que le nombre d’hommes se voyant proposer une place dans un PIVC a considérablement augmenté.

Après avoir discuté avec des victimes, des agents de probation et des responsables de PIVC, je suis convaincue que la plupart du temps, ces programmes n’ont que peu d’effet, si ce n’est d’aider les hommes violents à éviter l’incarcération.

Mais certains groupes de femmes tels que Sisters Uncut, qui se disent féministes mais qui sont tout sauf cela, s’en tiennent à une politique abolitionniste de toute peine de prison, arguant que personne, aussi dangereux soit-il, ne devrait jamais y être envoyé, sous prétexte que la prison est un « instrument de l’État ». Personnellement, je viderais les prisons pour hommes et pour femmes de pratiquement quiconque ne représente pas un danger pour les autres êtres humains ou les animaux, mais que proposent ces femmes de faire des hommes qui violent et tuent des femmes ? Les inscrire à un « cercle de confiance » et leur demander de parler de leur souffrance ?

Une manifestation de Sisters Uncut, à Londres

L’argent et les efforts dépensés pour essayer de faire changer les hommes qui sont déjà extrêmement violents envers les femmes sont tout simplement gaspillés. Ce dont ils ont besoin, c’est d’un impact bref et convaincant, soit d’être retirés du foyer, arrêtés et inculpés, afin qu’il existe une trace du danger qu’ils constituent pour les autres femmes.

Ces hommes tiennent des propos lénifiants, convainquant les thérapeutes et/ou les formateurs qu’ils ont « vu la lumière » et qu’ils se comporteront désormais en « bons garçons ». Les femmes veulent y croire, mais comme ces hommes ne sont ni emmenés par la police ni effrayés par l’idée d’être enfermés pendant quelques semaines, leur violence recommence rapidement.

Les programmes destinés aux auteurs de violences conjugales peuvent peut-être fonctionner pour une poignée d’hommes, mais dans l’ensemble, ils échouent. La violence sexuelle est endémique dans le comportement et les attitudes des hommes, et si nous continuons à prétendre que nous pouvons mettre fin à la violence masculine de cette manière, nous trahissons les femmes et les jeunes filles. Non pas parce que les hommes sont « naturellement » violents envers les femmes, mais parce qu’une fois qu’ils ont intériorisé les messages toxiques auxquels ils sont exposés dès leur plus jeune âge (avec, aujourd’hui, l’outil de propagande misogyne supplémentaire que constitue la pornographie à la demande sur leurs téléphones), leur comportement devient trop ancré. Il faut les dissuader, ce qui signifie que des sanctions concrètes doivent leur être appliquées.

Je me demande comment les auteurs de « grooming gangs » (NDLR : des réseaux proxénètes qui ont dévasté les quartiers pauvres du Nord de l’Angleterre) s’en tireraient, assis en cercle avec d’autres proxénètes et violeurs, après avoir torturé et violé des jeunes filles ? Qu’en est-il des proxénètes qui contrôlent les femmes dans les bordels, les menaçant de leur verser de l’eau bouillante dans la gorge si elles refusent un « client » ? La thérapie de groupe serait-elle également appropriée pour eux ?

Lorsque des hommes récidivent après avoir suivi un programme PIVC, les tribunaux pénaux et les tribunaux familiaux considèrent souvent leur bonne conduite pendant la durée du cours comme une circonstance atténuante. Est-il vraiment prudent pour les juges de croire ces hommes sur parole parce qu’ils peuvent cocher la case indiquant qu’ils ont « suivi avec succès » un tel cours ? Les animateurs sont souvent eux-mêmes des hommes, qui ne sont pas nécessairement réticents à minimiser et à excuser le comportement d’autres hommes.

Ces agresseurs ne sont pas vraiment confrontés à des conséquences de leur violence du fait d’être simplement obligés de s’asseoir dans une salle avec du café, des biscuits et les encouragements enthousiastes d’animateurs pour réciter des phrases telles que « Je suis conscient que mon comportement est inacceptable » et « Je travaille très dur pour contrôler mon tempérament à l’avenir » (deux citations directes d’hommes participant à un programme PIVC auquel j’ai assisté en tant qu’observatrice il y a 18 mois). Après tout, c’est plus commode pour eux que le tribunal et le risque d’être envoyé en prison.

Comment réagirait le grand public si notre gouvernement suggérait que nos impôts servent à financer des séances de rééducation pour les agresseurs de rue, les pillards et les cambrioleurs, plutôt que de les arrêter et de les envoyer en Cour?

Les cours visant à rééduquer les hommes pourraient facilement être dispensés en prison, et uniquement en prison. Vous frappez une femme, vous purgez votre peine. Point final.

Il est difficile d’obtenir des statistiques sur le succès ou l’échec de ces PIVC. Les organisateurs des cours présentent les résultats de manière à mettre l’accent sur le nombre d’hommes qui déclarent ne pas vouloir récidiver et le nombre de femmes qui se disent soulagées que ces cours existent. La réalité est que si la plupart des hommes arrêtés pour violence conjugale et maltraitance se voient proposer ces cours et y participent, le nombre d’incidents, lui, ne diminue pas. Et le nombre de femmes tuées par un partenaire ou un ex demeure inchangé.

La stratégie du gouvernement visant à réduire de moitié la violence à l’égard des femmes et des filles en dix ans se voit ainsi réduite à une plaisanterie — mais les victimes ne rient pas.

Julie Bindel

Traduction : Tradfem