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« Ce que l’amitié de Noam Chomsky avec Jeffrey Epstein révèle sur la politique progressiste » par Kavita Krishnan

[article repiqué depuis le Blog Entre les lignes entre les mots. Merci Didier. Il concerne les liens de Chomsky, auteur entre autres de La fabrique du consentement, avec J. Epstein.]

L’icône de la gauche a fermé les yeux sur les violences sexuelles, tout comme les progressistes littéraires et culturels indiens ont embrassé un homme dont la condamnation pour viol a été annulée

« J’ai rencontré toutes sortes de gens, y compris des criminels de guerre majeurs. Je ne regrette pas d’avoir rencontré l’un d’entre eux. » Telle fut la réponse belliqueuse de l’intellectuel Noam Chomsky en 2023 à la question d’un journal sur ses liens avec Jeffrey Epstein [1]. Plus récemment, les courriels d’Epstein révèlent une amitié étroite avec Chomsky et son épouse [2].

Un témoignage (non daté mais rédigé en 2017 ou après) écrit par Chomsky pour Epstein présente un intérêt particulier. Il y décrit leur amitié de six ans comme une expérience « précieuse » et « enrichissante », grâce à l’étendue intellectuelle et aux idées d’Epstein, et affirme que « Jeffrey a pu organiser à plusieurs reprises, parfois sur-le-champ, des rencontres très productives avec des personnalités de premier plan dans les sciences et les mathématiques, ainsi que dans la politique mondiale, des gens dont j’avais étudié les travaux et les activités mais que je n’avais jamais espéré rencontrer. »

Dans la tristement célèbre interview de la BBC Newsnight, on a demandé à Andrew Mountbatten Windsor [3] si, rétrospectivement, sachant qu’Epstein était un pédophile et un prédateur sexuel, il ressentait une quelconque « culpabilité, regret ou honte » concernant son amitié avec Epstein. Non, répondit-il, « la raison étant que les personnes que j’ai rencontrées et les opportunités qui m’ont été données d’apprendre soit par lui soit grâce à lui étaient en fait très utiles… (cela) a eu des résultats sérieusement bénéfiques dans des domaines qui n’ont rien à voir avec (ses crimes). »

Chomsky et Andrew disent tous deux qu’ils ne regrettent pas d’avoir été amis avec Epstein parce que grâce à lui, ils ont pu rencontrer des personnes utiles et importantes.

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aujourd’hui, une date importante

[Alors qu'aujourd'hui Christine Delphy fête ses 84 ans, je rappelle les ouvrages qu'elle a écrits et qui sont à découvrir ou redécouvrir: une source d'inspiration indéfectible. Vous trouverez davantage d’infos sur les titres en cliquant sur chaque image. Ces livres sont pour moi des boussoles incontournables. La revue Nouvelles Questions Féministes qu’elle a fondée et animée pendant plusieurs décennies regorge aussi de pépites pour comprendre et analyser les rapports sociaux de sexe.]

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Communiqué d’Osez le féminisme « Contre les violences masculines :

Agir enfin sur le continuum des violences sexistes et sexuelles, lutter contre l’impunité, financer la protection« 

À l’occasion de la journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes, Osez le Féminisme rappelle l’urgence d’agir sur l’ensemble du continuum des violences sexistes et sexuelles et alerte sur la gravité du contexte budgétaire qui fragilise les associations de terrain.

Un continuum de violences fondé sur la domination masculine

Les violences sexistes et sexuelles traversent toutes les sphères de la société et tous les âges de la vie. Elles forment un continuum qui inclut notamment le harcèlement, les agressions, les viols, les violences au sein du couple, la prostitution et l’exploitation sexuelle, l’inceste, la pédocriminalité et l’ensemble des cyberviolences sexistes et sexuelles.

« Ce que l’on appelle violences sexistes et sexuelles n’est pas une série d’incidents isolés, mais l’expression systémique de la domination masculine », rappelle Aliénor Laurent, porte-parole d’Osez le Féminisme.

Certaines femmes sont encore plus exposées en raison de discriminations multiples, notamment lorsqu’elles sont racisées, en situation de handicap, migrantes ou étrangères, jeunes ou âgées, lesbiennes ou bisexuelles, ou lorsqu’elles élèvent seules leurs enfants. La précarité accentue les risques de violences et limite les possibilités de se protéger. Les attaques répétées contre les droits sociaux impactent d’abord les femmes, qu’il s’agisse du logement, des minimas sociaux ou des services publics. L’inceste et la pédocriminalité restent massivement sous-déclarés et sous-poursuivis. Ces violences s’ancrent dans les mêmes mécanismes que les violences faites aux femmes : domination masculine, rapports d’emprise, silence imposé aux victimes, impunité institutionnelle. Elles touchent majoritairement des filles et conditionnent durablement leur vulnérabilité future face aux violences sexistes et sexuelles. Les violences subies dans l’enfance s’articulent ainsi directement avec celles subies à l’âge adulte, révélant la nécessité d’une action cohérente et coordonnée.

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Mobilisations du 25 novembre

[repiqué sur le blog Entre les lignes entre les mots]

Pour la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes du 25 novembre, nous manifesterons en solidarité, comme nous l’avons déjà fait le 11 octobre, avec et pour les femmes du monde entier : celles qui sont victimes des violences machistes, des conflits armés, des famines, des spoliations de terres et de leurs biens naturels, des gouvernements réactionnaires et des états théocratiques. Avec toutes celles qui ne peuvent pas parler, dont les voix sont étouffées, qui subissent des violences sexuelles, des tortures et des mutilations.

Le 25 novembre nous marcherons pour rendre hommage à toutes les victimes de la violence machiste, les femmes, les filles, les personnes LGBTQIA+, à toutes celles qui souffrent et qui luttent, en dépit des risques encourus. A toutes celles que nous avons perdues.

Les violences et l’impunité des agresseurs persistent 8 ans après l’élection d’Emmanuel Macron, en plein #MeToo. La plupart du temps, encore, les victimes ne sont pas crues, les plaintes classées sans suite. Le parcours judiciaire revictimise bien souvent les femmes et constitue un obstacle à la sortie de la violence comme la baisse du financement public des associations d’accompagnement des victimes.

Les violences sexistes et sexuelles surviennent partout, et tout le temps : dans nos espaces familiaux, sur nos lieux de travail et d’études, dans l’espace public, dans les transports, dans les établissements de soin, les cabinets gynécologiques, dans les maternités, dans les ateliers des chaînes d’approvisionnement des multinationales, les commissariats, les centres de rétention, dans les milieux du théâtre, du cinéma, du sport, en politique… Dans tous les milieux sociaux.

Elles trouvent racine dans le patriarcat et se situent au croisement de plusieurs systèmes d’oppressions.

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« Pas tous les hommes quand même ! »

[Je repique cette courte chronique publiée dans le journal Bifisud n°57 du syndicat Sud au CHU de rennes]

« Pas tous les hommes quand même ! », c’est le titre d’un petit livre féministe au ton vif, colérique et plein d’humour, de Giulia Foïs, une journaliste. (2025, éditions La Meute, 11.5€.)

L’autrice revient dans son essai sur cette phrase répétée, ad nauseam, dés qu’un témoignage de violence sexiste et sexuelle voit le jour : « Pas tous les hommes quand même ! »

L’autrice montre en quoi cette phrase est une résistance aux dénonciations et analyses féministes. Elle fait en effet taire les victimes en détournant le sujet, elle minimise les violences masculines d’une société patriarcale, et cherche à nier le caractère systémique de celles-ci. Elle permet aussi aux hommes d’éviter un examen de conscience qui serait pourtant fort utile.  « Celui qui dit #NotAllMen souligne, en creux, que lui n’a pas violé. Estimant sans doute qu’il mérite des lauriers. Oubliant que c’est le minimum qu’on puisse lui demander. (…) Cesser de dire #NotAllMen, c’est trouver la force de s’interroger : dans ce système que je dis conchier, quel a été mon rôle ? » Et lequel est-il aujourd’hui ?

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Pourquoi nous soutenons le projet de loi « Inachetable » d’Ash Regan au Parlement écossais

[Repris sur le blog Entre les lignes entre les mots : https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/11/01/pourquoi-nous-soutenons-le-projet-de-loi-inachetable-dash-regan-au-parlement-ecossais/ Merci]

Ash Regan, membre du Parlement écossais (MSP), a présenté au Parlement écossais le projet de loi sur la prostitution (infractions et aide) (Écosse), communément appelé « projet de loi anti-prostitution ». S’il est adopté, ce projet de loi introduira en Écosse l’approche du modèle nordique en matière de politique et de législation sur la prostitution.

Nous soutenons très fortement ce projet de loi et espérons de tout cœur qu’il sera adopté. Nous avons donc été ravies d’être invitées à témoigner devant la commission de la justice pénale du Parlement écossais le 8 octobre 2025, lors de l’examen du projet de loi.

Amanda Quick, l’une des survivantes de la prostitution du groupe Nordic Model Now !, a accepté de s’y rendre. Bien qu’elle se soit déjà exprimée via Zoom lors de plusieurs événements organisés en Écosse par d’autres organisations, c’était la première fois qu’elle s’exprimait aussi publiquement (la session était diffusée en direct) sur cette question profondément personnelle. Mais nous étions convaincues que si quelqu’une pouvait faire comprendre la réalité brute et sans fard aux membres de la commission, c’était bien elle. Et c’est exactement ce qu’elle a fait. Et même plus.

Dans ce cadre formel du Parlement écossais, lors d’une session présidée par une femme qui rappelait sans cesse à tous et toutes les participantes qu’elles et ils devaient discuter du projet de loi et non d’autres questions, aussi pertinentes soient-elles, Amanda a résolument ramené tout le monde à la réalité chaotique : les droits et la cruauté des clients masculins, la violence, la misère et l’érosion de son estime de soi jusqu’à ce qu’il lui devienne impossible d’envisager toute autre existence. Cela a nécessité un courage et une force extraordinaires, qui nous inspirent le plus grand respect.

À ses côtés, deux autres femmes brillantes participaient au panel : Diane Martin CBE, présidente du groupe de campagne A Model For Scotland et elle-même survivante de la prostitution, et Bronagh Andrew, directrice des opérations de Tara and Routes Out Services à Glasgow. Toutes deux éloquentes et très compétentes, elles ont également apporté à la session une expertise indispensable.

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Préface d’un nouvel essai sur la mouvance masculiniste

Voici la présentation par la journaliste LÉA CARRIER d'un essai de la Norvégienne Annvor Seim Vesthreim qui doit paraître fin octobre au Québec, aux Éditions du remue-ménage: "LES INCELS. DU CLIC À L'ATTENTAT"

À l’automne 2023, j’ai été invitée à donner une conférence sur le journalisme dans une école secondaire de la banlieue de Montréal. Il faisait froid, ce jour-là, et le contraste en entrant dans la classe m’avait saisie d’un coup. Vers la fin de la présentation, on aurait dit un four. Assis au premier rang, trois garçons ricanaient depuis une dizaine de minutes, achevant le peu de concentration qui restait au groupe. Penchés sur leur tablette électronique, ils avaient tapé mon nom dans Google et, de toute évidence, ce qu’ils avaient trouvé les amusait beaucoup, à moins que ce ne fût que je parus brièvement déstabilisée par leur insolence. Je n’en ai pas pensé plus que cela. « Boys will be boys », dit-on. Les garçons seront des garçons.

Après la présentation, une élève m’a approchée. C’était une jeune fille à l’allure discrète, qui parlait d’une voix délicate. « Connaissez-vous Andrew Tate ? », m’a-t-elle demandé. En effet, ce nom m’était familier. Un an plus tôt, je m’étais penchée sur la montée en popularité des influenceurs  masculinistes sur les réseaux sociaux. Promouvant un retour aux valeurs traditionnelles, ces influenceurs déplorent une crise de la masculinité supposément causée par le féminisme et, pour affirmer leur autorité, prodiguent des conseils à un jeune public impressionnable : voici ce qu’est un vrai homme et comment le devenir en cinq étapes faciles. Andrew Tate, kickboxeur angloaméricain recyclé en hommes d’affaires et misogyne autoproclamé, est certainement le plus connu – et le plus controversé – d’entre eux (accusé de 21 chefs d’accusation au Royaume-Uni, dont viol et traite humaine, il a depuis été banni des réseaux sociaux). Lorsque j’ai commencé à m’intéresser au phénomène, il n’était pas clair si les influenceurs masculinistes, états-uniens pour la plupart, trouvaient un public au Québec. Mais c’était le cas. La jeune fille devant moi voulait m’en alerter. Dans les derniers mois, son petit frère s’était mis à suivre Andrew Tate religieusement. Il tenait des propos de plus en plus extrêmes sur les femmes, minimisant les accusations portées contre le célèbre influenceur. À l’école, les garçons parlaient de lui comme de leur idole, défendant ses positions les plus rétrogrades, parfois même en classe. J’ai repensé aux trois garçons qui dérangeaient pendant la présentation : faisaient-ils partie de ses admirateurs ? Quoi qu’il en soit, le témoignage de cette adolescente m’a replongée dans l’univers des influenceurs masculinistes. Seulement, cette fois, je pouvais faire la démonstration que leur discours trouvait écho chez de jeunes Québécois.

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Rachel Silvera : Le plan Bayrou ou l’austérité contre les femmes

(article publié dans Alternatives économiques)

On le sait, le plan de désendettement présenté par le Premier ministre François Bayrou le 15 juillet 2025 et sur lequel il a engagé la survie de son gouvernement prévoit 43,8 milliards d’euros d’économie. Il comporte des mesures d’austérité qui affecteront de manière disproportionnée les personnes les plus précaires et notamment les femmes.

Ce plan est vivement critiqué par la gauche et les syndicats. Diverses associations féministes comme Osez le féminisme ou des parlementaires comme la sénatrice socialiste Laurence Rossignol ont également dénoncé cet été les effets sexués de ces annonces.

Le vote de confiance à l’Assemblée nationale auquel le Premier ministre a décidé de se soumettre, le 8 septembre 2025, risque fort de conduire au renversement du gouvernement. Ce qui nous permettrait d’échapper, espérons-le, à ces mesures qui s’inscrivent dans un plan structurel accentuant les inégalités, notamment entre les femmes et les hommes.

Les femmes en première ligne

Les propositions du plan Bayrou peuvent avoir des impacts très négatifs sur les catégories de salarié·es les plus précaires : suppression de jours fériés, gel des prestations sociales (RSA, AAH, APL), réduction des droits à l’assurance chômage, coupes dans les dépenses de santé ou encore non-remplacement des fonctionnaires partant à la retraite.

Les femmes sont en effet surreprésentées parmi les allocataires des minima sociaux, les mères isolées, les retraitées à faible pension, elles aussi plus nombreuses, les personnes en affection longue durée et les usagères des services publics, puisqu’elles en sont les premières utilisatrices. Rappelons que les femmes représentent 56 % des allocataires du minimum vieillesse. Elles sont également 54 % parmi les personnes au RSA et, selon le Centre d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF), « elles représentent même 96 % des allocataires du RSA majoré, accordé temporairement aux parents qui assument seuls la charge d’au moins un enfant né ou à naître ».

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La France à nouveau condamnée par la Cour Européenne des droits de l’homme (CEDH) dans une affaire de viol sous couvert de BDSM

Ce jeudi 4 septembre, la France est à nouveau condamnée par la CEDH, cette fois dans une affaire de viols et de violences sadiques. Dans cet arrêt, la CEDH prend acte que la notion de consentement est déjà au cœur de la définition du viol en France et ce en raison de la jurisprudence. En revanche, elle considère que l’interprétation qui est faite du consentement par les juridictions nationales est une violation de l’article 3 de la Convention Européenne des droits de l’homme. La CEDH sanctionne donc la pratique jurisprudentielle française et vient préciser que dorénavant, il faudra, systématiquement et nécessairement, apprécier le consentement donné à l’aune de l’environnement coercitif dans lequel le consentement a pu être extorqué. Notamment, un “contrat” BDSM ne sera plus considéré comme un consentement réel mais comme un instrument de coercition.

Dans cette affaire, les violences sadiques ont été commises dans un contexte professionnel, la victime et l’agresseur travaillant dans le même hôpital, elle avec un contrat précaire, lui avec un poste à responsabilité. Conformément à la stratégie classique des agresseurs, ce dernier avait, aux fins de garantir son impunité, installé une situation de contrôle coercitif et fait signer un “contrat maître-chienne” à sa victime aux termes duquel elle “consentait” à des actes d’humiliation et de violences. En raison de ce “contrat”, les institutions judiciaires françaises ont estimé qu’il n’y avait pas eu de viols. Après avoir épuisé les voies de recours internes, la victime s’est tournée vers la CEDH.

L’AVFT, qui a accompagné et soutenu la victime depuis le début de la procédure était co-requérante, et Osez le Féminisme a présenté un mémoire en tierce intervention en soutien de la requérante pour déconstruire les mythes patriarcaux du BDSM invoqués par les auteurs de violences sexuelles au service de leur stratégie d’impunité.

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Julie Bindel : « Les conjoints violents et auteurs d’abus sexuels peuvent-ils être « traités » avec succès ? »

Si ce n’est pas le cas, pourquoi ? Après tout, les féministes, dont je fais partie, affirment que la violence masculine n’est ni naturelle ni inhérente. Mais poursuivez votre lecture…

Le mois dernier, il a été annoncé que le ministre de l’Intérieur allait allouer 53 millions de livres sterling au cours des quatre prochaines années pour développer des programmes destinés aux auteurs de violences conjugales (PIVC). Ces programmes visent à modifier le comportement des hommes qui maltraitent leur partenaire afin de réduire le risque de nouvelles violences. Pour replacer cette mesure dans son contexte réel, l’organisation Women’s Aid a récemment annoncé la fermeture de son service de soutien en ligne aux femmes en raison d’un manque de financement, et trois centres britanniques d’aide aux victimes de viol ont fermé leurs portes au cours de l’année dernière.

La baronne Newlove, commissaire aux victimes pour l’Angleterre et le Pays de Galles, a salué cette nouvelle de ce financement de PIVC, la présentant comme un exemple clair de la priorité accordée par le gouvernement à la lutte contre la violence conjugale dans sa prochaine stratégie contre les violences envers les femmes et les filles.

Cependant, en tant que militante contre la violence masculine depuis plus de 40 ans, je pense que cette décision est vouée à l’échec.

Le bénéficiaire de cette aide de plusieurs millions de livres sterling est le partenariat DRIVE, créé en 2015 et composé d’organisations spécialisées dans la sensibilisation des auteurs de violences conjugales.

Ces programmes destinés aux auteurs de violences ont été importés des États-Unis par des défenseurs bien intentionnés, qui soutiennent que puisque de nombreux agresseurs ne sont même pas signalés à la police, et encore moins traduits en justice, ces initiatives pourraient contribuer à rendre redevables un plus grand nombre d’hommes violents et à assurer la sécurité d’un plus grand nombre de femmes grâce à la réhabilitation de ces hommes.

Malheureusement, il n’existe pratiquement aucune preuve crédible que ces cours changent réellement les hommes (sauf peut-être à court terme, jusqu’à ce que leurs femmes et leurs partenaires acceptent le mantra « je vais changer » et acceptent de les reprendre à charge).

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Affaire French Bukkake : Une décision historique de la Cour de cassation [Communiqué]

Nous, associations, organisations et femmes politiques, féministes, antiracistes et engagées pour la dignité humaine, nous nous félicitons de l’arrêt rendu le 16 mai 2025 par la Cour de cassation dans l’affaire dite French Bukkake. Cet arrêt vient heureusement censurer une décision de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris de février dernier qui était profondément entachée de stéréotypes sexistes et racistes, et gravement défavorable aux victimes.

En effet, aujourd’hui, la plus haute juridiction reconnaît, bien évidemment, que les nombreux viols que les parties civiles ont subis dans leur chair étaient aggravés par le sexisme et le racisme des propos qui les accompagnaient. La Cour de cassation, et c’est en cela un arrêt totalement inédit, a également fait une application stricte de la loi, conformément aux nombreuses conventions internationales et textes européens contraignants (telles que les Conventions sur la traite et les directives européennes). 

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Préfaces au livre de Carine Durrieu Diebolt : Violences sexuelles : Quand la justice maltraite, Les leçons du procès Pelicot

Carine Durrieu Diebolt : Violences sexuelles : quand la justice maltraite
Les leçons du procès Pelicot

Editions Syllepse, Paris 2025, 128 pages, 10 euros
commande ici : https://www.syllepse.net/violences-sexuelles-quand-la-justice-maltraite-_r_22_i_1128.html
  • Magali Lafourcade : Victimisation secondaire et processus judiciaire
  • Charlotte Arnould : De la justice j’attendais tout

Victimisation secondaire et processus judiciaire

Nous nous faisons souvent une très haute idée de la justice, mais s’agissant du traitement des violences sexuelles, des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour dénoncer un double écueil. D’une part, une justice qui classe massivement sans suite les plaintes et condamne peu les auteurs, au risque de nourrir un sentiment d’impunité. D’autre part, une justice qui permettrait le déploiement d’une violence, cette fois institutionnelle.

Récemment, s’est en effet imposée dans le débat public l’idée que le processus judiciaire en lui-même pourrait être porteur d’une violence pour les plaignantes et plaignants, déjà traumatisés par les violences sexuelles subies. Sous le vocable de « victimisation secondaire » c’est tout le processus judiciaire, de la conduite des investigations à la motivation des décisions, en passant par l’audience de jugement, qui se trouve interrogé.

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Pourquoi les victimes de l’affaire French Bukkake ont décidé d’aller en Cassation (reçu par Osez le féminisme)

Téléchargez le communiqué de presse

Le 11 avril, est sorti le livre Sous nos regards : Récits de la violence pornographique dans lequel 15 autrices recueillent les témoignages de 16 plaignantes des affaires dites « French Bukkake » et « Jacquie et Michel ». Elles y dénoncent les sévices extrêmes endurés : viols collectifs, actes de torture et de barbarie, humiliations racistes et sexistes, manipulation, séquestration, et diffusion publique de leurs viols. Longtemps réduites au silence, elles s’imposent désormais dans l’espace public au prix d’un courage inouï.

Pourtant, face à l’institution judiciaire, leur parole continue d’être niée : quatre ans après les premières mises en examen, la chambre de l’instruction a ordonné le renvoi de 16 pornocriminels pour viols aggravés, proxénétisme et traite des êtres humains tout en refusant la qualification d’actes de torture et de barbarie et les circonstances aggravantes de sexisme et de racismeEn outre, elle a interprété de manière bien trop restrictive l’infraction de proxénétisme. Les motivations de la chambre de l’instruction sont scandaleusement biaisées par la culture du viol et par la misogynie, ce qui est frontalement contraire aux droits garantis par la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH).

L’enquête révèle :

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« L’affaire French Bukkake » 

La pornographie est banalisée depuis des années. La pornographie, vous savez, ce ne serait que des images, des représentations de la sexualité, ou une façon de découvrir le sexe ; pour les hommes et pour les femmes.

Alors, le livre Sous nos regards – récits de la violence pornographique tombe à point nommé. Il est une pièce à charge dans ce qu’on appelle désormais « l’affaire French Bukkake » ; impliquant entre autres Julien Dhaussy, Pascal Ollitrault, dit Pascal OP, ainsi que le site Jacquie et Michel (Piron).

« Il y avait quelqu’un dans ce corps, après tout », tel est l’épigraphe de Toni Morisson qui ouvre le livre.

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Stéphanie Lamy : la terreur masculiniste

Interviewée par Sandrine Goldschmidt

Stéphanie Lamy est chercheuse spécialiste des guerres de l’information et militante féministe. Avec La terreur masculiniste, parue aux Éditions du détour, elle s’attaque aux réseaux d’hommes qui prônent la violence contre les femmes. Passionnant.

Stéphanie Lamy, pourquoi ce titre, « La terreur masculiniste » ?

C’est une réponse à la couverture de Valeurs actuelles qui avait titré «la terreur féministe» en 2019. L’idée est de proposer un miroir reformant, pour rappeler que la vraie terreur vient des masculinistes, ces hommes qui inventent ou réinventent mille façons de haïr les femmes et de justifier la violence à leur égard.

Comment définissez-vous le terrorisme masculiniste ?

Alors que d’autres ont déjà très bien parlé des mouvements masculinistes, j’ai voulu observer, analyser et mettre les mots justes dessus. En tant que militante, j’ai souvent lancé un « t’es un mascu » mais je ne le fais plus, parce que ce n’est pas la même chose que la misogynie. La misogynie, c’est la haine des femmes à titre individuel.
L’idéologie masculiniste, c’est la collectivisation de cette haine.

Pourquoi ce titre ?

La terreur masculiniste est donc un ensemble d’offres idéologiques « identitaires masculines » construites au sein de milieux de radicalisation en ligne ou dans la vraie vie, qui font l’apologie ou prônent la violence à l’égard des femmes et des minorités sexuelles. Avec pour objectif de maintenir ou renforcer la domination masculine.

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Enseignements féministes de la guerre

Alors que la guerre ne cesse de faire rage dans différentes régions du monde et que les menaces d’extension des conflits se précisent, je me permets de donner un coup de pub pour un livre publié récemment par les éditions Solanhets.

Traduit par Béatrice Solanet et Joseph Cuétous
ISBN : 979-10-94791-32-5 (broché)
Prix : 20 € (broché)

C’est le 3ème ouvrage de Cynthia Enloe publié par ces mêmes éditions.

Extrait :

Les enseignements féministes concernent tout le monde
Un enseignement utile est toujours en mouvement. Il n’est pas statique. Il n’est pas juste fait pour être répété par cœur. Un enseignement féministe, avant tout, c’est comme une allumette pour enflammer un embrasement de pensée.
Les enseignements féministes présentés ici sont douze… et les suivants. Chacun de ces douze enseignements est apparu après des années de réflexions, de recherches, d’interrogations, de comparaisons, de décomptes, de discussions, de récits et d’échanges – et de nouvelles réflexions. Les assimiler, puis agir à partir de chacun de ces enseignements féministes, confère une fiabilité supérieure à nos connaissances de la guerre, ce qui nous confère, en retour, une plus grande valeur en tant que membres de la cité – de nos propres pays, et du monde entier.
Le féminisme n’est pas un club. C’est un réseau poreux, et en expansion permanente, de femmes et d’hommes qui réfléchissent sérieusement sur la vie complexe des femmes, sur les relations des femmes avec les hommes, avec les États et entre elles. Le féminisme consiste à interroger, à partager, à explorer les mécanismes de l’inégalité et de l’injustice. Tout le monde peut participer à ce questionnement engagé – un questionnement sur les blessures, un questionnement sur l’expertise, un questionnement sur la « chair à canon », un questionnement sur la sécurité, un questionnement sur l’esclavage sexuel, un questionnement sur la reconstruction, un questionnement sur le « brouillard de guerre ».
Une mise en garde : il faut de la ténacité dans ses interrogations pour devenir et rester féministe. C’est ce que nous ont montré toutes les femmes militantes présentées dans ce livre. Le patriarcat – et les personnes tirant profit du privilège qu’elles octroient à certains types de masculinités – a besoin que nous manquions de ténacité, que nous nous épuisions à la tâche. Le patriarcat compte sur le fait que nous nous retirions dans un individualisme superficiel, un fondamentalisme insensé ou un cynisme pseudo-sophistiqué.

Témoignage de Chuck Derry, ex-conseiller pour conjoints agresseurs

En 1983, j’ai entamé un emploi auprès d’une organisation féministe du Minnesota (États-Unis) qui collaborait avec le système de justice pénale et civile pour créer des politiques et des protocoles écrits et signés afin de tenir responsables de leurs actions les conjoints agresseurs (ceux maltraitent leurs femmes et/ou leurs copines). Dans le cadre de ce projet, cette organisation a créé un programme d’intervention auprès des agresseurs de 24 semaines dans lequel la majorité des hommes ont été mandatés par les tribunaux pour participer à un groupe de responsabilisation à raison d’une séance par semaine, pendant 24 semaines. Lorsque nous avons créé ces groupes, nous pensions que les hommes exerçaient ces violences intimes parce qu’ils avaient des problèmes de « gestion de la colère » ou qu’ils avaient simplement « perdu le contrôle d’eux-mêmes ».

Ensuite, ce groupe, le Domestic Abuse Intervention Program de Duluth, au Minnesota, a organisé un groupe de discussion avec des femmes victimes de violence et a créé le schéma de Roue du pouvoir et du contrôle (ci-dessous), que plusieurs d’entre vous connaissez probablement. Lorsque j’ai vu ce schéma pour la première fois, j’ai réalisé que cette violence et ces comportements d’agression reflétaient en fait des choix conscients et délibérés, qui visaient des buts concrets.

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« A Mazan, Dominique Pélicot organise les viols de sa femme, ailleurs, un mari organise la prostitution de sa femme… est-ce différent ? » par Geneviève Duché

Merci Gisèle Pélicot ! merci de votre courage, merci d’avoir tenu, voulu, témoigné, d’avoir rappelé qu’une victime de violences sexistes et sexuelles, contrairement à ce que ce mot victime traîne à tort de représentations de passivité, de mièvrerie, même de la part de certaines féministes – est aussi une femme debout, forte, solidaire et déterminée à mettre en lumière la violence masculine et d’un système de domination, réclamant justice pour elle et pour toutes les femmes. Nous vous avons apporté des fleurs, applaudie pour dire notre sororité et le partage de votre douleur et de celle de votre famille. Grâce à vous, la justice française a été (jusqu’à aujourd’hui et enfin !) à la hauteur de l’enjeu de ce procès avec les moyens du droit et de la loi que nous avons et que nous devons pour grande partie à une autre Gisèle depuis le procès d’Aix en Provence en 1978. Mais attendons les verdicts. Grâce à votre courage et à celui de vos enfants, pendant trois mois il a été clair pour toutes et tous que l’intime est politique. Mais nous savons aussi que votre souffrance et celle de votre famille, que les effets destructeurs sur votre santé ne s’arrêtent pas à ce moment terrible et public qui a révélé l’impensable et qui laisse encore des zones d’ombre, comme l’inceste, avec lesquelles votre fille en particulier devra se battre.

A nous, les féministes en lutte contre les violences sexuelles et sexistes, en lutte contre le patriarcat, de poursuivre, de ne jamais laisser retomber notre mobilisation, de ne jamais laisser oublier ce que vous avez permis, à savoir :

De mettre en lumière une violence masculine intentionnelle, préméditée, organisée, destructrice, transformant une femme en corps inerte pour la jouissance d’une centaine d’hommes pendant des années.

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(Communiqué de presse) Crimes de l’industrie pornographique : les faits doivent être jugés dans leur intégralité

Le 17 octobre, la cour d’appel de Paris rendra une décision importante dans l’affaire dite “French Bukkake”. Les dizaines de victimes des crimes de l’industrie pornographique devront-elles se contenter d’une justice au rabais ?

Quatre ans. Cela fait plus de quatre ans que les 42 victimes qui se sont portées parties civiles dans l’affaire dite « French Bukkake » attendent le procès des hommes qui les ont exploitées sexuellement. Dans cette affaire dévoilant les rouages criminels de l’industrie pornographique française, 17 hommes ont été mis en examen pour viols en réunion, traite d’êtres humains en bande organisée et proxénétisme aggravé.

Les violences que ces femmes ont subies sont insoutenables. Manipulées et prises au piège par un rabatteur, elles ont été violées à de multiples reprises. Le dossier d’instruction contient des centaines d’heures d’images de violences sexuelles extrêmes.

L’une des victimes associe les multiples viols qu’elle a subis à de la torture : « J’ai été violée 240 fois, ce n’est pas de la torture ça ? Quatre-vingt-huit fois sur le bukkake, quarante-quatre fois en une heure. Je sais que j’ai été violée, ce n’est pas ça le sujet, le sujet c’est la torture. Aucun humain n’est capable d’absorber quarante-quatre pénétrations en une heure », témoigne l’une des victimes. 

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Soutenir l’Université des Femmes de Bruxelles

Depuis de nombreuses années, l’Université des Femmes de Bruxelles est un lieu ressource indispensable pour les militantes/chercheuses en Belgique mais aussi pour la France.

Plongée dans des difficultés financières depuis pas mal de mois, au bord d’un arrêt complet, l’université résiste malgré tout et continue d’alimenter les réflexions féministes.

Pour soutenir, vous pouvez vous rendre sur cette page : https://www.universitedesfemmes.be/universite-des-femmes-bruxelles/soutenir-universite-des-femmes

Vous pouvez aussi commander les publications. Les dernières en date sont celles-ci (cliquez sur les images pour plus d’infos) :

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Un militant LGBT français de premier plan arrêté pour le viol et la torture d’une fillette de 4 ans gravement handicapée

Audrey A propose ici une traduction [grand merci pour votre travail !] d’un article détaillé publié par Anna Slatz sur le site Reduxx, compte tenu du fait que la presse généraliste française n’a pas immédiatement exposé certains aspects concernant l’accusé dans cette affaire. Cet article vise donc à présenter une vue d’ensemble plus complète des faits rapportés.

Un éminent militant LGBT français a été arrêté et accusé d’avoir infligé des actes de viol, torture et barbarie à une petite fille souffrant d’un grave handicap du développement. Pierre-Alain Cottineau, 32 ans, a été appréhendé le 23 septembre à son retour de vacances en Tunisie, à l’aéroport de Nantes.

Cottineau était une figure connue en Loire-Atlantique pour son militantisme politique, notamment en faveur de la communauté LGBT, des jeunes et des minorités. En 2021, il s’était présenté aux élections départementales sous la bannière de La France Insoumise (LFI), politique de gauche appliquant une politique de « tolérance zéro » à l’égard des « propos ou comportements sexistes, racistes, antisémites ou LGBTIphobes » parmi ses membres.

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Procès des violeurs de Mazan : « Ils m’ont traitée comme un sac poubelle », par Claudine Legardinier

« Un procès hors normes » a titré la presse. Est-elle vraiment si « hors normes » cette affaire Pélicot ? Une cinquantaine d’hommes comparaissent pendant 4 semaines pour viols aggravés infligés pendant 10 ans à une femme droguée par son mari et livrée à ces hommes inconsciente. 

Des monstres ? Non, des hommes tout ce qu’il y a d’ordinaires qui ont profité de « l’offre » d’un mari pornographe ; des hommes prêts à tout pour s’affranchir du consentement d’une femme… et s’ils n’ont pas payé le mari en argent, on peut ici parler « d’échange », puisque les uns ont eu à leur disposition une femme sans avoir besoin dudit consentement, l’autre a obtenu des « acteurs » gratuits pour son fantasme : les vidéos pornos qu’il tournait. Et par lesquelles, heureusement, il a été découvert.

Après le cataclysme de la découverte des faits, on peine à imaginer la force qu’il faut à Gisèle Pélicot (71 ans) pour faire face à son ex-mari et à 50 de « ses » violeurs ; pour voir déballée sa vie intime et épluchés les dizaines et dizaines de viols qu’elle a subis comme « une poupée de chiffon » ; et pour survivre au gouffre qui s’ouvre quand on croit avoir partagé avec un mari attentionné cinquante ans de vie commune…

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Rejoignez la mobilisation en soutien à toutes les victimes de violences sexuelles !

A l’initiative de plusieurs militantes féministes, un rassemblement en soutien à Gisèle Pélicot, aux autres victimes des viols dans l’affaire de Mazan et à toutes les victimes de violences sexuelles est organisé ce samedi 14/09 dans plusieurs villes de France. 
A Paris, il aura lieu à 14h à la Place de la République. 
Osez le Féminisme sera présente dès 13h30 : rejoignez-nous !

Samedi 14 septembre : appel à la mobilisation dans toute la France en soutien à toutes les victimes de violences sexuelles 
Violences intrafamiliales, soumission chimique, impunité des prédateurs sur internet, inceste, viol conjugal, errance médicale, entourage et voisinage complice : l’affaire Pélicot est emblématique du caractère massif et banal des violences  qu’il faut combattre urgemment.

Nous nous trompons en appelant ce procès  “Affaire Mazan” ou même “Affaire Pélicot”. C’est avant tout l’Affaire des 82 violeurs. C’est aussi l’occasion de se mettre face à la triste banalité du profil des hommes derrière les viols, pour enfin affronter cette réalité. Ami de la famille, inconnu du bar ou de la rue, frère ou cousin, copain, collègue, professeur, voisin : toutes les femmes pourront malheureusement trouver un visage qui les ramène à un souvenir traumatisant parmi la multitude des accusés de Mazan.

Cette affaire est à l’intersection de tout ce que les associations dénoncent depuis des années. Maintenant, il faut des actes. 

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Solidarité avec Pinar Selek

Le 28 juin, Pınar Selek sera jugée pour la 5ème fois par l’État turc.

Il y a 26 ans, en Turquie, Pınar Selek a été arrêtée pour sa recherche sur la résistance kurde.

Conformément à l’éthique professionnelle sociologique, elle refuse de livrer l’identité des interviewé-es : elle est torturée et maintenue en détention. Elle apprend en prison qu’elle est accusée d’un « attentat », survenu sur le marché aux épices d’Istanbul – il s’agit en vérité d’une explosion de gaz accidentelle. Elle reste près de deux ans en prison.

Elle est acquittée une première fois en 2006, mais le parquet fait appel. L’acharnement judiciaire commence avec sa valse de procès débouchant toujours sur des acquittements, faute de preuve, mais ceux-ci sont cassés et entraînent un nouveau jugement… Malgré tout, Pınar Selek poursuit ses travaux de recherche, d’écriture, ainsi que ses engagements au cœur des mouvements sociaux, s’organisant dans les collectifs féministes et LGBT+, et menant de grandes actions antimilitaristes.

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Chronique de Rachel Silvera sur le RN

Chronique de Rachel Silvera via Alternatives Economiques (la chronique est republiée ici avec son autorisation, grand merci !)

Une tribune parue dans Libération le 23 mai 2024, initiée par le collectif Grève féministe et appuyée par des associations féministes et des syndicats, montre comment le Rassemblement national (RN) instrumentalise la cause des femmes et dévoile son antiféminisme.

Fait important, après de longues années où les femmes votaient moins pour le Front national (puis le RN) que les hommes, elles votent désormais autant qu’eux pour ce parti, placé en tête des intentions de vote aux élections européennes du 9 juin 2024.

Le candidat RN aux élections européennes, Jordan Bardella, a tenté à diverses reprises de se montrer proche des femmes. Il a osé déclarer le 4 mars 2024 sur TF1 « nous devons refuser qu’une seule femme en France puisse un jour s’inquiéter de voir un de ses droits reculer », alors que son parti s’est toujours opposé notamment au droit à l’avortement.

LES VOTES ET LES ALLIANCES DU RN

La tribune passe au crible tous les votes du RN concernant des résolutions européennes ayant trait aux droits des femmes. En novembre 2020 et 2021, les élu·e·s RN se sont opposé·e·s à une résolution condamnant la Pologne pour son interdiction de l’avortement. Elles et ils se sont abstenu·e·s sur l’introduction de l’avortement dans la Charte européenne des droits fondamentaux.

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#Metoo syndical : Un procès historique contre la parole de femmes syndicalistes

Appel à la solidarité syndicaliste et féministe

Nous, militantes syndicalistes et féministes, en appelons à votre solidarité et à votre soutien pour notre camarade Christine, qui passe en procès pour diffamation les 30 septembre et 1er octobre 2024 à Paris.

En 2016 et 2017, plusieurs militantes de l’Union Syndicale CGT ville de Paris sont harcelées et/ou agressées par des membres de leur organisation. Contre ces agressions physiques et sexuelles, le collectif Femmes Mixité du syndicat se réunit et mène plusieurs actions. Elles font face à une immense hostilité de certains militants. Christine est membre de ce collectif et co-secrétaire générale du syndicat CGT Petite Enfance de la Ville de Paris.

C’est elle qui fait, au congrès de l’UD CGT de Paris en 2020, le rapport des actions menées par le collectif, et c’est pour cette raison que Régis Vieceli, alors secrétaire général du syndicat CGT déchets et assainissement (FTDNEEA), porte plainte contre elle pour diffamation. (Pour en savoir plus : https://www.mediapart.fr/journal/france/270618/violences-et-agissements-sexistes-l-affaire-que-la-cgt-etouffee).

La Confédération CGT est elle aussi poursuivie en la personne de Philippe Martinez, alors secrétaire général, pour le travail d’enquête mené par la cellule de veille confédérale contre les violences sexuelles.

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Un prédateur sexuel et futur médecin ?

Mesdames et Messieurs, 
Nous souhaitons par la présente vous alerter sur une situation extrêmement préoccupante au sein de l’université de médecine de Limoges.

Celle-ci accueille depuis la rentrée 2021 un étudiant originaire de Tours, accusé de viol et d’agressions sexuelles, qui a depuis été condamné à deux reprises.

Il poursuit tout de même ses études parmi les autres étudiants en 6ème année de l’université, et passe au mois de mai 2024 le concours de l’internat.

Les faits 
En 2021, à la suite du dépôt de cinq plaintes pour viol et agression sexuelle, un étudiant en médecine de l’université de Tours est interdit de territoire en Indre et Loire, et après 2 mois de détention provisoire, placé sous contrôle judiciaire. 

Deux des plaignantes sont mineures au moment des faits, trois sont des camarades de promotion. Les agressions se sont déroulées sur une période s’étendant de 2013 à 2020. 

Les parents de l’accusé sont tous les deux médecins à Tours, et d’anciens camarades de fac du Doyen de ladite université.

Ce dernier n’engage aucune mesure disciplinaire à l’encontre du mis en cause, ce qui lui sera reproché par l’Inspection Générale de l’Education, du Sport et de la Recherche (IGESR), dans un rapport d’enquête en 2022. 

Pour autant, aucune sanction n’est prise à l’issue de la publication du rapport : ni de manière rétroactive envers l’étudiant, ni envers le Doyen pour sa gestion contestable de l’affaire, qui avait éveillé à l’époque des soupçons de complaisance envers l’étudiant et ses parents médecins.

L’étudiant peut alors poursuivre ses études de médecine

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La fin de la masculinité (extrait de l’intro au livre de Robert Jensen)

éditions Libre, 17€ (trad. Txxxxxx Lxxxxx-Mxxxxxx, Pxxxxx Pxxxxx & Nicolas Casaux)

[merci au éditions Libre pour l’autorisation de répercussion sur le blog]

LA MASCULINITÉ

[Andrea et Jim]

« Sois un homme. »

Depuis leur plus tendre enfance, les hommes s’entendent sempiternellement répéter cet impératif simple. Généralement, cette expression est liée au fait qu’un homme exige d’un autre qu’il soit « plus fort », c’est-à-dire qu’il se montre capable de supprimer ses réactions émotionnelles et de canaliser cette énergie afin de contrôler la moindre situation et d’établir sa domination.

« Sois un homme » signifie donc, en règle générale, « aban­donne ton humanité ».

Être un homme n’est donc pas une bonne affaire. Lorsque nous devenons des hommes, c’est-à-dire lorsque nous acceptons l’idée selon laquelle nous devrions nous conformer à ce qu’on appelle la « masculinité », nous échangeons ceux de nos traits de caractère qui rendent la vie digne d’intérêt contre une quête de pouvoir infinie, qui se révèle, au bout du compte, illusoire et destructrice, non seulement pour les autres, mais aussi pour nous-mêmes.

Face à cette masculinité toxique, une tentative de réponse a consisté à redéfinir ce que signifie le fait d’être un homme, à façonner une masculinité plus tendre et bienveillante, moins menaçante envers les femmes et les enfants, et plus supportable pour les hommes. Une telle entreprise est toutefois inappropriée : notre objectif ne devrait pas être de redéfinir la masculinité mais de l’éradiquer. L’objectif devrait consister à nous libérer du piège de la masculinité.

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Préface de la Dre Muriel Salmona au livre de Lundy Bancroft : « Pourquoi fait-il ça ? Dans l’esprit des conjoints violents et maltraitants »

Pourquoi fait-il ça ? de Lundy Bancroft est un livre précieux et salvateur pour les femmes victimes de violences conjugales. Il ne se contente pas de répondre aux questions qu’elles peuvent se poser sur leurs conjoints violents ni de les outiller pour mieux s’en protéger, il se met résolument de leur côté avec le souci de leur rendre justice et de remettre le monde à l’endroit en dévoilant l’intentionnalité de nuire et les mensonges des hommes violents. Et cet enjeu est de taille face au déni qui règne dans notre société sur ces violences, déni alimenté par de fausses représentations, des stéréotypes sexistes, et une véritable propagande anti-victimaire qui culpabilise les victimes et dédouane les agresseurs en leur assurant une impunité quasi complète. Les femmes victimes elles-mêmes sont les premières contaminées par ce déni et ont les plus grandes difficultés à se sentir légitimes pour se défendre et pour dénoncer les violences qu’elles subissent. Ce déni contamine également les personnes qui pourraient les secourir, les protéger et les accompagner, leurs proches, les professionnels des secteurs de la police, de la justice, du soin et du social. Tout au long de son livre, fort de sa longue expérience auprès d’hommes violents, Lundy Bancroft s’attaque à ce déni. Dès les premières pages il nous prévient qu’il ne faut pas prendre pour argent comptant le discours et les justifications des hommes violents, mais toujours les confronter aux témoignages de leurs conjointes, voire de leurs ex-conjointes.

Dans nos sociétés patriarcales, les projecteurs sont presque toujours dirigés sur les femmes victimes pour leur demander des comptes, les questionner sur leurs comportements et les culpabiliser : « Qu’ont-elles bien pu faire pour rendre leur conjoint aussi violent ? ». Lundy Bancroft braque au contraire les projecteurs sur les hommes violents, sur leurs manipulations et leurs mensonges. À l’aide de nombreux exemples étayant une analyse implacable il démontre que les violences conjugales reposent sur une imposture totale. Les hommes violents sont de bons acteurs, ils jouent des rôles tout à tour pour séduire, manipuler, intimider, terroriser, culpabiliser leurs victimes afin de les contrôler et de les exploiter, et de garantir leur impunité. Ils excellent pour mettre en scène l’amour, l’énervement, la contrariété, la colère, la frustration, la jalousie, la perte de contrôle, le désespoir, l’indignation, la vengeance, le déni, le repentir… Les violences psychologiques, physiques et sexuelles qu’ils exercent n’ont pour but que de blesser et traumatiser leur victime. Ils savent bien que les justifications qu’ils donnent sont fausses et injustes, les violences leur sont juste nécessaires pour dominer et mettre en place un contrôle coercitif afin de posséder, asservir et instrumentaliser leurs victimes. Les violences sont un outil terriblement efficace pour détruire la capacité de défense, la confiance en soi et l’estime de soi des victimes, et leur faire croire qu’elles n’ont aucune valeur, aucun droit ni aucune dignité.

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Pédocriminalité en ligne : « Nous constatons une inaction révoltante des pouvoirs publics, qui feignent l’ignorance »

Dans une tribune publiée au « Monde » le 17 janvier 2024, un collectif de responsables politiques et associatifs demande au gouvernement français de soutenir le règlement européen contre la pédocriminalité en ligne et au portail de signalement Pharos de mener une vraie lutte contre les contenus pédopornographiques.

Le 20 novembre 2023, lors de la Journée internationale des droits de l’enfant, Charlotte Caubel, alors secrétaire d’Etat chargée de l’enfance, avait salué le travail de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants et appelé à l’élargissement de son action, en incluant notamment un phénomène qui explose : la pédocriminalité en ligne. Au-delà du flou de cette évolution, nous dénonçons l’hypocrisie de ces déclarations au moment même où la France rechigne à soutenir le règlement européen contre la pédocriminalité en ligne.

L’urgence est pourtant majeure : 85 millions de contenus pédocriminels (vidéos et images) ont été détectés en ligne en 2022 avec une augmentation de 6 000% en dix ans, selon la commissaire européenne Ylva Johansson. Une peine de vingt ans de réclusion criminelle a été prononcée, en octobre, par la cour d’assises de la Meuse contre un père qui commettait des viols incestueux en série sur ses enfants et les partageait sur le Web avec d’autres pédocriminels. Mais pour une affaire jugée, combien de millions de vidéos en ligne en toute impunité ? Les solutions, pourtant, existent : elles nécessitent juste une volonté politique.

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Gestation pour autrui. Rejetez l’Avis n°86 du Comité consultatif de Bioéthique de Belgique 

[page originale et en d’autres langues ici : https://www.facebook.com/profile.php?id=61556337114596]

Le 17 avril 2023, et en réaction à la demande du ministre de la Santé Publique Frank Vandenbroucke, le Comité consultatif de Bioéthique de Belgique a rendu l’avis n°86[1], relatif à l’encadrement légal de la gestation pour autrui (GPA). Celui-ci actualise l’avis n°30 du 5 Juillet 2004. En Belgique, la GPA n’est pas réglementée ; elle n’est ni interdite ni légale, mais elle est pratiquée dans 5 cliniques spécialisées.

Nous, organisations féministes et de défense des droits humains et citoyen.ne.s engagé.e.s, sommes en total désaccord avec cet avis sur l’ensemble des points qui sont énoncés, tous – sans exception – en faveur de la légalisation de la GPA. Celui-ci ne prend aucune considération des droits des femmes et des enfants, adopte exclusivement le point de vue des clients commanditaires et se fait ainsi le relais du marché, qui cherche à développer la marchandisation et l’instrumentalisation du corps des femmes et la réification des enfants.

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Osez le Féminisme ! contre la loi « Asile et immigration »

Dans un contexte politique et médiatique de banalisation de l’idéologie raciste et xénophobe de l’extrême-droite, la loi “Asile et immigration” votée le 19 décembre 2023 par l’Assemblée nationale, porte gravement atteinte aux droits fondamentaux des personnes étrangères et ainsi aux principes d’égalité et de dignité de la personne humaine tels que consacrés par la République. 

Cette loi est la trentième mesure anti-migratoire votée en 40 ans. Cette fois-ci, la politique de préférence nationale dans l’accès aux droits sociaux portée depuis des années par le Rassemblement National et le Front National de Jean-Marie Le Pen, ainsi que la suppression du droit du sol, constituent un basculement idéologique intolérable et mettent particulièrement en danger les femmes et les mineur·es migrant·es et exilé·es, en situation régulière ou irrégulière.

Nous rappelons que le droit d’asile est reconnu par la Convention de Genève et inscrit dans la Constitution française. Il permet de protéger toute personne victime de persécution. Pourtant le rétablissement du délit de séjour irrégulier, supprimé en 2012, vient indirectement marteler le fait qu’être né·e dans un autre pays caractérise un délit.

Parmi les personnes étrangères, les femmes sont surexposées aux violences sexistes et sexuelles, aussi bien lors de leurs parcours migratoires qu’une fois arrivées sur le sol français. Selon les Nations unies, elles représentent 50 % de la population migrante.

Osez le Féminisme ! dénonce la mise en danger, par cette loi, des femmes et des filles étrangères sur le sol français, ainsi que la précarisation de leurs conditions de vie et d’accueil dans une perspective déshumanisante et de criminalisation des personnes étrangères.

1. Une loi violente économiquement et socialement : 

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Catharine A. MacKinnon : Le Viol redéfini – Vers l’égalité, contre le consentement (« une pub » pour le livre)

Vers l’égalité, contre le consentement

[Un livre important, avec des propositions pour améliorer le droit, entre autres en France. Une critique profonde du concept de consentement : "Le consentement est la tolérance d'une violation des limites"; "Même les dynamiques psychologiques de la coercition, y compris par l'inégalité, sont bien plus facilement observables chez les parties depuis l'extérieur, que celles liées au consentement".]

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TRANS – L’identité de genre, et la nouvelle lutte pour les droits des femmes

[Tandis que les « transactivistes et leurs allié-es » souhaitent faire croire que l’ensemble des critiques de l’identité de genre sont issues de l’extrême droite, je reproduis plus bas la nouvelle préface d’Helen Joyce pour son livre Trans, quand l’idéologie rencontre la réalité. Pour rappel les critiques de l’identité de genre qui nous intéressent sont portées par divers courant de gauche, dont des militant-es de l’écologie radicale (Né(e)s dans la mauvaise société, d’Audrey A. & Nicolas Casaux ) ou encore des anarcha-féministes (Les leurres post-modernes contre la réalité sociale des femmes, de Vanina), avec évidement des variantes dans l’analyse. On est d’accord ou non avec elles, elles ont le mérite de permettre le débat, loin des invectives et des raccourcis. Helen Joyce, elle, est féministe.]

Version française de la nouvelle préface de l’essai d’Helen Joyce « Trans : Gender Identity and the new battle for women’s rights » (Onlyword, Royaume-Uni, 2022).

(Les droits de diffusion en France de ce livre sont disponibles auprès de l’éditeur Underword.)

Les arguments présentés dans ce livre sont fondés sur des faits qui étaient, jusqu’à récemment universellement acceptés : les êtres humains ne peuvent pas changer de sexe ; les hommes sont en moyenne beaucoup plus robustes que les femmes et ils commettent presque tous les crimes violents et sexuels. Pourtant, lors de la première édition cartonnée de mon livre en juillet 2021, j’ai fait l’objet d’attaques virulentes.

On m’a accusée de penser que les femmes étaient inférieures aux hommes, de qualifier tous les hommes de violeurs et d’appeler à l’élimination des personnes transgenres.

Mes arguments ont été comparés à du racisme et de l’homophobie.

J’ai été traitée de sectaire et de menteuse.

Je me suis rendu compte que l’une des raisons de ce retour de bâton était une compassion sélective. Les militants qui exprimaient une préoccupation sincère et raisonnable pour les revendications des personnes transidentifiées rejetaient en même temps le souhait des femmes d’être en sécurité, de conserver une vie privée et d’avoir droit à des conditions loyales de concurrence.

Contrairement aux militants transactivistes, j’éprouve de la compassion à la fois pour personnes qui se sentent en désaccord avec leur corps sexué et pour les personnes, principalement des femmes et des enfants,  qui subissent des préjudices lorsque le dimorphisme sexuel est nié.

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Oser dire la vérité sur la prostitution (une intervention de 1971)

par SUSAN BROWNMILLER

Susan Brownmiller est écrivaine, critique et membre active de l’association New York Radical Feminists[1]. Le texte suivant a été prononcé dans le cadre d’une journée d’audition devant une assemblée d’élus de l’État de New York, intitulé « La prostitution, un crime sans victime ».

SUSAN BROWNMILLER : Messieurs, vous déclarez que le but de votre audition aujourd’hui est d’écouter des témoignages au sujet de la prostitution, ce que vous décrivez comme « un crime sans victime ». La prostitution est un crime, messieurs, mais elle n’est pas sans victime. Il y a une victime, et c’est la femme.

J’ai cru comprendre qu’au cours de la semaine dernière, vous avez reçu des appels téléphoniques pressants de plusieurs femmes qui se considèrent comme vos pairs – des femmes de la New Democratic Coalition [Nouvelle Coalition Démocratique], dont une ou deux cheffes de district – et qu’elles vous ont demandé de suspendre l’audience. Elles vous ont dit que le mouvement de libération des femmes considère la prostitution comme une problématique féminine, au même titre que la garde des enfants, au même titre que le salaire égal pour un travail égal, au même titre que le mariage, l’avortement, la contraception et le viol. Ces femmes vous ont dit qu’elles préparaient une conférence sur la prostitution en commun avec les féministes radicales, et que cette conférence, en amont de la session législative, permettrait d’élaborer une nouvelle approche, une approche du point de vue des femmes, sur la question de la prostitution. Mais vous avez refusé d’annuler cette audition, ce qui prouve bien, je pense, le poids que vous accordez au pouvoir politique des femmes. Et donc, contre notre gré, nous sommes contraintes d’utiliser votre journée d’audition comme tribune. Nous le faisons à regret, sur le tas et dans la précipitation, sans la profondeur appropriée, l’examen et l’esprit démocratique d’analyse tel que notre propre conférence de femmes se déroulera.

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PORNOCRIMINALITE, Mettons fin à l’impunité de l’industrie pornographique !

Le Haut Conseil à l’Egalité fait un constat accablant
et exige du gouvernement qu’il agisse
contre la pornographie

Le Haut Conseil à l’Egalité (HCE) sort ce mercredi 27 septembre un rapport sur la pornocriminalité, qui pose des constats accablants sur l’industrie pornographique qui violente femmes et filles et propage un discours de haine misogyne et raciste en toute illégalité.

Osez le féminisme ! dénonce depuis plusieurs années le système pornocriminel, qui prospère sur la haine et la violence misogyne, dans l’indifférence générale et l’illégalité la plus totale. 90% des contenus pornographiques présentent des actes non simulés de violences physiques, sexuelles ou verbales contre les femmes. La pornographie n’est pas du cinéma. Ce rapport du Haut Conseil à l’Egalité, à l’expertise indéniable, confirme par ses analyses l’importance du combat précurseur mené par notre association contre le système pornocriminel. 

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Mobilisation contre l’assistanat sexuel :Le président Macron doit arrêter de faire planer le doute

Lors de son discours à l’occasion de la Conférence nationale du handicap fin avril dernier, Emmanuel Macron s’est exprimé sur les enjeux de la vie affective, amoureuse, intime et sexuelle des personnes en situation de handicap, annonçant alors le lancement d’un plan d’action d’ici l’été.

Nous tenons à vous faire part de notre ferme opposition au lancement de toute expérimentation de l’assistance sexuelle

Nous estimons nécessaire d’alerter dès à présent sur les conséquences qu’entrainerait l’assistanat sexuel, et nous avons besoin de votre mobilisation. 
Un courrier type a été écrit par la Cordination Française pour le Lobby Européen des Femmesque vous pourrez compléter et envoyer au Président de la République (via ce formulaire).

En 2016, la France faisait le choix décisif de mettre fin à la violence machiste que constitue la prostitution. Pour cela, une loi juste et courageuse a été adoptée prévoyant la dépénalisation des personnes en situation de prostitution (à 80% des femmes), la mise en place de parcours de sortie de prostitution, d’actions de prévention et l’interdiction de l’achat d’actes sexuels (commis à 99% par des hommes).

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Protégez les survivantes

Le Conseil d’Etat doit revoir sa jurisprudence pour garantir une protection effective, au titre de l’asile, des femmes nigérianes victimes des réseaux de traite humaine

Saisi par 3 femmes nigérianes victimes de réseaux criminels de traite humaine à des fins d’exploitation prostitutionnelle, le Conseil d’Etat a f opportunité de rendre effective la protection, au titre de l’asile, des femmes victimes de ces réseaux.

Depuis plus de 30 ans, des milliers de femmes nigérianes (mineures pour nombre d’entre elles) sont victimes de réseaux criminels internationaux de trafics d’êtres humains. Elles subissent un serment d’allégeance, dit « Juju », visant à faire peser sur elle une menace de malédiction si elles ne respectent pas « leurs obligations ». Au cours de la cérémonie, elles sont scarifiées afin de les identifier et de marquer leur appartenance au réseau. Elles sont ensuite forcées à l’exil dans un périple dangereux durant lequel elles sont battues, violées et soumises à des actes de torture. Celles qui survivent sont envoyées en Europe, contraintes à la prostitution et soumises au remboursement d’une dette de plusieurs dizaines de milliers d’euros. Si elles parviennent à s’en sortir, les femmes risquent d’être exposées, en cas de retour au Nigéria, à de graves persécutions pour avoir quitté le réseau et du fait du stigmate qui pèse sur les femmes nigérianes victimes de viols et de prostitution, les condamnant à une mort sociale et un risque élevé de re-prostitution.

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Meghan Murphy : Honte et pornographie

Le porno a été totalement normalisé et généralisé, alors pourquoi les hommes ont-ils encore honte de leur consommation de porno ?

Depuis de nombreuses années, on m’accuse de « faire honte » aux gens à propos de leurs passe-temps sexuels. Cela est dû en grande partie à mes critiques du porno et de l’industrie du sexe.

Pour être honnête, j’ai probablement écrit et dit des choses moins que positives sur diverses perversions et fétiches, en particulier ceux de nature violente. Je n’ai jamais caché mon opinion sur les hommes qui ont besoin de costumes, de sketches, de scénarios tordus ou de spectacles pornographiques pour prendre leur pied. Votre corps est littéralement conçu pour apprécier le sexe : le bon vieux sexe classique du type pénis dans le vagin. Bien entendu, ce sexe « normal » est qualifié de « vanille » afin de défendre les personnes qui ont conditionné leur corps et leur esprit à avoir besoin d’un tas de cloches et de sifflets pour faire ce que la nature a prévu, bien avant l’invention des téléphones intelligents et du Hentai. Mais exiger un costume ridicule ou une expérience de mort imminente, que ce soit pour vous ou pour l’objet de votre éjaculation, me semble signaler l’existence d’un réel problème.

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L’enfer des passes, de Rachel Moran [compte rendu]

[La note suivante a été publiée dans la revue Empan]

Le système prostitutionnel fait l’objet depuis de nombreuses années d’études féministes variées : Barry (L’esclavage sexuel de la femme, 1982), Legardinier (Prostitution : une guerre contre les femmes, 2015), Ekman (L’être et la marchandise, 2013), Montreynaud (Zéromacho, 2018).

Les témoignages de prostitué·es peinent à s’exprimer ou à se faire entendre, et plus encore les témoignages d’ex-prostituées. Pourtant, ces dernières en particulier sont celles dont « l’objectivité » n’est pas polluée par des intérêts immédiats dans le système prostitutionnel, avec l’avantage de posséder une connaissance poussée, prolongée et intime du milieu et de l’activité. C’est ce qui donne une richesse et une rare force au livre L’enfer des passes de la féministe irlandaise Rachel Moran, qui a vécu la prostitution pendant sept ans.

Les quelque 26 chapitres sont « un exercice de dépassement » (p. 327) d’elle-même afin de renaître de ses hontes – pour reprendre le titre d’un autre livre d’une ancienne prostituée, Laurence Noëlle. Moran y dissèque son propre parcours et brave « les ondes de choc » (p. 307) de son passé de femme prostituée, dont le stigmate perdure dans le temps – malgré la récente loi abolitionniste qui décriminalise leur activité.

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Osez le féminisme ! « Propagande pro-stérilisations à Mayotte »

Propagande pro-stérilisations à Mayotte, en pleine pénurie de pilules abortives : une politique française coloniale et misogyne !

Manifestation du collectif HIMA, collectif de jeunes femmes comoriennes de différents horizons qui  ont décidé de se lever pour les droits des  femmes comoriennes.

Régime d’exception néocolonial : promotion des stérilisations à Mayotte, dissuasion des femmes en métropole

Dans la plupart des départements français, essayer d’obtenir une ligature des trompes est un parcours de la combattante. Mais pas à Mayotte, où l’Etat français martèle une très ancienne inversion perverse coloniale consistant à dire aux personnes racisées qu’elles seraient trop nombreuses et qu’elles en seraient coupables. Le directeur de l’ARS de Mayotte, Olivier Brahic (formé à l’École de guerre), a ainsi déclaré vouloir “proposer” une stérilisation par ligature des trompes aux femmes, à l’hôpital, dans les PMI et chez les sages-femmes. Dans les faits, être une femme mahoraise face au pouvoir médical – très majoritairement accaparé par des blancs venus de métropole – dans un espace durablement broyé par les politiques coloniales françaises, c’est déjà subir des contraintes écrasantes. 

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Zéromacho : Action #89 — 12 avril 2023 — Le 17e passe à l’orange

Le 17e arrondissement de Paris bat un triste record : il compte 49 prétendus « salons de massages » asiatiques (sur 341 dans tout Paris) qui sont en réalité des lieux de prostitution, avec des esclaves sexuelles pour la plupart victimes de la traite des femmes.

Cette activité illégale a pignon sur rue et fait même de la publicité, avec des flyers sur les pare-brise !

Dans la nuit du 12, à Paris 17e, des activistes de Zéromacho et de L’Amazone Paris ont taggé un slogan en orange fluo sur le trottoir devant ces 49 salons :

« C’est combien ? — 1 500 € d’amende ! »

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Sur les messages colériques d’hommes qui me sont adressés, par Lundy Bancroft

Bientôt disponible en français aux éditions Libre

Cela fait vingt ans que je reçois des messages d’hommes furieux ou que je lis en ligne leurs diatribes constellées de postillons. J’ai choisi de ne pas y répondre (enfin, j’ai peut-être cédé à cette tentation quelques fois), parce que je ne crois pas que cela soit le moindrement utile. Ce genre d’hommes n’examine jamais ce qu’il dit et n’entre pas dans une interaction pour explorer des idées. Il veut plutôt s’imposer au centre de l’attention et fustiger les personnes qui ne sont pas d’accord avec lui. Et surtout, il veut rabaisser les femmes et les rendre responsables de tout.

Cela fait longtemps que j’ai l’intention d’écrire un article sur la nature de ces messages et sur ce qu’ils révèlent de la façon dont pensent les hommes violents; parce que, franchement, c’est exactement ce qu’ils sont.

(Tout de suite, en écrivant cela, je lis déjà le prochain message enragé, qui dira quelque chose comme : « Tu qualifies d’agresseur tout homme qui n’est pas d’accord avec toi ». Je reviendrai sur cet argument.)

La tirade la plus courante que me lancent ces hommes ressemble à ceci : « Vu la façon dont Lundy décrit la violence dans Pourquoi fait-il cela?, n’importe quel homme peut être qualifié d’homme violent. Il prend des réactions normales de frustration et de colère et les amalgame à de la violence et des menaces, comme tout cela était la même chose. Si les hommes disent autre chose que « s’il vous plaît » et « merci » aux femmes, il les qualifie de méchants. À cause d’idées comme celles de Lundy, les femmes sont nombreuses à qualifier leur partenaire d »agresseur’ et à mettre fin à la relation, au lieu de régler les problèmes de manière responsable et de demeurer fidèles à leur vœux de mariage. Et c’est pour cette raison que des enfants grandissent dans des foyers brisés  (etc., etc.). »

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« Les Chahuteuses »… pas vraiment.

[Une courte chronique à faire circuler afin de ne pas se faire avoir]

Hier je suis allée voir le spectacle « Histoire de cul » du collectif Les Chahuteuses pour 15 euros à la Bellevilloise.

Je me suis fait chier grave pendant tout le spectacle. Ce n’est même pas distrayant ni comique. Il n’y avait aucun humour.

Un homme nous parle de son expérience sexuelle avec sa partenaire dans un parc. Il raconte comment il a été soudain surpris par une dizaine d’hommes entourant tout à coup ses ébats et qui avaient décidé de l’observer tout en se masturbant. Il n’est alors question que de sa  » performance » par rapport au fait d’être ainsi observé. Va t il ou pas réussir à jouir sous le regard de ces spectateurs imprévus ? Là est la, SA question fondamentale. Tout droit sorti d’un scénario de film porno en fait.

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Lettre de l’asso « Choisir la cause des femmes » au Président de la République pour refuser son invitation.

[Sur le féminisme-washing du président Macron]

Présidence de la République
Palais de l’Elysée
Paris, le jeudi 2 mars 2023
Monsieur le Président de la République,

Ce jeudi 2 mars 2023 vous avez adressé une invitation officielle pour une cérémonie d’hommage à Gisèle Halimi au Palais de justice de Paris, le 8 mars 2023, à l’association Choisir la Cause des femmes qu’elle a fondée avec Simone de Beauvoir et que j’ai l’honneur de présider.

Le choix que vous opérez en organisant en dernière minute cet hommage national à la féministe Gisèle Halimi, ce 8 mars 2023, nous semble relever d’une instrumentalisation politique. Elle ne trompera personne. En effet, la veille, votre contre-réforme des retraites, qui pénalise particulièrement les femmes, se sera heurtée à un mouvement de protestation massif dans tout le pays sous la forme d’une journée de grève reconductible. Et, le 8 mars, une grève des femmes prendra le relais pour dénoncer à son tour une réforme particulièrement injuste pour elles ainsi que l’a admis un de vos ministres, M Riester, le 23 janvier dernier.

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Un congrès CGT sous haute tension pour le mouvement syndical et féministe [par Resyfem ]

Fin mars 2023, aura lieu le congrès confédéral de la CGT et ça promet d’être houleux : remise en cause de la candidature de Marie Buisson par un camp sectaire et viriliste, du critère de « parité » sur les listes des candidats à la CEC… Les enjeux d’un congrès décisif pour les syndicalistes féministes, l’ensemble de la CGT et tout le mouvement syndical.

Une campagne virulente de remise en cause de la candidature de Marie Buisson au poste de secrétaire générale de la CGT a commencé très vite après son annonce. Elle s’est notamment traduite, ces dernières semaines, par la multiplication d’articles à charge dans la presse[1].

D’où viennent ces attaques, et pourquoi autant d’énergie déployée pour la faire échouer ?

Il s’agit d’une offensive des tendances sectaires de la CGT qui entendent bloquer toute logique unitaire et d’ouverture aux urgences environnementales et à une lutte des classes qui prenne en compte les oppressions spécifiques liées au sexisme et au racisme. En entretenant une atmosphère de guerre interne, ils tentent au passage le coup double de réhabiliter leurs partisans les plus controversés.

Des attaques violentes aux formes inédites

Les détracteurs de Marie Buisson s’appuient sur des tensions réelles au sein de l’organisation, en lien avec le mode de gouvernance et les choix stratégiques de Philippe Martinez. 

Ce mécontentement se cristallise sur sa décision de faire participer la CGT à l’initiative « Plus jamais ça ! »[2]. Une sorte de coalition des opposants à ce projet s’est constituée, et reproche à Marie Buisson la décision du secrétaire général !

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Précisions concernant les retraites [extraits]

Deux annexes tirées de l’ouvrage de Christiane Marty, Retraites – saison 2022, éd. du Croquant, 2022, 75p., 3€. afin de comprendre les fonctionnement actuels.

Annexe 1

Retraites : répartition et capitalisation

Dans un système de retraites par répartition, ce sont les cotisations des personnes en activité qui sont immédiatement utilisées pour payer les pensions des retraité.es. Dans un système par capitalisation, les cotisations alimentent des ‘ placements financiers dont le rendement futur (incertain) déterminera le montant de la pension. La capitalisation est basée sur une logique d’assurance individuelle, opposée donc à la répartition qui est basée sur la logique de solidarité qui est au I fondement de la protection sociale.

Contrairement à ce que l’on peut penser, la capitalisation ne consiste pas à épargner son propre argent pour sa retraite : c’est un placement dont la valeur, qui déterminera la pension au moment de la retraite, dépendra de toute façon de la richesse économique créée à ce moment-là par le travail des actifs. Les cotisations dans un régime pari capitalisation donnent simplement des « droits à valoir » sur la production future. Ainsi, en répartition comme en capitalisation, les pensions des retraité.es sont prélevées sur la richesse produite en temps réel : la différence tient simplement à la manière de répartir cette production.

Mais dans les deux cas, les difficultés seront les mêmes si l’évolution démographique fait qu’il y a trop peu de personnes en activité pour produire suffisamment de biens et de services pour tout le monde. C’est donc une illusion de croire que l’épargne privée et les fonds de pension seraient mieux à même d’assurer l’avenir des retraites.

De plus, la capitalisation en reposant sur le rendement du capital, est très sensible à l’évolution des marchés financiers. À la suite de la crise financière de 2008, de nombreuses personnes des pays où les fonds de pension sont très développés ont vu fondre leur épargne retraite en quelques mois, et la plupart des pensions ont dramatiquement diminué. Ce sont alors souvent les gouvernements de ces pays – et donc l’ensemble des contribuables – qui sont intervenus pour limiter les dégâts.

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Féministes en colère : 64 ans c’est NON ! 43 annuités c’est NON !

Oser présenter cette réforme comme plus juste pour les femmes comme l’a fait le gouvernement relève d’une instrumentalisation des droits des femmes et d’une grave malhonnêteté.

Inutile, inégalitaire, injuste et brutal, le projet de contre-réforme des retraites tend à aggraver la situation déjà très inégalitaire dont les femmes font aujourd’hui les frais.

Nous nous opposons au report de l’âge légal à 64 ans et l’augmentation plus rapide que prévu de la durée de cotisation à 43 ans.

Les femmes subiront bien plus que les hommes les conséquences de ces deux modifications, ce que finalement des membres du gouvernement reconnaissent et assument ! La majorité d’entre elles devront, encore plus qu’aujourd’hui, travailler tard pour des pensions d’un niveau faible.

Les discriminations sexistes au travail, l’inégalité du partage des tâches domestiques et d’éducation des enfants liée à une société encore patriarcale, ont comme conséquence des temps partiels contraints, des carrières hachées, des retraites amputées, les femmes subissant aussi la décote mise en place en 2003. Le gouvernement assène contre-vérités sur contre-vérités sur la situation des femmes. Les chiffres sont là !

Elles ont un salaire inférieur en moyenne de 22% à celui des hommes.

Elles sont majoritaires dans les emplois socialement utiles (assistance à la personne, soins, santé, ménage, caissières, éducation.…) mais dévalorisés et mal rémunérés. Horaires atypiques, interruptions de carrière, temps partiel, salaires trop bas constituent le lot de nombreuses femmes.

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[CP Osez le féminisme !] Les femmes grandes perdantes de la réforme des retraites

Appel à la manifestation !

Les femmes touchent des retraites inférieures de 40% à celles des hommes, et cette réforme va encore accentuer ces inégalités. L’allongement de la durée de cotisation à 43 ans dès 2027 va particulièrement pénaliser les femmes qui ont dû s’arrêter pour élever leurs enfants. Elles seront encore plus nombreuses à devoir attendre 67 ans pour espérer avoir une retraite pleine. C’est inacceptable ! Nous appelons à manifester le jeudi 19 janvier partout en France, pour dire non à cette réforme injuste.

En France, la pension moyenne brute est de 1145€ pour les femmes contre 1924€ pour les hommes. Les femmes retraitées touchent donc 40% de moins que les hommes (Ou plus exactement, les hommes retraités touchent 68% de plus que les femmes).

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Communiqué de presse : La Grande Cause définitivement classée sans suite ? 

Nos associations, le Collectif Féministe Contre le Viol, Osez le Feminisme!, l’Association européenne contre les Violences faites aux Femmes au Travail (AVFT), Du Côté des Femmes, En Avant Toute(s), Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF) et la Fondation des Femmes, ont découvert via un article du Journal Du Dimanche l’existence d’une dépêche interministérielle en direction des procureurs de la République, qui aurait débouché sur des classements sans suite massifs et un déni de justice pour des milliers de victimes.

Un classement sans suite désigne l’arrêt d’une procédure judiciaire consécutive à une plainte. C’est le procureur de la République qui en prend la décision. Dans une dépêche de mai 2021, il a été demandé d’accélérer le classement sans suite de nombreuses plaintes pour désengorger les commissariats et services d’enquêtes.

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Andrea Dworkin : À propos de la rédaction de « Pornographie : les hommes s’approprient les femmes ».

[Ce qui suit est une partie d’un article d’abord publié dans la San Francisco Review of Books. Copyright © 1981 par Andrea Dworkin.] (Pornographie : les hommes s’approprient les femmes, éditions Libre)

Au cours de la rédaction de mon plus récent livre, j’ai vécu le plus extrême isolement que j’aie connu en tant qu’écrivaine. Je vivais dans un monde d’images — des corps de femmes exposés, des femmes prostrées, étalées, suspendues, écartelées, ligotées et lacérées — et dans un monde de livres — remplis de viols collectifs, de viols à deux, de viols commis par des hommes sur des femmes, de viols lesbiens, de viols de femmes par des animaux, d’éviscérations, de tortures, de pénétration, d’excréments, d’urine et de mauvaise prose. J’ai travaillé trois ans à ce livre. Après la première année, une amie est entrée dans ma chambre et m’a passé la remarque qu’elle était plus à l’aise dans les magasins de porno du quartier. Six mois plus tard, l’ami avec lequel je vivais m’a demandé calmement et sincèrement d’éviter de lui montrer les documents sur lesquels je pouvais travailler et aussi, si possible, de ne pas les laisser dans une autre pièce que la mienne. J’ai des ami-es bon·nes et prévenant·es. Leurs nerfs ne pouvaient même pas supporter le peu qu’illes apercevaient. Moi, j’y étais immergée.

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Jay Dionne : 4 poèmes

[Les poèmes qui suivent viennent du Québec et sont signés Jay Dionne.  Je les publie ici avec son autorisation et je l’en remercie. Les illustrations ont été ajoutées par moi.]

Grandir

Un jardin d’été

Une nuit étoilée

La chaleur du soleil

Sur ma peau bronzée

***

J’me suis privé

Quatre longues années

Pour les troquer

Contre la drogue

***

Sale

***

Pourquoi?

J’me le demande souvent

Pis

Finalement,

J’ai compris

***

La Misère

A beau être ma mère

***

J’pu

Un ti cul.

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Julie Bindel : Les femmes ne devraient pas avoir à toujours être sur le qui-vive. C’est aux hommes d’en finir avec la violence masculine

[article publié en mars 2021]

La disparition et le meurtre présumé de Sarah Everard ont mis en lumière la façon dont la vie des femmes et des jeunes filles est entravée par la peur et la réalité de la violence masculine. La violence létale contre les femmes est aussi régulière qu’elle est horrible. Tous les trois jours, en Angleterre et au Pays de Galles, une femme est tuée par son ancien ou actuel partenaire à la suite de violences domestiques, et nous vivons aujourd’hui dans une société imprégnée de misogynie et de droit phallocrate, où la pornographie hardcore est considérée comme un « divertissement » et où les filles sont bombardées de propagande sur les joies de l’étranglement durant les rapports sexuels.

Il est relativement rare de se faire enlever dans la rue, mais malgré tout, les femmes restent dans un état d’anxiété constant face à la violence masculine. Il n’y a rien d’étonnant à cela : la plupart d’entre nous sommes éduquées à nous considérer seules responsable de notre propre sécurité. Nous vivons dans une culture de culpabilisation des victimes, où l’on s’intéresse davantage à notre façon de nous habiller et à notre consommation d’alcool qu’aux raisons qui expliquent pourquoi les hommes commettent des crimes aussi odieux à notre encontre.

Les hommes sont majoritairement les auteurs de crimes violents et sont aussi majoritairement les victimes de crimes violents, mais perpétrés par d’autres hommes. Ce fait est souvent utilisé contre les féministes lorsque nous parlons de l’ampleur et de la prévalence des abus sexuels et domestiques, mais le féminicide – le meurtre d’une femme parce qu’elle est une femme – se nourrit de la haine des hommes envers les femmes.

La peur du viol et des violences létales est une chose que toutes les femmes de la planète connaissent. Il y a nulle part où nous nous sentons totalement en sécurité. Le foyer est l’endroit le plus dangereux pour les femmes puisque c’est là que la plupart des violences ont lieu, mais comme elles se produisent derrière des portes closes, elles peuvent souvent être considérées comme une affaire interpersonnelle privée, et engageant encore moins l’intervention de l’État. Le nombre de viols et d’agressions sexuelles commis quotidiennement est ahurissant, et pourtant la grande majorité d’entre elles ne sont pas signalées et restent impunies. Actuellement, moins de 1 % des viols signalés à la police aboutissent à une condamnation.

Une enquête commanditée par la coalition End Violence against Women en décembre 2018 a révélé que plus d’un tiers des plus de 65 ans ne considèrent pas les rapports sexuels maritaux forcés comme des viols, de même que 16 % des personnes entre 16 à 24 ans.

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Androcapitalocène : recension du livre de Catherine Albertini par Ana Minski

[Le compte-rendu qui suit est tiré du n°4 de la revue : Behigorri. Le sommaire de la revue est en bas de page. Merci pour l’aimable autorisation à reproduire ce texte.]

« Il n’existe pas de ''sans voix''. Il n’y a que des personnes délibérément réduites au silence ou que l’on préfère ne pas entendre. » – Arundhati Roy (2004)

Anthropocène ? Capitalocène ? Mégalocène ? On ne compte plus les néologismes pour nommer les destructions écologiques en cours. Autant de -cène que de Homo, cette humanité civilisée qui se rêve et se prétend sapiens, mais qui est, selon les auteurs, bien plus oeconomicus, theologicus, ludens, faber, ethicus, ou detritus

Nommer les choses et les phénomènes n’est pas un acte anodin. Nommer nous situe dans le monde, socialement, moralement et matériellement. Nommer est la première étape pour identifier ce que les opprimé.es doivent combattre. Définir le plus précisément possible ce que nous souhaitons dénoncer ou défendre, nous permet de comprendre les différents mécanismes de la domination et les causes du désastre écologique. Les mots mûrement réfléchis mettent à nu les désirs de révolte ou de domination qui sous-tendent une pensée. C’est pour cela que toute autrice qui se préoccupe d’écologie et de justice sociale doit porter son regard sur le monde depuis celles et ceux qui sont exploité.es, animales humaines et non humaines. La réalité de toute société est à la fois matérielle et symbolique. Décrire clairement le système économique capitaliste, système puissamment idéologique, permet de rendre visible les violences et destructions quotidiennes dont il se nourrit pour le porter à notre jugement moral.

Dans son essai Résistances des femmes à l’Androcapitalocène. Le nécessaire écoféminisme, publié chez M Éditeur, Catherine Albertini commence par expliquer les raisons pour lesquelles « Androcapitalocène » lui semble être le mot le plus adapté pour nommer la période actuelle. Le préfixe « andro- » met en évidence le fait que la destruction en cours « n’est pas neutre du point de vue du genre ». Elle est le fait du genre masculin, c’est-à-dire d’hommes qui sont socialisés pour valoriser la concurrence, le pillage, le viol, la domination, l’hégémonie. Des hommes qui sont socialisés pour mépriser les qualités attribuées aux femmes. Le genre féminin, dans lequel sont socialisées les filles dès leur plus jeune âge, enferme les femmes dans une position masochiste et sacrificielle. Si elles veulent être aimées, les filles doivent correspondre aux qualités attribuées au féminin, à « La femme » douce, passive, généreuse, empathique, coquette, serviable, soumise. Cette socialisation binaire des sexes participe à la mise en place et au maintien d’un système économique qui lui ressemble en tout point : le capitalisme.

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Appel à désarmer les criminels climatiques !

Ne laissons pas les ultra-riches et leurs multinationales détruire la planète

Cet été nous avons vécu une succession de catastrophes climatiques : canicules, sécheresses extrêmes, mégafeux. Les restrictions d’eau ont touché l’ensemble du territoire. Orages, tornades, inondations ont également causé des dégâts parfois mortels.

Dans le même temps, nous avons assisté, avec colère, à l’indécence des ultra-riches. Bernard Arnault (LVMH), Vincent Bolloré, Martin Bouygues, François Pinault (Kering) ou Patrick Pouyanné (Total) ont multiplié les trajets de loisir ou de confort dans leur jet privé ou leur méga-yacht, et, en pleine pénurie d’eau, des dérogations ont permis l’arrosage des golfs.

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La prostitution est un enfer particulier que les hommes ont créé pour les femmes.

Ou

Le coût de la vente de votre âme pour survivre? Il est sans prix.

Source: Site Web de l’organisation Northern Model Now, le 8 septembre 2022

Une femme, qui souhaite rester anonyme, a envoyé ce texte puissant et déchirant par l’intermédiaire de notre page « Share Your Sex Work Story » (Partagez votre récit de la prostitution), qui offre un espace aux femmes pour raconter en leurs propres mots leur vécu de la prostitution.

Quand je ferme les yeux, je m’en souviens. Je ne vais pas mâcher mes mots. Ma vie était un enfer. Il n’y a jamais eu de moment où je n’étais pas malheureuse, ou déprimée.

Ma propre famille a fait de moi un bouc émissaire et m’a appris que ma valeur dépendait de la façon dont je leur faisais plaisir – que non seulement je ne devais pas m’attendre à l’amour ou au bonheur, mais bien à de la douleur et de la cruauté. En raison de mon handicap, j’étais une cible de choix pour les brimades : je n’ai jamais été encouragée à être quelque chose de plus que ce que les autres pensaient de moi. On me répétait sans cesse à quel point j’étais inutile.

Quand on passe son enfance et son adolescence à se faire rabâcher cela, vous n’aspirez plus à être autre chose que douce et humble. Vous n’apprenez pas à établir des limites. Vous n’apprenez pas à vous défendre. Vous apprenez seulement à éviter de souffrir davantage.

Étant handicapée, on attendait de moi que j’agisse normalement. Ma famille m’a laissée me débrouiller et je suis tombée dans le piège du « travail du sexe ». Je suis tombée dedans à cause d’un ex qui se comportait comme mes deux parents en un. C’était un sentiment familier, que je détestais et craignais à la fois et vers lequel je me sentais attirée, parce que c’est tout ce que je connaissais à l’époque. Personne ne m’a aidée ou a pris soin de moi. Personne ne s’est soucié de ce que je ressentais.

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« Vous allez devoir débarrasser mon cul de votre fantasme », compte-rendu de Pornographie d’Andrea Dworkin par Didier Epsztajn

Andrea Dworkin : Pornographie
Les hommes s’approprient les femmes

Editions Libre 2022, 340 pages, 20 euros

« J’ai rencontré d’énormes difficultés à écrire et à publier cet ouvrage. La pornographie que j’ai dû étudier pour l’écrire a envahi ma vie et m’a plongée dans une grande détresse personnelle. J’ai beaucoup de difficulté à gagner ma vie pendant cette période, en partie parce que les magazines et les journaux refusaient, presque sans exception, de publier mes écrits. Les maisons d’édition ne voulaient pas publier ce livre. L’achèvement de ce livre est pour moi le triomphe d’une écrivaine se battant pour sa survie. De nombreuses personnes m’ont aidée et je ne les oublierai jamais. Il est à la fois juste et véridique de dire que j’aurais sombré sans leur aide ». Andrea Dworkin dans ses remerciements en fin de livre.

Il aura fallu plus de quarante ans pour que Pornography : Men possessing Woman soit enfin traduit en français. Il faut en remercier Ann Leduc et Martin Dufresne. J’aurais aimé lire un tel livre beaucoup plus jeune, pour moins m’égarer dans certaines lectures, au nom d’une conception bien masculiniste de la liberté sexuelle revendiquée. L’autrice ne joue pas sur les mots, elle utilise ceux du quotidien dans toute leur âpre nudité. Elle ne se laisse pas tromper par des allégations sur l’érotisme et l’encensement d’ouvrages ouvertement pornographiques et violents, elle nomme et analyse des livres, des images, des productions de l’industrie pornographique. Andrea Dworkin discute des violences masculines faites aux femmes, des conséquences sociales de la consommation de pornographie, des rapports de domination, de l’humiliation des femmes parce qu’elles sont des femmes. Elle aborde aussi des productions soi-disant scientifiques naturalisant la domination masculine, discréditant le non des femmes, justifiant la violence et le viol… Quarante après, un livre toujours d’actualité.

Continuer à lire « Vous allez devoir débarrasser mon cul de votre fantasme », compte-rendu de Pornographie d’Andrea Dworkin par Didier Epsztajn

Lettre ouverte à Madame Anne Hidalgo, maire de Paris

Madame la maire,

Marina Ovsiannikova est la journaliste russe qui, le 14 mars 2022, soit vingt jours après l’invasion russe de l’Ukraine, a brandi une pancarte en direct pendant le journal télévisé, avec ce message :

« Non à la guerre. Arrêtez la guerre. Ne croyez pas à la propagande. Ici on vous ment. Russes contre la guerre. »

Le 15 mars, le président Macron lui a offert l’asile politique en France. 

Condamnée à une amende et laissée en liberté en attendant son procès, elle a continué à manifester son opposition à cette guerre.

Le 10 août, elle a été arrêtée. Elle risque dix ans de prison. Nous savons dans quelles conditions d’arbitraire se déroulent les procès dans la Russie de Poutine. 

Madame la maire, nous vous demandons d’afficher le portrait de Marina Ovsiannikova sur la façade de l’Hôtel de Ville de Paris, comme vous l’avez fait pour d’autres personnes persécutées.

Avec nos sentiments respectueux,

Catherine Deudon, cosignataire des Chroniques du sexisme ordinaire et auteur photographe de Un mouvement à soi et Florence Montreynaud, historienne

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Martin Dufresne : Quand PIVOT pivote…

[Juste en dessous, un petit « coup de gueule » de mon ami Martin.]

La revue PIVOT nous a servi cette semaine la nouvelle version d’un procédé récent qui s’assimile à une censure, soit une campagne de pression pour forcer une dramaturge à réécrire une pièce en réponse aux revendications d’un lobby. On note comme un goût de déjà-vu…

Dans ce cas-ci, ce sont des défenseurs de l’achat de sexe et du proxénétisme qui réclament de l’autrice Véronique Côté qu’elle modifie une pièce qui doit prendre l’affiche au Théâtre La Bordée de Québec dans un mois. La nouvelle pièce « La paix des femmes », un dialogue entre deux personnages aux opinions opposées, est accusée de ne pas soutenir suffisamment la thèse du Comité Autonome du Travail Sexuel (CATS), un groupe de pression qui exige la dépénalisation totale de l’achat de sexe et du proxénétisme au Canada.

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Susan Hawthorne : est-il acceptable que des hommes gays exploitent des mères porteuses confrontées à la pauvreté, au racisme, aux forces eugénistes et à la misogynie ?

par Susan Hawthorne

Document présenté à Broken Bonds and Big Money : Une conférence internationale sur la grossesse pour autrui[1] . Storey Hall, RMIT, Melbourne, 16 mars 2019.

Je suis lesbienne. Au cours de mes quarante années d’activisme politique, j’ai dénoncé à plusieurs reprises l’homophobie, tout en luttant contre la misogynie, le validisme, le racisme et la discrimination de classe, entre autres oppressions. Aujourd’hui, dans mon intervention, je vais critiquer les hommes gays qui engagent des femmes comme mères porteuses afin de satisfaire leur « désir » d’enfant. Ma critique s’adresse à toute personne – hétéro ou gay – qui se procure des enfants par le biais d’une mère porteuse. Je m’oppose à la violence contre les femmes et je suis intervenue particulièrement au sujet de la violence contre les lesbiennes. Comme il n’est pas recevable que les hommes accusent les femmes de chauvinisme, parce que les hommes sont le groupe dominant, de la même manière, lorsqu’une lesbienne critique la politique de certains gays, nous devons nous rappeler que les gays ont plus de pouvoir dans les structures patriarcales que les lesbiennes.

Mon opinion selon laquelle les gays ne devraient pas avoir recours à la grossesse pour autrui n’est pas une haine des hommes gays, mais plutôt une différence politique : une différence que j’exposerai dans mon intervention. Je ne suis pas la première personne à critiquer les hommes gays, en effet d’autres lesbiennes et gays l’ont également fait (voir Klein, 2017 ‘ Solis, 2017 ‘ Bindel et Powell, 2018).

J’approuve les mots de Julie Bindel et Gary Powell qui écrivent :

Nous sommes un gay et une lesbienne engagées depuis de nombreuses années dans la lutte pour l’égalité des gays et des lesbiennes et sur des questions plus larges de droits humains. Nous nous opposons sans équivoque à toutes formes de grossesse pour autrui, car celle-ci est contraire à l’éthique, dangereuse sur le plan juridique, médical et psychologique, et constitue une marchandisation violente des femmes et des bébés, sans parler des risques sanitaires importants et à peine signalés pour les femmes et les bébés concernés (Bindel et Powell, 2018).

POUVOIR

Le pouvoir est au cœur de la grossesse pour autrui, et ce dont nous parlons ici concerne un abus de pouvoir. Lorsqu’une personne dispose et peut exercer plus de pouvoir qu’une autre, il s’agit d’une relation de pouvoir inégal.

Arrêtons-nous sur les phrases suivantes :

Kim Kardashian West a eu un bébé grâce à une mère porteuse. Kim Kardashian est très riche. Qui a-t-elle « choisi » pour être sa « mère porteuse ». Une femme riche ? Probablement pas.

J’ai détesté être enceinte, … Mais autant j’ai détesté ça, autant j’aurais malgré tout aimé le porter moi-même. Le contrôle est difficile au début. Une fois que vous ne vous occupez plus de ça, c’est la meilleure expérience. Je recommanderais la grossesse pour autrui à n’importe qui (Fisher, 2018).

Mais, comme le montrent clairement les contributrices de Broken Bonds (Lahl, Tankard Reist et Klein, 2019), il est difficile de renoncer au contrôle et le fait de le maintenir est plus fréquent chez les parents commanditaires, avec des conséquences désastreuses pour les mères biologiques.

Bien qu’elle ait souffert de placenta accreta[2] lors de sa propre grossesse, Kim Kardashian a néanmoins considéré qu’il serait normal qu’une autre femme mette sa santé en danger afin qu’elle, Kardashian, puisse avoir un troisième enfant.

Une autre citation :

Elton John paie 20 000 £ à une mère porteuse pour avoir un deuxième fils (Daily Mail Reporter, 2013).

La femme reste sans nom, non seulement pour le public mais même sur le certificat de naissance. Et à la place, David Furnish (le mari d’Elton John) est identifié comme étant la mère.

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Andrea Dworkin : Introduction de son ouvrage Pornographie

1

Je n’hésitai pas à faire courir le bruit que tout homme blanc qui se proposerait de me fustiger aurait aussi à me tuer.

Vie d’un esclave américain, écrite par lui-­même,
Frederick Douglass (1845)

En 1838, à l’âge de 21 ans, Frederick Douglass devint un esclave en cavale, un fugitif pourchassé. Même si plus tard il devait acquérir sa renommée en tant que puissant orateur politique, il prononça ses premières paroles publiques avec trépidation lors d’une réunion d’abolitionnistes de race blanche au Massachusetts en 1841. Le leader abolitionniste William Lloyd Garrison décrivit ainsi l’évènement :

« Il s’approcha de l’estrade avec une certaine hésitation et gêne, sans aucun doute les pendants d’un esprit sensible dans une situation aussi peu familière. Après s’être excusé de son ignorance, et avoir rappelé à l’auditoire que l’esclavage est une bien pauvre école pour l’intelligence et le cœur humains, il fit le récit de certains épisodes de sa propre histoire en tant qu’esclave […]. Dès qu’il eut regagné sa place, je me levai, empli d’espoir et d’admiration, et rappelai à l’auditoire les risques auxquels s’exposait dans le Nord ce jeune homme émancipé par lui-­même — même au Massachusetts, sur la terre des pèlerins fondateurs, au milieu des descendants des Pères de la révolution ; et je leur demandai s’ils accepteraient jamais de voir celui-­ci ramené de force en esclavage — quoi qu’en dise la loi, quoi qu’en dise la Constitution[1]. »

Constamment en danger dans son état de fugitif, Douglass devint tout à la fois organisateur dans le camp abolitionniste ; éditeur de son propre journal qui plaidait en faveur de l’abolition et des droits des femmes ; chef de gare au sein du « chemin de fer clandestin » ; un proche camarade du célèbre John Brown ; et, lors de la convention de Seneca Falls en 1848, il fut la seule personne à seconder la résolution d’Élizabeth Cady Stanton réclamant le droit de vote pour les femmes. De mon point de vue, il était un héros politique ; une personne dont la passion pour les droits humains était à la fois visionnaire et ancrée dans l’action ; quelqu’un qui a pris des risques réels et non rhétoriques et dont l’endurance dans sa quête pour l’égalité a établi une norme en ce qui concerne l’honneur en politique. Ses écrits, aussi éloquents que ses discours, exprimaient son rejet catégorique de toute subjugation. Son intelligence politique, à la fois analytique et stratégique, était imprégnée d’émotions : l’indignation face à la douleur humaine, l’affliction face à l’avilissement, l’angoisse face aux souffrances, et la fureur face à l’apathie et à la collusion. Il détestait l’oppression. Son empathie pour celles et ceux qui souffraient de l’injustice dépassait les frontières de la race, du genre et de la classe parce qu’elle était animée par son propre vécu — l’expérience de l’humiliation et celle de sa dignité.

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INDISPENSABLE : « Pornographie: Les hommes s’approprient les femmes » d’Andrea Dworkin (Éditions LIBRE)

[L’avant propos par Dora Moutot.]

« S’il y a une féministe que j’aurais vraiment aimé rencontrer, c’est bien Andrea Dworkin.

Elle fait partie des femmes que j’admire, car elle a su parler de sexualité de façon novatrice, critique et incisive.

Mais je n’ai pas eu cette chance. J’avais 18 ans quand elle est décédée et à cette époque, je n’avais pas encore de conscience féministe.

Pourtant à 18 ans, je consommais déjà du porno sur internet, je pensais naïvement que c’était « cool » et même « progressiste ». Pendant de longues années, l’industrie porno a conditionné mes fantasmes et ma vie sexuelle, comme celles de tant de femmes et d’hommes, sans que je sois capable de percevoir les scripts misogynes qui avaient été implantés dans mon imaginaire sexuel par ce biais. 

Pornographie, Les hommes s’approprient les femmes d’Andrea Dworkin, initialement publié en 1979 dans sa version originale, est un pilier du féminisme radical, un livre visionnaire sur l’industrie pornographique et son impact sur les rapports femmes-hommes et sur la société.

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Aucune femme ne nait pour être pute (un extrait du livre)

[Juste après, un extrait du livre de la bolivienne Maria Galindo (membre fondatrice du collectif féministe libertaire Mujeres Creando) avec l’argentine Sonia Sanchez (membre du collectif Ammar Capital). Aucune femme ne nait pour être pute est publié aux éditions Libre, traduit par Louise Mingasson & Aloïse Denis pour l’intro et les annexes.

L’extrait est un passage du chapitre 6 intitulé : EUX ILS PROSTITUENT ET C’EST BIEN, MOI JE ME PROSTITUE ET C’EST MAL. il est reproduit avec l’aimable permission des éditions Libre]

LE PERE, LE FILS ET LE SAINT ESPRIT

LESBIENNE : Ce chapitre qui parle de la place des hommes au sein de la prostitution soulève d’emblée quelques problèmes théoriques. D’abord, il s’agit ici de parler de « l’autre ». De cet « autre » masculin qui n’est pas impliqué dans un processus de dialogue direct dans cet ouvrage.

Tout au long de ces chapitres, nous avons opté pour un discours à la première personne, issu de notre expérience et de notre analyse. Mais pour parler de ce sujet, nous devons changer de place. Nous parlons d’un tiers, face auquel nous nous plaçons, en examinant deux positions politiques : celle du putard, que nous analyserons en profondeur, et celle, bien qu’il s’agisse d’une position « imaginaire », de l’individu qui ne serait aucunement complice du premier.

Le deuxième problème que nous rencontrons est celui de l’absence : avec qui aborder le sujet de la consommation des corps depuis l’univers masculin ? Existe- t- il un espace « masculin » qui ne soit pas complice, même symboliquement, du putard ? S’il en existe, comment et à partir de quoi se construit- il ?

De plus, est- ce vraiment à nous de considérer ce problème politique qui, sans sujet pour l’enrichir, reste vide et en suspens ? Ça ne veut pas dire qu’en remettant la pute en question, nous n’ayons que l’univers masculin à questionner, que l’univers des non- putes reste extérieur à cette problématique. Nous traitons de ce point, le rôle des non- putes, dans un chapitre spécifique parce qu’il a des implications politiques différentes et qu’il présente des formes de complicité, de condamnation ou de normalisation qui requièrent un autre axe d’analyse.

Face à la pute qui se remet en question, la seule démarche politique possible est la remise en question de soi, et ça vaut pour le masculin aussi, évidemment.

PUTE : Et quelle absence ! En tant que femme ayant été prostituée, je ne pense pas que, du côté des hommes, quelqu’un fasse une analyse profonde de tout ça. C’est un problème politique duquel ils se sentent très éloignés. La preuve, lors de l’exposition, quand nous avons posé des questions concrètes pouvant servir d’amorce à une analyse, il n’y a pas eu de réponses vis- à- vis d’où doit commencer cette réflexion, pour la simple raison qu’il manquait la maturité et le courage nécessaires pour envisager cet autre espace. Il s’agit d’une absence et d’un vide politique terribles.

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